Le projet DEF’Hy, présenté lors du salon Hyvolution en février 2023, consiste à réaliser un diagnostic et une analyse des compétences-métiers et formations de la filière Hydrogène. Inès Taoufik, du pôle expertise de France Hydrogène, qui pilote ce projet, nous en explique les enjeux et les avancées.
He projet DEF’Hy est une opération soutenue par l’État dans le cadre du plan France 2030, doté de 57 milliards d’euros déployés sur 5 ans, qui vise à développer et créer de nouvelles filières industrielles et technologiques. « Les enjeux de compétences, métiers, emplois et formations ont une importance majeure pour assurer le déploiement de la filière d’hydrogène décarboné et atteindre les objectifs de création de valeur et d’emplois dans les territoires », explique Inès Taoufik. C’est pourquoi DEF’Hy réunit des partenaires complémentaires comme Adecco, Pôle emploi, EIT InnoEnergy, le réseau des CARIF-OREF (centres d’animation, de ressources et d’information sur la formation/observatoires régionaux de l’emploi et de la formation), l’Afpa et France Hydrogène qui pilote l’ensemble.
Compétences et métiers
« Nous avons déterminé trois grands axes d’actions. Notre “lot A” a pour objectif de déterminer les compétences nécessaires et leur adaptation à la filière hydrogène. Il s’agit de déterminer précisément les besoins en compétences pour exercer les métiers de la filière et d’identifier les socles de compétences communs aux métiers de la filière hydrogène. Nous avons travaillé pour proposer une matrice qui puisse servir de référence et accompagner les organismes de formation pour déterminer et construire une offre de formation adaptée et les industriels pour déterminer entre autres leur fiche de poste.
Lors d’une précédente étude (livre blanc de FH2), 84 métiers avaient été identifiés. Nous en avons retenu 81, qui doivent se réinventer en s’appuyant sur des formations généralistes déjà existantes mais en leur apportant une coloration “hydrogène”.
En effet, l’hydrogène demande des compétences spécifiques en matière de sécurité, de haute pression, de matériaux, d’usages nouveaux de la mobilité et sur l’environnement maritime par exemple. »
Métiers en tension et passerelles
« Le deuxième axe de travail pour DEF’Hy est de déterminer et identifier les métiers en tensions et de préconiser des passerelles entre les métiers existants dans l’industrie, l’ingénierie et la filière hydrogène, en recherchant des types de métiers proches dans des secteurs en décroissance qui pourraient se reconvertir.
En fait, tous les métiers sont en tension dans la filière hydrogène. Parmi les raisons que nous avons identifiées, l’intensité d’embauche et le manque de main d’œuvre ressortent clairement. Au stade actuel du déploiement de la filière, les profils recherchés se placent dans la conception, l’ingénierie, les relations avec les collectivités, avec des offres qui ont beaucoup augmenté en 2021 et 2022. Rapidement les besoins en techniciens puis en opérateurs vont se développer afin de faire fonctionner et de maintenir les installations. Nous anticipons un besoin de recrutement très fort vers 2028, 2030. Cela doit donc se préparer dès maintenant. »
Formation et plateau techniques
« Notre troisième axe est donc de recenser l’offre de formation et d’en identifier les nouveaux besoins. Nous avons entrepris de répertorier les formations associées ainsi que le réseau des organismes qui les dispensent. Objectif : qu’elles entrent dans le RNCP (Répertoire national des certifications professionnelles) éligible à des financements et aux contrats de professionnalisation. Les organismes sont nombreux, les formations changeantes et complexes à agréger. Certaines proviennent d’industriels qui ont organisé eux-mêmes leurs propres formations car il n’y en avait pas de disponibles sur ce marché émergent. Un travail de coordination des formations pour la filière semble donc indispensable, entre formations initiale, continue, diplômante et qualifiante, afin de mailler tous les besoins et niveaux nécessaires pour la fiière (formation de premier degré, sécurité, maintenance…). En parallèle, nous avons répertorié une quarantaine de formations transverses dans les métiers du gaz par exemple, qui pourraient être adaptées aux spécificités H2.
Ce travail nous permet de voir aussi les “trous dans la raquette” afin que l’offre de formation puisse être rapidement en adéquation avec les besoins de la filière. Entre les industriels et les organismes de formation, l’envie de collaborer est là pour faire grandir notre filière.
Le secteur de l’hydrogène nécessite des manipulations en très haute pression. Pour former les techniciens, il nous faut aussi développer des plateaux techniques. Ceux-ci coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros, la mutualisation des plateaux apparaît comme la première étape. Il sera aussi possible de créer des plateaux techniques numériques.
Nous allons enfin travailler sur l’attractivité de la filière en réalisant différentes vidéos métiers avec par exemple un ingénieur conception de train hydrogène, un technicien de maintenance, un opérateur et un chef de projet. Notre filière d’énergie décarbonée et renouvelable est attractive, mais l’industrie souffre d’une moins bonne image. »
Un comité de suivi et d’orientation a été mis en place dans le cadre du projet pour accompagner les travaux des partenaires, formuler des recommandations et assurer le lien entre les actions du projet et les démarches territoriales. Avec 24 entités représentées, il réunit des industriels couvrant la chaîne de valeur, des acteurs de la recherche et de l’enseignement, des régions et territoires, des pôles de compétitivité. Les résultats du travail de DEF’Hy et la présentation des suites à donner seront présentés en septembre 2023.