Une synthèse de résultats économiques portant sur 57 sites de cogénération et sur 27 sites d’injenjections a été présenté à Expobiogaz dans le cadre du programme Prodige 2. Ces résultats, obtenus à partir des données de 2021, sont très instructifs sur les coûts et charges des exploitations. Mais ils permettent aussi de voir comment l’explosion du prix de l’électricité peut plomber les comptes et stopper les projets aujourd’hui.
Prodige 2 est un programme portant sur le fonctionnement des unités de méthanisation. Il a fait l’objet d’un partenariat APCA/ADEME, avec une contribution forte des exploitants de l’AAMF. L’AAMF a bien précisé que ces résultats issus de données de 2021 n’ont bien sûr pas pris en compte la multiplication folle, par 3, par 4, voire par 10, des prix de l’électricité, soulignant que ce prix de l’énergie totalement décorrélé des coûts réels de production est en train de mettre en péril beaucoup d’unités de méthanisation et de porter un coup d’arrêt à de nombreux projets. Retour sur les chiffres de 2021/début 2022.
Cogénération
Sur les 57 sites de cogénération agricole (année de mise en service moyenne 2014), 88 % ont plus de 90 % de capital agricole. La SAU médiane est de 220 ha pour les sites individuels et de 714 ha pour les sites collectifs, et 95 % des sites comportent au moins une exploitation en élevage. Avec une puissance moyenne de 298 kWé et un nombre d’heures de fonctionnement des moteurs moyen de 8 266 (5 jours d’arrêt/an), la productivité est de 88 % (kWh livrés/Pmax × 8 760 h). L’alimentation est de 50 tonnes de matière brute (tMB) avec une ration agricole sécurisée de 70 % (l’AAMF préconise de s’approcher de 100 % pour une autonomie). Les effluents représentent 69 % du tonnage et 40 % de la production d’énergie avec un pouvoir méthanogène moyen de la ration de 47 Nm3 de CH4/tMB.
Résultats des sites de cogénération. |
La valorisation du biogaz avec digesteur et postdigesteur (temps de rétention moyen de 114 jours) est de 61 % et de 39 % en digesteur seul (temps de rétention de 59 jours). La chaleur est quant à elle valorisée à 57 % (29 % digesteur et 27 % chauffage, élevage, séchoir…).
54 % ont une séparation de phases. La capacité de stockage du digestat liquide est de 6,3 mois (avec 55 % de fosses ouvertes), avec 300 m2 en moyenne pour le stockage du digestat solide (58 % couvert).
Injection
Sur les 27 sites d’injection agricole analysée, 63 % ont plus de 90 % de capital agricole. La SAU médiane est de 390 ha en site individuel contre 903 ha en site collectif, avec 78 % de sites associant au moins une exploitation en élevage.
La puissance moyenne est de 150 NM3/an (avec une année de mise en service moyenne en 2018). 75 % ont des épurateurs membranaires, 20 % des épurateurs PSA, et 7 % un lavage à l’eau. Le nombre d’heures moyen est de 8 493 avec un taux de charge de 91 % (production de CH4 injecté/Cmax/8 760 h) avec 8 jours d’arrêt en moyenne (mais une souplesse pour les rattraper). La productivité est de 92 %. L’alimentation est de 139 tMB/Nm3h avec une part de la ration sécurisée de 62 %. Les CIVE représentent 28 % du tonnage (et 28 % de la production d’énergie). Le pouvoir méthanogène de la ration est de 79 Nm3CH4/tMB. La valorisation de biogaz est de 74 % avec digesteur et postdigesteur, mais tombe à 26 % pour un digesteur seul. 74 % des unités séparent les phases du digestat avec 9,4 mois de capacité de stockage du digestat liquide et 300 m2 de surface.
Résultats des sites d’injection. |
Prudence
Comme on le voit, les marges sont parfois faibles, voire négatives, avec des chiffres de l’énergie de 2021. Certains contrats d’achat d’électricité négociés en 2020 à 47 €/MWh sont proposés selon le tarif 2023 à 460 €, soit 10 fois plus. Le coût électrique moyen serait alors de 100 €/MWh, ce qui plombe complètement les marges. Si rien n’est fait pour revenir à des coûts d’électricité « normaux », la filière va se retrouver par terre (comme d’ailleurs toute l’économie française et européenne). L’AAMF a relevé cinq points clés qui modifient la viabilité des projets, notamment les taux d’intérêt (en hausse), la hausse des investissements (CAPEX en forte hausse), l’augmentation des charges (électricité et intrants).
Différentes solutions existent pour réduire les coûts et produire plus et gagner en autonomie (énergétique, notamment avec l’autoconsommation) comme vous pourrez le voir dans ce magazine. Les exploitations récentes et celles qui fonctionnent mal peuvent se retrouver en grande difficulté et tous les projets sont en train de se bloquer. À l’heure où les besoins en gaz sont forts, où le prix du gaz fossile est passé très au-dessus du coût de production du biogaz, il est paradoxal de constater que la politique actuelle conduit à l’arrêt de la production de biogaz.