Green Innovation. Pouvez-vous présenter la chaire CoPack et son engagement ?
Sandra Domenek. La chaire CoPack est une chaire de partenariat de mécénat portée par la fondation AgroParisTech, fondation reconnue d’utilité publique. La fondation AgroParisTech constitue un outil pour allier des expertises complémentaires autour d’une ambition commune et pouvoir ainsi appréhender efficacement des sujets complexes, pour produire ensemble des solutions face aux enjeux majeurs à venir.
Je travaille dans l’unité de recherche SayFood, qui est une unité de recherche de procédé alimentaire. Dans le travail de cette unité, l’emballage tient une place assez importante, car la quasi-totalité des produits alimentaires vendus sont emballés, très souvent dans un emballage en plastique. Depuis longtemps, je travaille sur le développement des matériaux qui sont biodégradables et/ou biosourcés pour essayer de trouver des moyens pour remédier à des problèmes comme la pollution au plastique.
On voit bien aujourd’hui que les matériaux utilisés pour l’emballage, et surtout le plastique, sont remis en question. Il faut donc trouver de nouvelles possibilités pour l’écoconception de ces produits.
En étudiant attentivement le secteur, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un problème extrêmement complexe. En effet, l’emballage rend plusieurs services à des instants différents la chaîne d’approvisionnement et il n’existe pas réellement de structure où tous les acteurs de cette chaîne peuvent échanger pour développer ensemble l’écoconception de cet objet-là (et notamment éviter de transférer l’impact environnemental d’un maillon de la chaîne vers un autre).
À la chaire CoPack, nous avons commencé à réunir différents acteurs mécènes engagés sur ce sujet. Nous travaillons actuellement avec des fabricants de matières, comme l’Association française des compostables biosourcés ; un partenaire technique pour la plasturgie, donc la mise en œuvre des matières plastiques (le pôle de compétitivité EuraMaterials) ; le GRET, une ONG de transfert technologique vers les pays du Sud, notamment dans le champ de l’alimentation afin de lutter contre la malnutrition ; STEF, une entreprise logistique, grande entreprise de transport réfrigéré ; le Syctom Île-de-France, qui est un acteur majeur de la collecte et du tri des déchets ; une agence de communication RSE, Linkup Factory. De plus, nous avons noué un partenariat académique avec l’Université de Montpellier et un partenariat avec un éco-organisme, LEKO.
Quel est l’objet de vos recherches et quel est leur objectif ?
Nous avons actuellement structuré quatre projets avec comme objectif in fine d’arriver à une conception globale d’un ou de plusieurs produits. Ils ont tous des niveaux de maturités différents.
Le premier projet, généraliste, est orienté sur la réduction des déchets. Nous avons commencé un travail sur le devenir des biodéchets dans nos poubelles : comment améliorer le tri des biodéchets, notamment en Île-de-France où cette question est complexe à cause de la densité d’habitat dans les villes, notamment dans Paris. Au 31 décembre 2023, toutes les collectivités devront avoir mis en place un moyen de traiter les biodéchets des habitants. Nous travaillons actuellement sur l’élaboration des cartographies des systèmes existants (méthanisation, compostage, etc.) pour pouvoir calculer les impacts et les besoins de chacun de ces systèmes et proposer des solutions.
Le deuxième projet concerne une solution possible : l’utilisation des sacs compostables pour les déchets biologiques et le comportement des emballages compostables dans ces conditions. Nous évaluons actuellement l’impact de ces sacs sur les filières. Et bien qu’aujourd’hui les matériaux compostables n’entrent que sous forme de sacs de collecte dans la filière, nous souhaitons évaluer l’impact de la mise en place des emballages compostables. Nous allons procéder à des expérimentations pour mesurer la performance de ces matériaux sur le terrain, et pas uniquement en laboratoire, afin de pouvoir répondre aux questionnements de l’industrie et des plates-formes de compostage avec des exemples concrets.
Le troisième projet vise à trouver une solution pour les emballages multicouches qui posent souvent le problème de non-recyclabilité. Ce type d’emballage revêt une grande importance pour garantir la qualité et la sécurité de certains aliments. Nous sommes en train de travailler avec le GRET afin de concevoir un emballage monocouche qui remplacera les emballages multicouches et permettra de garantir la qualité de l’aliment, et qui pourra mieux s’adapter soit au circuit de recyclage, soit au circuit de compostage.
Le dernier projet concerne la logistique. Il faut savoir que plus de 50 % des emballages utilisés le sont dans le circuit logistique. Le client ne les voit jamais, or il y en a beaucoup. Notre objectif est d’expérimenter d’une part la réduction de ces emballages, et d’autre part, leur réutilisation.
L’un des intérêts de notre chaire, c’est qu’elle est ouverte à tout type d’acteurs. Chaque acteur peut la rejoindre s’il adhère à notre philosophie et qu’il a une compétence à apporter. Pour notre part, au niveau académique, nous allons nous charger de la généralisation. Chaque acteur aura l’avantage de pouvoir impulser le travail sur ses cas concrets, ses données, ses terrains d’expérimentation. Les solutions seront élaborées et éprouvées sur son terrain à lui, avec ses produits : il aura donc une belle longueur d’avance.
Enfin, ce qui est intéressant, c’est que les résultats de notre chaire – car elle s’inscrit dans le cadre du mécénat – seront publics, sous forme de guides et d’indicateurs avec une diffusion au plus grand nombre. Enfin, des avis concertés avec tous les mécènes, parties prenantes de la filière, pourront être publiés pour faire avancer la connaissance et développer des solutions pour des emballages alimentaires plus responsables.