Très impliqués dans la filière du biogaz, les agriculteurs se sont emparés de la formation par l’intermédiaire de l’AAMF. Ils témoignent également de ce qu’apporte la méthanisation à leur exploitation. Rencontres.
Témoignage 1 : Révolution agricole
Pour l’agriculture, les apports de la méthanisation constituent une opportunité extraordinaire de développer une autre trajectoire agricole. Francis Claudepierre, président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) de 2017 à 2020, a mis en service la première unité de méthanisation en France il y a près de vingt ans. « Grâce à cela, nous avons pu nous lancer dans l’agriculture biologique, car la méthanisation, outre la production d’énergie, permet d’obtenir un digestat qui est un fertilisant de très bonne qualité. Avec cet engrais qui peut être mis en place au bon moment, nous n’avons plus besoin d’en importer. Avec un pH de 8, il améliore la vie des sols sans autre apport. Simple exemple, lors de la sécheresse de 2019, nous avons tenu avec notre digestat trois bonnes semaines de plus en herbe pour nos vaches que nos voisins qui utilisaient l’azote liquide.
Par ailleurs, les intrants sont constitués dans notre unité à 70 % d’effluents d’élevage (lisier et fumier de bovins) et à 30 % de résidus d’industrie agroalimentaire (issues de céréales, restes d’amidonnerie…) ainsi que de quelques hectares de cultures et intercultures (CIVE). Outre la captation du CO2, ces CIVE permettent d’empêcher l’érosion des sols. Nous pouvons nourrir les hommes, ce qui est notre vocation de paysans, en quantité et avec des produits de qualité, tout en améliorant la biodiversité des sols et en étant économiquement rentables… grâce à la méthanisation ! »
Témoignage 2 : Retour au sol
Exploitant agricole en grandes cultures dans l’Oise avec son frère, François-Xavier Létang a découvert la méthanisation en 2008 sur un salon, alors qu’il cherchait à diversifier l’activité vers la production d’énergie renouvelable. « La méthanisation a été pour moi comme une évidence, une activité complémentaire à l’exploitation agricole. Le retour au sol d’un digestat qui est un engrais très performant nous permet de pallier la carence organique de manière autonome. Grâce à la méthanisation, nous avons opéré un changement cultural vers l’agriculture de conservation des sols, avec notamment des cultures intermédiaires (CIVE) et un travail en semis direct. Nous maintenons ainsi des sols fertiles avec une large biodiversité et qui retiennent l’eau, tout en produisant de l’énergie localement. La méthanisation permet de redonner un sens à nos métiers, qui s’intègre dans une économie circulaire locale. Lors de la création d’une unité de méthanisation, il est indispensable de prévoir l’embauche d’un responsable de site. Les unités de méthanisation sont des installations classées et doivent donc être suivies par des professionnels qualifiés qu’il faut savoir rémunérer à la juste valeur de leur compétence. »
Témoignage 3 : Une chance agricole
« J’ai rapidement vu que la brique méthanisation s’inscrivait très bien en complément de notre activité agricole, du fait de la restitution à la terre du digestat, indique Jacques-Pierre Quaak, l’un des pionniers de méthanisation en France. L’élevage nous permettait alors de couvrir en matière organique 40 % de la surface de nos terres. Avec la méthanisation, c’est 120 % et nous sommes donc “exportateurs” d’engrais. Nous avons ainsi créé un système d’économie circulaire de territoire.
Notre gisement est composé pour un tiers d’intrants propres, pour un tiers de CIVE et pour le solde de résidus d’industrie agroalimentaire. La méthanisation nous a fait modifier nos pratiques culturales et passer à une agriculture de conservation des sols, avec notamment la mise en place de cultures intermédiaires (CIVE). Une unité de méthanisation représente un investissement important. Il est donc impératif d’avoir un responsable d’unité compétent. Il faut compter au minimum un temps plein pour une unité comme notre premier site d’injection. Un responsable de site doit être assidu et rigoureux dans son travail au quotidien. Il peut y avoir des astreintes. Biologie et machine impliquent des contrôles programmés dans un plan de maintenance. Le pilote de site doit suivre l’ensemble du processus, de la biologie à la machinerie mécanique et aux automatismes en passant par la gestion des intrants, être familier des outils numériques, avoir des capacités d’analyse, mais aussi savoir conduire une machine. Une curiosité d’apprendre, d’analyser, de comprendre me paraît aussi primordiale. »