Les Français ont pris l’habitude de trier leurs déchets quotidiens – emballages plastiques, papier ou biodéchets (déchets de cuisine, de repas ou de jardin). Le compostage domestique s’est ainsi largement répandu dans l’habitat individuel. Les composts obtenus permettent ainsi aux particuliers d’enrichir la terre de leurs jardins en matière organique. Dans le cas de l’habitat collectif, des composteurs de proximité offrent parfois la possibilité de déposer des biodéchets, ce qui nécessite davantage d’organisation et de suivi pour les utilisateurs.
Ces pratiques sont appelées à se développer de plus en plus : dès le 31 décembre 2023, il sera en effet interdit de jeter ses biodéchets dans la poubelle classique. Conformément à la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, ils devront être triés à la source afin d’être valorisés.
Par dérogation, l’arrêté du 15 mars 2022 autorisera la collecte conjointe de certains emballages et déchets compostables, méthanisables et biodégradables avec ces biodéchets. Il sera alors possible d’éliminer avec ces derniers des sacs en papier-carton ou en matières plastiques dites « compostables en compostage domestique ».
Matières plastiques compostables
Ces dernières sont, comme toutes les autres matières plastiques, des mélanges composés de polymères et d’additifs. Les constituants de ces mélanges ont, en général, pour origine des substances chimiques issues du pétrole, mais ils peuvent également provenir de la biomasse, avec une origine végétale (ex : la cellulose issue du bois) ou animale (ex : la caséine du lait).
Certaines matières plastiques briguent le titre de matières plastiques biosourcées, même si elles ne sont qu’en partie fabriquées à partir de ressources issues de la biomasse. Aujourd’hui, la teneur minimale en matières biosourcées (50 % depuis le 1er janvier 2020) est uniquement réglementée pour les produits en plastique à usage unique.
Pour les autres applications, aucun seuil réglementaire n’est imposé en cas de revendication « biosourcée ».
Des critères définis par deux normes
Les matières plastiques dites compostables doivent répondre à deux critères : être biodégradables, c’est-à-dire être décomposées naturellement par des organismes biologiques (micro-organismes, etc.) et se dégrader dans des conditions de laboratoires spécifiques bien définies (température, durée du procédé, hygrométrie, etc.).
Selon les conditions appliquées (telles que la température et la durée de l’essai), on parle alors soit de compostage industriel (40–50 °C, 6 mois), soit de compostage domestique (25 °C, 12 mois).
L’ensemble de ces conditions est défini dans deux normes : la norme européenne NF EN 13432:2000 pour le compostage industriel des emballages et la norme NF T51-800:2015 pour le compostage domestique des matières plastiques.
Matières plastiques et compost domestique
Pour satisfaire aux exigences de compostabilité en milieu domestique décrites dans la norme NF T51-800:2015, les matières plastiques estampillées « compost domestique » doivent répondre aux critères suivants :
Le matériau à tester ne doit pas contenir de substances préoccupantes pour la santé humaine et l’environnement telles que des substances CMR (Cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction), des perturbateurs endocriniens, etc.
Sous l’effet du compostage, à une température inférieure à 30 °C, le matériau doit se fragmenter en petits morceaux. À l’issue de 12 semaines d’essai, seuls 10 % de la masse initiale du matériau doit présenter une taille supérieure à 2 mm. Les résidus de désintégration dans le compost doivent être non distinguables à l’œil nu (distance de 0,5 m).
Dans un délai de 12 mois, au moins 90 % des constituants du matériau doivent se biodégrader pour donner de l’eau, du gaz carbonique et de la biomasse microbienne. Aucun impact négatif sur la qualité du compost ne doit être observé à l’issue du test de compostabilité.
Des tests peu applicables en compost domestique
Les conditions de test présentées dans la norme NF T51-800:2015 ne sont pas facilement transposables dans un composteur domestique. Il ne peut, par exemple, pas y avoir une température d’essai constante à 25 °C pendant 12 mois.
La norme précise en outre que les essais doivent se dérouler avec seulement 1 % en masse de matières plastiques alors que les particuliers vont continuer à alimenter leurs composteurs en biodéchets (et donc éventuellement en matières plastiques compostables). Il est ainsi impossible de garantir que tous les matériaux dits compostables se dégraderont en un an si ce taux recommandé par la norme NF T51-800 est dépassé.
Dans ces conditions de test, le taux minimal de biodégradation à respecter est de 90 % après une période d’essai de 12 mois. Or, aucune étude supplémentaire n’est exigée sur les 10 % restants des constituants qui ne se seraient pas dégradés. Donc, si certains d’entre eux présentent un caractère dangereux pour l’humain et l’environnement, ils risquent d’être épandus dans le jardin domestique et in fine de contaminer les aliments cultivés.
Compostage domestique vs industriel
L’Ademe a également démontré dans une étude que le taux de désintégration de certains sacs en matières plastiques dites compostables était inférieur à celui préconisé dans la norme NF T51-800, en raison d’un brassage insuffisant du contenu du composteur par les utilisateurs. Il restait alors des fractions de taille supérieure à 2 mm.
Le processus de compostage domestique est moins performant qu’un compostage industriel puisque la température d’essai est moins élevée (25 °C contre 55 °C environ). Il ne s’applique pas à toutes les matières plastiques dites compostables car certaines ne se dégradent pas dans un composteur domestique. Il faut donc d’abord les faire collecter par des professionnels afin qu’elles soient orientées vers des composteurs industriels puis valorisées.
Comme il n’est légalement pas possible d’aller vérifier chez les particuliers si les matériaux et les utilisateurs respectent toutes les exigences figurant dans la norme de compostage domestique, l’Anses incite les pouvoirs publics à interdire l’introduction de matières plastiques (compostables ou non) dans des composteurs domestiques, une contamination de l’environnement ou des cultures locales ne pouvant être exclue après l’épandage d’un compost par un particulier.
Elle recommande que ces matières plastiques soient collectées puis triées par les industriels en vue de faire l’objet d’un traitement approprié (compostage industriel, méthanisation, recyclage, etc.).
En partenariat avec : theconversation.fr