La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP26, s’est conclue mi-novembre avec l’engagement à financer l’action climatique à hauteur de plusieurs milliards de dollars, à promouvoir la durabilité environnementale et à abandonner progressivement l’utilisation du charbon. Le Conseil de la transition énergétique de la COP26 a acté l’objectif de doubler les investissements dans les énergies vertes d’ici à 2030.
L’urgence de ces questions a été soulignée par John Kerry, émissaire américain pour le climat, qui a qualifié la COP26 de « meilleur et dernier espoir » d’éviter les pires conséquences du changement climatique.
Toutefois, les effets des politiques publiques sur la création et la diffusion des innovations sont, de longue date, sujets à débat. Comment faut-il précisément dépenser l’argent public ?
Dans nos recherches, nous nous sommes attachés à étudier cette question, en analysant plus particulièrement les moyens de stimuler au mieux l’innovation et la diffusion des énergies renouvelables, au regard des données de 15 pays européens.
Trois possibilités
Supposons qu’un pays, l’Allemagne par exemple, dispose de 200 millions d’euros à investir pour promouvoir l’adoption de systèmes utilisant des énergies renouvelables, comme les panneaux photovoltaïques. Ce budget pourrait être affecté de différentes manières.
Première option : le gouvernement pourrait octroyer des incitations fiscales aux entreprises qui investissent dans l’innovation, c’est-à-dire dans la recherche et le développement de solutions plus efficaces destinées à être commercialisées et, potentiellement, adoptées. Mais une telle option de « coup de pouce technologique » (« technology-push ») pourrait ne porter ses fruits qu’au bout de quelques années, une fois la nouvelle technologie développée et commercialisée.
L’Allemagne pourrait également utiliser cette enveloppe pour verser des aides aux foyers prêts à installer des systèmes photovoltaïques déjà disponibles sur le marché et garantir un tarif avantageux sur la réinjection dans le réseau du surplus d’électricité produit – ce que l’on appelle les tarifs garantis de rachat (une stratégie que l’Allemagne a d’ailleurs mise en œuvre). Ce mécanisme de « traction par la demande » (« demand-pull ») favorise logiquement les technologies en place, déjà présentes sur le marché, et n’encourage pas nécessairement l’innovation radicale, qui ne serait disponible qu’au bout de quelques années.
Ou, troisième possibilité, le gouvernement pourrait décider de stimuler l’économie globale, par exemple en baissant les taxes, en partant de l’hypothèse que plus un pays est riche, plus il est disposé à adopter des solutions utilisant des énergies renouvelables, en particulier si elles sont plus chères que les technologies utilisant des combustibles fossiles. (Si l’on veut faire un parallèle au niveau individuel, on peut dire qu’il est peu probable que les consommateurs investissent dans un véhicule électrique cher s’ils ne disposent pas d’un certain niveau de revenus.)
Conjuguer diverses mesures
Pour comprendre quelle option serait la plus efficace, nous avons analysé des données sur les énergies renouvelables de 15 pays européens sur une période de 13 années. Nous avons étudié dans quelle mesure l’investissement en R&D, les politiques publiques et le produit intérieur brut par habitant se répercutaient sur la diffusion des énergies renouvelables (la part des énergies renouvelables dans l’énergie électrique totale) et l’innovation (mesurée par le nombre de brevets déposés dans ce domaine).
Nos conclusions ont largement confirmé nos hypothèses : la mise en place d’incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans la R&D stimule l’innovation radicale, tandis que des interventions plus en aval, comme les tarifs garantis de rachat, encouragent l’utilisation des technologies disponibles.
En effet, le programme de tarifs de rachat actuellement appliqué par l’Allemagne, l’un des premiers en Europe, a entraîné des changements structurels permanents dans l’industrie de l’énergie. L’impulsion initiale a aidé le secteur des énergies renouvelables à gagner en rentabilité, à un point tel que, lorsque l’Allemagne a récemment baissé ses tarifs de rachat, le marché des énergies renouvelables n’a globalement pas été touché.
Il est à noter que nous avons constaté qu’un PIB par habitant élevé ne se répercute pas de manière significative sur l’innovation, mais a bien un effet positif sur l’adoption des systèmes disponibles sur le marché.
Nous recommandons donc aux pays d’appliquer une approche multi-facettes dans leur politique et leurs investissements en faveur des énergies renouvelables : créer des marchés de niche avec des politiques basées sur la demande, tout en soutenant la R&D afin de financer la croissance du marché à la fois à court et à long terme. Les décideurs politiques ne doivent par ailleurs pas négliger l’importance du niveau de richesse et de la croissance du PIB.
Il convient cependant d’interpréter nos travaux de recherche avec une certaine prudence dans la mesure où la corrélation entre les politiques mises en œuvre et la diffusion des énergies renouvelables peut être surestimée, comme nous l’avons indiqué dans un précédent article consacré aux limites des données de panel.
Nous tenons également à souligner que notre étude a porté sur 15 pays européens uniquement. Néanmoins, compte tenu des différences importantes entre ces pays, nos résultats peuvent probablement être appliqués à d’autres contextes avec un degré de précision raisonnable. ■