À partir du 1er janvier 2024, tous les ménages devront pouvoir trier leurs déchets biodégradables selon l’article L541-21–1 du code de l’environnement. Mais si la loi fixe des objectifs, elle ne donne ni n’impose les solutions pour y parvenir. Parmi les valorisations possibles, la méthanisation présente de nombreux avantages et requiert quelques conditions.
La mise en œuvre de cette disposition, introduite par la loi du 10 février 2020 contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, repose sur les collectivités territoriales (communes ou communautés de communes), qui devront proposer les solutions permettant d’effectuer ce tri à la source, chez soi. Plusieurs dizaines de collectivités ont déjà aménagé cette obligation.
Ces solutions sont multiples, conjointes ou complémentaires, en fonction de la situation des communes (urbaines, rurales) et des ménages concernés (en appartement, en pavillon) : elles peuvent passer par la mise à disposition de composteurs individuels ou collectifs (pour un immeuble, une rue, un quartier), de poubelles individuelles ou de conteneurs collectifs pour une collecte spécifique en benne à ordures, comme il en existe déjà pour les emballages ou le verre.
Parmi les valorisations possibles, la méthanisation présente de nombreux avantages.
Biodéchet : produisez votre gaz localement !
En parallèle aux gisements de déchets agricoles, les biodéchets des ménages constituent une source potentielle importante pour la méthanisation, avec près de 5 millions de tonnes par an. Les dernières réglementations fixent des objectifs ambitieux de réduction, de réemploi et de valorisation de ces déchets, notamment pour les collectivités. Comment optimiser une production de biogaz via les biodéchets ? Le guide Biodéchets : du tri à la source jusqu’à la méthanisation, proposé par GRDF donne des éléments de réponse.
Finie l’incinération, les déchets organiques peuvent se révéler bien plus utiles, par le compost ou la production de biogaz. À l’heure où l’énergie se raréfie, les collectivités doivent saisir l’opportunité de mobiliser leur population pour mettre en place une production de gaz pour une consommation locale. Mais la collecte et le déconditionnement restent à réinventer pour un retour au sol des sous-produits. « Je trie, et je me chauffe aussi ! »
Précieux biodéchets
En effet, comme le rappelle le guide, les biodéchets ont une forte valeur agronomique. Ils sont facilement valorisables par retour au sol sous forme d’engrais naturels, réduisant ainsi l’utilisation d’engrais chimiques et contribuant à la maîtrise de ressources rares, comme le phosphore par exemple. Ils peuvent produire aussi de l’énergie par méthanisation.
Part non négligeable de notre poubelle, ces déchets ont une forte teneur en eau, leur incinération ou leur enfouissement n’est pertinent ni écologiquement ni économiquement. Leur tri et leur valorisation permettent de réduire les impacts liés à la gestion des déchets (émission de gaz à effet de serre, de poussière, de lixiviats liés au stockage ou à l’incinération des ordures ménagères).
Ils peuvent être un levier de maîtrise des coûts des collectivités face à l’augmentation attendue des coûts de traitement des OMR (augmentation de la TGAP, réduction des capacités de stockage et des exutoires).
Par leur composition, leur valeur énergétique et leur dégradabilité, ce sont des déchets mobilisables localement (dans un rayon de 50 km environ), favorisant ainsi une économie circulaire de proximité. Orienter les biodéchets en méthanisation contribue à une gestion circulaire de ces flux, au profit de logiques territoriales durables et résilientes par production d’EnR et par la valorisation des déchets produits localement. Le lien urbain-rural qu’implique le fléchage de ces biodéchets vers la méthanisation agricole, la diversification des revenus agricoles qu’elle permet, ainsi que la dynamique entre acteurs du territoire qu’elle suscite, inscrivent la méthanisation des biodéchets comme une réelle opportunité à développer.
La méthanisation : outil de l’économie circulaire
En plus d’être une filière de production d’énergie, la méthanisation permet d’assurer plusieurs fonctions : gestion des déchets organiques et résidus agricoles, production de digestats valorisables comme fertilisants. L’analyse environnementale de la filière passe donc par une analyse multi-critères et multifonctionnelle. Ces dernières années, parallèlement au développement de la méthanisation en France, plusieurs programmes ont été réalisés dans l’objectif de quantifier les gaz à effets de serre (GES) et de mesurer l’impact de la filière sur l’environnement, notamment via des Analyses de cycle de vie (ACV) : ACV du biométhane, ACV de la méthanisation sur les exploitations laitières (IDELE), analyse GES selon la Directive européenne sur les énergies renouvelables (RED II) ou pour le Label Bas Carbone. Ces analyses montrent que d’un point de vue du bilan GES et de l’impact sur le changement climatique, la production et la valorisation de biogaz sont bénéfiques par rapport à un système de référence. C’est également le cas pour une majorité des autres impacts environnementaux.
Tout au long de la chaîne de valeur, des émissions de GES sont générées quel que soit le type de traitement des biodéchets. En effet, différentes étapes peuvent être à l’origine d’émissions : lors du procédé lui-même, lors de la phase de stockage des matières sortantes mais également lors de l’exutoire final (le retour au sol pour la méthanisation et le compostage, les Installations de stockage de déchets dangereux (ISDD) pour l’incinération). Les procédés peuvent être également à l’origine d’émissions évitées, voire de stockage de carbone. Les émissions évitées sont comptabilisées dès lors qu’il y a production d’énergie (cas de la méthanisation et de l’incinération) en substitution à la consommation d’énergie fossile ou du fait de la substitution à l’utilisation d’engrais minéraux (cas de la méthanisation et du compostage). Enfin, le stockage du carbone est occasionné par le retour sur les sols agricoles d’un produit concentré en carbone stable, cas du digestat et du compost.
Importance du tri
Méthanisation et compostage centralisé sont les deux modes de valorisation organique des déchets alimentaires collectés en grandes quantités. La méthanisation permet d’ouvrir la voie de la valorisation énergétique en plus de la valorisation organique. La difficulté de la méthanisation et du compost par rapport à l’enfouissement et à l’incinération réside dans le tri et le déconditionnement, puis l’hygiénisation des biodéchets. Car ces solutions produisent un sous-produit (compost ou digestat) qui peut être utilisé dans le sol ultérieurement comme engrais, à condition que la quantité de polluant soit extrêmement faible. Étape intermédiaire avant le retour au sol, l’unité de méthanisation, à l’instar de la plate-forme de compostage, doit mettre tout en œuvre pour qu’à l’issue du traitement la production finale, digestat ou compost puissent être valorisés sur les terres agricoles. Les réactions biologiques qui s’opèrent au sein de l’unité de méthanisation n’exercent aucun pouvoir sur des résiduels de plastiques, de métaux ou autres inertes qui n’ont aucune valeur agronomique et que l’on peut retrouver dans les flux de biodéchets collectés. C’est donc en amont du traitement que se trouvent les clés de la réussite de la valorisation par retour au sol de ces biodéchets en conformité avec les objectifs réglementaires. Sensibilisation, techniques de collecte et de pré-traitement sont des étapes essentielles à maîtriser et à déployer sur le territoire pour garantir la valorisation matière.
Les enjeux du tri des biodéchets sont nombreux. Un bon tri peut être aussi un levier de maîtrise des coûts de collectivités. Côté taxe en effet la TGAP va augmenter jusqu’à 2025 selon la loi de finance en passant de 30 à 65 €/tonne pour le stockage entre 2021 et 2025 et de 8 à 15 € pour l’incinération. Avec un bon tri en amont, au lieu d’être une charge, les biodéchets peuvent se transformer en énergie et en engrais : deux produits et donc deux recettes permettant de pallier le coût de traitement de plus en plus élevé. L’intérêt est de les mobiliser localement sur des rayons de 50 km maximum, ce qui permet de créer une économie circulaire de proximité, avec des emplois à la clé dans une logique territoriale durable.
Déconditionnement : une étape nécessaire
Le déconditionnement est l’étape qui consiste à séparer la matière organique des emballages. Ces deux produits (soupe organique et emballages) vont pouvoir ainsi être valorisés de manière indépendante et optimale et éviter incinération ou enfouissement. Il ouvre la possibilité à de nombreux producteurs de biodéchets (collectivité, GMS, restaurants, etc.) de les recycler de manière optimale et de participer à un retour au sol de la matière organique. La qualité de la soupe post-déconditionnement est donc indispensable. Parmi les exigences de la nouvelle rubrique ICPE, tout plastique, verre, métal supérieur à 2 mm et toute concentration de ces matériaux au-delà de 0,3 % excluront le retour au sol.
On retrouve trois technologies principales :
• broyage/séparation : la séparation se fait lors du broyage. Il s’agit de la technologie la plus répandue, notamment pour les petites capacités ;
• compression : la séparation se fait après broyage par un équipement compresseur ;
• hydromécanique : la séparation se fait après ou pendant le broyage dans un pulpeur. C’est la technologie la moins répandue en France.
Hygiénisation : obligation réglementaire
Les biodéchets des ménages et des professionnels de la restauration sont des déchets de cuisine et de table (DCT) et sont également classés comme des Sous-produits animaux (SPAn)de catégorie 3. Ils sont donc nécessairement hygiénisés avant d’être introduits dans le méthaniseur. Cette étape peut intervenir sur site ou hors site. Les équipements d’hygiénisation sont des cuves inox thermorégulées précédées d’un broyeur à maille fine. L’énergie utilisée pour la montée en température peut être soit le biogaz, soit une autre énergie renouvelable, soit une énergie fossile. Le dossier d’agrément est instruit par la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) du territoire et doit contenir la description du site (équipements, fonctionnement), le plan de maîtrise sanitaire (avec étude HACCP29) et la gestion de la traçabilité et des lots non conformes. Une inspection sur site est réalisée avant la remise de l’agrément provisoire de trois mois pour le début de l’activité. C’est un dossier évolutif qui fait l’objet d’inspections régulières.
Les sites de méthanisation accueillant des SPAn doivent obtenir un agrément pour lequel les déchets doivent être :
• traités rapidement après réception sur le site (< 24 h) ;
• broyés pour obtenir une taille des particules à l’entrée <12 mm ;
• hygiénisés, c’est-à-dire maintenus à 70 °C pendant 1 h consécutive avec enregistrement en continu de la température.
Les véhicules et conteneurs utilisés pour le transport des SPAn doivent être :
• propres et secs avant utilisation ;
• nettoyés après chaque utilisation (pour les parties ayant été en contact avec des SPAn et les roues des véhicules). ■