En nous fondant sur les données d’un des plus gros acteurs français du transport de marchandises, nous démontrons dans une récente étude que les deux tiers de son activité à destination et en provenance de la ville de Paris pourraient être réalisés par vélo cargo.
Ce résultat – qui s’appuie sur une analyse économique prenant comme critère le poids des colis à transporter – offre une perspective intéressante pour le secteur du transport de marchandises, régulièrement pointé du doigt comme un émetteur majeur de gaz à effet de serre (14 % des émissions françaises). S’ajoutent à cela les nombreuses externalités négatives particulièrement importantes en ville (congestion, nuisance sonore, etc.).
Rappelons aussi que le transport routier reste aujourd’hui le principal mode de livraison en ville ; en France, 88 % du transport de marchandises est effectué par des camions.
S’il existe plusieurs solutions de report modal pour la longue distance (ferroviaire, fluviale), la cyclologistique représente actuellement la seule solution durable pour décarboner le dernier kilomètre – le plus émetteur.
L’essor de l’e‑commerce
L’enjeu de décarbonation est double en matière de transport de marchandises : il s’agit d’adapter le modèle actuel au profit de pratiques plus vertueuses (par exemple, la cyclologistique) tout en intégrant des flux en perpétuelle augmentation.
L’e‑commerce, en particulier, occupe une part en progression dans nos modes de consommation (+ 4 % des parts du commerce de détail entre 2018 et 2020).
Ceci exige un accroissement de la flotte nécessaire à la logistique urbaine, les estimations prévoyant une augmentation de 36 % des distances parcourues par les camions dans les grandes villes à travers le monde d’ici à 2030 si aucune mesure n’est prise. Cela induirait de nombreux effets négatifs tels qu’une forte progression de la congestion, des émissions de gaz à effet de serre, etc.
Des microhubs au cœur des villes
De ce fait, le développement de la cyclologistique doit être considéré comme une priorité. L’utilisation de vélos cargo implique néanmoins une organisation spécifique. La localisation des plates-formes de tri, généralement en périphérie des villes, ne se prête par exemple pas à ce mode de transport. Leur faible capacité de transport et leur vitesse réduite par rapport à un camion limitent également leur rayon d’action.
Le recours à des microhubs au cœur des villes, avec des vélos cargo qui opèrent en étoile à partir de ces points, semble donc indispensable. Deux contraintes à soulever néanmoins.
D’une part, la cyclologistique exige la transformation de locaux commerciaux, traditionnellement occupés par des magasins, pour les aménager en plates-formes logistiques. Ces nouveaux lieux non ouverts au public, également appelés dark stores, viennent concurrencer le tissu commercial aujourd’hui implanté au cœur des villes.
D’autre part, l’ajout d’une étape surnuméraire dans la chaîne logistique entraîne des surcoûts (principalement le coût du foncier) qu’il est nécessaire de compenser, par exemple grâce à une forte densité d’activités dans la zone de chalandise des microhubs.
Ainsi, certaines zones géographiques apparaissent plus propices que d’autres à la mise en place de la cyclologistique. Pour pallier ce surcoût, l’étude de l’utilisation de conteneurs ou de camions faisant office de microhubs est aujourd’hui à l’étude. Quand bien même ces solutions ne concurrencent pas le tissu commercial actuel, elles impliquent tout de même une emprise foncière dans l’espace public.
La fin des camions en ville ?
Finalement, la cyclologistique ne rime pas forcément avec la fin des camions en ville. Il est en effet nécessaire d’alimenter quotidiennement les microhubs qui doivent eux-mêmes être connectés aux plates-formes de tri localisées en périphérie.
Par ailleurs, il est actuellement impossible d’opérer des colis trop lourds (maximum 250 kg) ou trop volumineux par vélo cargo – cela implique de les transporter par des camions. Les opérateurs se dirigent ainsi vers une flotte mixte.
En conclusion, si la cyclologistique représente une voie à creuser pour verdir la logistique, elle pose également certains défis qui appellent à la vigilance. Entre autres, le développement de dark stores au cœur des villes qui risque, à terme, de nuire au tissu commercial.
N’oublions pas enfin que le consommateur final est le créateur de la demande de l’e‑commerce et des flux associés. Modifier les comportements de consommation en faveur d’une demande moins instantanée demeure l’action la plus pertinente pour réduire l’impact de la logistique sur l’environnemen.
Cet article a été publié sur le site : theconversation.fr