L’énergie renouvelable est souvent associée à une éolienne ou un panneau photovoltaïque, rarement à un méthaniseur. Or la filière biogaz mérite d’être mieux connue et d’attirer les talents car elle crée de la valeur comme nulle autre. Pour changer la donne, Biogaz Vallée s’investit au côté de ses membres et partenaires. Rencontre avec Dominique Fritz, responsable communication, qui nous livre son parcours et les actions du réseau des professionnels de la méthanisation et des gaz renouvelables en France.
Qu’est-ce qui vous a menée vers la méthanisation ?
J’ai découvert la méthanisation lors d’un bilan de compétences. J’étais chargée du marketing opérationnel et de la communication en Europe d’une société américaine spécialisée dans les routeurs d’accès à Internet. Après le rachat de celle-ci, j’ai négocié mon départ pour choisir une nouvelle vie professionnelle. J’avais participé à la révolution d’Internet et du haut débit. J’aspirais à me tourner vers le vrai défi de notre époque : le changement climatique. L’environnement m’attirait, mais ça voulait tout et rien dire car ce secteur est incroyablement diversifié. Alors j’ai planché sur mon projet, je me suis documentée, j’ai visité des salons. Et je suis tombée sur le biogaz et la méthanisation, qui m’ont fascinée et enthousiasmée ! Je trouvais incroyable et tellement dommage que ce soit si peu connu et si peu développé en France. Il fallait changer ça et je voulais y contribuer !
Qu’est-ce qui vous a plu quand vous avez découvert cette filière ?
J’étais ébahie de découvrir qu’à partir de nos déchets organiques on peut produire de l’énergie renouvelable, se chauffer, rouler en véhicule, produire des fertilisants naturels et boucler la boucle grâce au digestat. Rendez-vous compte : à partir d’une solution qu’est la méthanisation, nous avons les moyens d’agir sur les déchets, l’énergie, l’agriculture, l’agroécologie, l’emploi industriel et rural et même sur notre dépendance aux importations d’engrais et de gaz fossiles, et tout cela à l’échelle locale. Tout à coup le concept d’économie circulaire, que je trouvais nébuleux, a pris corps. De tout ce que j’avais pu lire, c’était de loin la solution la plus complète, la plus vertueuse, la plus enthousiasmante et la plus passionnante pour apporter ma pierre à la transition écologique et énergétique !
Comment êtes-vous parvenue à travailler dans cette filière ?
En 2007 le biogaz était peu répandu ; les opportunités étaient plus rares qu’aujourd’hui. Ma maîtrise de Langues Étrangères Appliquées et mon expérience dans les télécommunications ne rassuraient pas. J’ai procédé par étapes, aidée de mon bilan de compétences. J’ai fait une mission d’un an pour obtenir ensuite un Congé individuel de formation (CIF CDD) et financer un master 2 Pro « Sciences de l’environnement, milieux urbains & industriels — Parcours communication » à l’Université de Cergy-Pontoise. Dans cette formation généraliste, j’ai axé tout ce que je pouvais autour de la méthanisation : stages, mémoires, projets, travaux personnels… J’ai poussé les portes ; j’ai même contacté le Club biogaz de l’ATEE pour diriger bénévolement une enquête de satisfaction auprès de leurs membres. Et ça a payé. J’ai rencontré Holding Verte, qui m’a accueillie en stage en 2010 puis embauchée. Dans le cadre de mes missions de responsable communication, j’ai participé dès 2010 aux travaux de préfiguration de Biogaz Vallée, qui a été créée en 2011 et pour laquelle j’étais en partie mise à disposition jusqu’à ce que je rejoigne l’association à temps plein en 2015.
Quels conseils donneriez-vous a posteriori ?
Les stages sont un bon moyen de découvrir le secteur et ses entreprises. Webinaires, salons, visites de site… les opportunités sont nombreuses pour rencontrer les acteurs. Il faut s’en saisir et pousser les portes. Parfois il faut du temps, voire se former. Des formations dédiées existent à présent : le « CS RUMA » pour exploiter un site, le « DU MOUM » pour le développement et la conception ou encore le Titre professionnel de maintenance industrielle biogaz. Mais même si vous n’avez pas accès à une formation dédiée, rien ne vous empêche de transférer vos compétences en axant vos stages et projets d’études autour de la méthanisation, comme je l’ai fait. Nombre d’entreprises ont aussi recours à la formation interne, pour peu que vous convainquiez votre employeur de vous faire confiance.
Qu’apporte un réseau professionnel comme Biogaz Vallée ?
Biogaz Vallée a lancé le Guide Emplois & Formations Méthanisation pour faire découvrir les enjeux et métiers de la filière ainsi que les formateurs et recruteurs. Biogaz Vallée se mobilise activement sur les événements spécialisés. Nos salons partenaires, en particulier Expobiogaz, Pollutec ou Bio360 Expo, font rencontrer les entreprises et les talents actuels ou en devenir. Nous sommes aussi partenaires de DEFI, le nouveau rendez-vous des métiers et des formations de la transition énergétique. Nous relayons les offres d’emploi de nos membres. Nous contribuons au groupe de travail « Formation biogaz » dans le cadre du CSF NSE. Nous faisons connaître les organismes de formation membres de Biogaz Vallée et organisons des formations en intra pour acculturer les nouvelles recrues. Le crédo de Biogaz Vallée est de mettre en relation les acteurs et d’accélérer les opportunités via nos conventions d’affaires. D’autres ont une vocation plus technique ou plus régionale. Les réseaux professionnels comme Biogaz Vallée sont des ressources à utiliser !
La filière offre-t-elle de belles évolutions ?
La filière et les opportunités professionnelles ont décollé partout en France depuis les tarifs mis en place en 2006 et 2011 puis revalorisés. Fin 2023 la consultation publique de la Stratégie Française Énergie Climat a énoncé des objectifs de 50 TWh de biogaz produit en 2030, dont 44 TWh de biométhane injecté dans les réseaux de gaz, soit au moins 15 % du gaz contre 2 % aujourd’hui. Ça donne des perspectives ! Pour les esprits curieux d’apprendre et d’évoluer, c’est un terrain de jeux formidable car c’est un catalyseur d’innovations et de changements sans pareil. Combien d’agriculteurs auraient cru possible, il y a dix ans, qu’ils rouleraient avec leur carburant produit à la ferme et valoriseraient le CO2 biogénique en agroalimentaire ! La méthanisation crée de la valeur. Elle fait travailler une grande diversité d’acteurs : collectivités, industriels, agriculteurs, institutions, pouvoirs publics locaux et nationaux, etc. Et avec les nouveaux gaz renouvelables – gazéification hydrothermale, pyrogazéification, power-to-gas, méthanation – la filière va continuer d’évoluer et de créer de nouvelles opportunités. Talents actuels ou en devenir, cette filière en a sous le pied ; foncez !
De gauche à droite : Dominique Fritz, responsable communication et Grégory Lannou, directeur, Biogaz Vallée.
