Très demandé par la filière biogaz, un diplôme destiné aux futurs exploitants d’unités de méthanisation a été mis en place par l’EPL (établissement public local) d’enseignement et de formation professionnelle agricole de la Meuse à Bar-le-Duc, l’Agricampus à Laval et le CFPPA du Périgord à Périgueux. Entretien avec un trio motivé pour professionnaliser la filière méthanisation.
Historiquement, nous avons créé en 2012 un diplôme universitaire (DU) “Mise en œuvre d’une unité de méthanisation”, dispensé à l’EPL Agro de la Meuse, explique son initiateur, Étienne Halbin. Fils d’agriculteur, j’ai perçu très vite l’intérêt de cette technologie et compris que ce métier complexe nécessitait une formation. » Au départ, en 2012, ce DU formait aux métiers de chargé d’exploitation et de chargé d’études. Mais la profession, c’est-à-dire l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), souhaitait que soit mis en œuvre un diplôme pour les exploitants de ces unités de méthanisation dans le but de professionnaliser la filière. À ce moment-là, Bertrand Guérin, de l’AAMF, s’est rapidement mis en relation avec les services de l’État afin qu’un diplôme national soit créé. C’est sur cette base que s’est greffé en 2019 un groupe de travail constitué d’Étienne Halbin de l’EPL Agro de la Meuse„ de Jean-François Raimbault, formateur au CFPPA (Centre de formation professionnelle et de promotion agricole) de l’Agricampus de Laval, et de Carine Dumas-Larfeil, responsable du certificat de spécialisation Responsable d’une unité de méthanisation agricole (CS RUMA) au CFPPA de la Dordogne.
Formation en alternance
« Nous croyons tous les trois au développement et à l’intérêt de la méthanisation dans la transition énergétique et agricole et à la nécessité de former aux métiers de cette filière, indique Jean-François Raimbault. Notre objectif était de mettre en place une formation qui couvre toutes les spécificités du métier et de le faire en alternance, en nous entourant d’intervenants spécialisés. Nous avons mené un réel travail d’équipe tous les trois, en contact avec les professionnels de terrain, pour mettre en place le CS RUMA. » « Après avoir envisagé plusieurs types de formations, nous nous sommes dit que la meilleure réponse pour former des professionnels opérationnels était ce certificat de spécialisation, explique Carine Dumas-Larfeil. Nous avons donc travaillé sur la traduction des attentes des professionnels pour élaborer le contenu de cette formation, mais aussi les moyens d’évaluation et de certification. » L’idée de travailler en réseau permet de répondre aux besoins de la profession. « Nous avons identifié trois autres centres de formation qui pourraient dispenser également cette formation et avec lesquels nous sommes en contact : les CFPPA de Pontivy, de Montbrison et des Herbiers, précise Étienne Halbin. Mais pour être franc, dispenser une formation de qualité implique aussi d’avoir un nombre minimum d’apprenants. Or, pour le moment, nous manquons de candidats. Les établissements dispensant le CS RUMA rencontrent des difficultés de recrutement. » « Ce métier est trop peu connu alors qu’il est très recherché et donc rémunérateur, avec des salaires au-dessus de la moyenne, poursuit Carine Dumas-Larfeil. Pour réaliser cette formation et monter en compétence, il existe plusieurs financements possibles avec Pôle emploi et la Région pour les demandeurs d’emploi, les opérateurs de compétences (OPCO) pour l’apprentissage (étudiants poursuivant leurs études) et les contrats de professionnalisation (salariés en activité). De nombreuses unités recherchent des candidats dans des secteurs géographiques très variés. »
« C’est une formation qui mène à l’emploi, indiquent de concert nos trois interlocuteurs, tant les demandes de personnes formées pour devenir responsables d’unités de méthanisation sont nombreuses. Nous avons conçu une formation très pragmatique, puisque les apprenants sont directement confrontés à la gestion de l’exploitation de l’unité de méthanisation du fait de l’alternance. Ils sont réellement opérationnels dès la fin de leur formation CS RUMA. Il ne s’agit pas de savoir réciter, mais de savoir faire. C’est pour cela que tous sont mis en situation réelle par l’alternance, ce qui leur permet de mettre à profit la semaine de formation au centre. Chaque session de formation repose sur des apports théoriques, visites et pratiques dispensés par plusieurs interlocuteurs praticiens ou spécialistes. »
Cette formation est aussi très large puisqu’elle couvre l’éventail des compétences que doivent maîtriser les responsables d’exploitation, avec des capacités à acquérir pour chacun d’eux : alimentation des digesteurs et maîtrise des intrants, stockage et gestion des flux de matières, analyse des valeurs méthanogènes, suivi du fonctionnement, suivi biologique, maintenance, gestion de l’épuration et de l’injection, usages du biogaz, sécurité du site et des personnes… La formation couvre également une compétence en suivi économique, en réglementation sanitaire et installation classée pour l’environnement (ICPE), avec notamment la mise en œuvre de la charte de bonne pratique de l’AAMF.
Un certificat de spécialisation, trois centres de formation !
Si le contenu et le diplôme sont identiques dans les trois établissements, chacun possède ses spécificités. L’objectif commun des trois centres est de faire monter en compétences les apprenants pour une professionnalisation de la filière du biométhane.
« À Périgueux, nous disposons de notre propre unité de méthanisation qui valorise les déchets du site (effluents d’élevage et déchets issus de la production de canards et de l’atelier de transformation – biodéchets de cantine, tontes de pelouse), mais aussi ceux du territoire. Ainsi, notre unité de méthanisation est un lieu d’apprentissage privilégié pour les apprenants du CS RUMA qui sont mis régulièrement en situation professionnelle. Le CS RUMA étant organisé en blocs de compétences, il est possible d’individualiser les parcours en fonction des besoins et/ou des acquis de chacun. De plus, dans le cadre de la formation, nous faisons passer l’habilitation électrique BS chargé d’intervention élémentaire »
Avec sa devise « Une équipe de professionnels au service de vos projets », le CFPPA Agricampus de Laval joue la carte du partenariat avec les acteurs locaux. « Nous avons toujours travaillé avec des exploitations agricoles pour nos formations (brevet professionnel responsable d’entreprise agricole) et nous avons élargi cette collaboration avec les méthaniseurs des environs, l’ATEE et GRDF, avec lequel nous abordons les risques liés au gaz. Lors de la formation, les apprenants réalisent une habilitation électrique. Nous avons la fibre agroécologique et travaillons en particulier sur les CIVE (cultures intermédiaires à vocation énergétique), le tout avec une ouverture territoriale. Pour nous, la méthanisation ouvre la voie à une agriculture durable. L’Agricampus Laval est impliqué dans un projet de méthanisation. Nous sommes attentifs à prendre en compte la charte des bonnes pratiques de l’AAMF, qui a fait un gros travail pour développer cette filière. » Spécificité de Laval, rentrée en octobre en apprentissage ou contrat de professionnalisation sur un an et rentrée en janvier en formation adulte sur 6 mois.
Avec sa devise « Cultivons notre avenir », l’EPL de la Meuse est ancré dans son territoire, mais porte une attention à l’agriculture de demain. « Nous avons beaucoup d’intervenants extérieurs : GRDF, Engie, des constructeurs et bien sûr des partenaires méthaniseurs, explique Étienne Halbin. Notre triptyque de formation repose sur le gisement, le process et la gestion de matière, et les débouchés des matières produites (biogaz et digestat). Nous sommes attentifs à la mobilité, par exemple avec les tracteurs fonctionnant au bioGNV. Nous voulons avec pragmatisme participer avec nos apprenants à la mise en place d’une filière propre décarbonée dont la méthanisation nous semble être un maillon indispensable. La méthanisation est la voie royale pour l’agriculture durable. »