Depuis de nombreuses années, la question de l’emballage et du conditionnement des produits, notamment alimentaires, revient sans cesse hanter les professionnels de la distribution et de la filière logistique, les associations de consommateurs et jusqu’aux députés de l’Assemblée nationale. La crise sanitaire que nous traversons soulève le problème de la durabilité des emballages et accentue encore le défi de la fin du plastique.
Depuis quelques mois, de nouvelles étapes ont été franchies avec pour objectif une diminution importante de matières non ou peu recyclables dans les emballages, l’utilisation de matières « biosourcées » (donc biodégradables ou compostables), la généralisation du tri et la valorisation des déchets recyclables. Au niveau supérieur, le dernier plan de relance annoncé par le gouvernement fin août 2020 insiste sur la nécessité de produire des emballages plus écologiques. L’économie circulaire, par exemple, sera dotée d’une enveloppe de 570 millions d’euros et comptera plusieurs mesures pour accompagner les entreprises. L’objectif : les aider à sortir de l’emballage unique en plastique, en conformité avec la loi dite « antigaspillage » adoptée en février 2020.
La loi entre en résonance avec une consommation de fruits et légumes qui a bondi en 2020, malgré la fermeture des restaurants et une augmentation nette des prix. Les volumes consommés par les Français ont ainsi augmenté de 5 % en 2020, soit la croissance cumulée des cinq dernières années.
La guerre au plastique est déclarée
Les projets visant à accélérer la transformation de l’univers de l’emballage plastique dans un futur proche et à accompagner les entreprises vers un changement profond des pratiques sont très ambitieux. Mais le calendrier fixé par la loi est particulièrement serré. L’article 77 prévoit en effet d’interdire les emballages composés de plastique pour les fruits et légumes de moins de 1,5 kg. L’article indique que « coller une étiquette directement sur les fruits et légumes sera interdit sauf si ces étiquettes sont compostables et constituées en tout ou partie de matières biosourcées ». Il faut dire que l’image de fruits et légumes vendus en petites quantités, mais suremballés dans du plastique, a de quoi surprendre, voire choquer. Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, il ne sera plus possible de vendre des fruits et des légumes frais et non transformés emballés dans du plastique.
Aujourd’hui, 37 % des fruits et légumes sont vendus sous emballage plastique. Cette mesure devrait permettre de supprimer plus d’un milliard d’emballages en plastique par an.
L’interdiction concerne les poireaux, les courgettes, les aubergines, les poivrons, les concombres, les pommes de terre, les carottes, les tomates rondes, les oignons, les navets, les choux, les choux-fleurs, les courges, les panais, les radis, les légumes racines et les topinambours. Pour les fruits, cela concerne les pommes, les poires, les bananes, les oranges, les clémentines, les kiwis, les mandarines, les citrons, les pamplemousses, les prunes, les ananas, les mangues, les fruits de la passion et les kakis.
Une politique qui a inspiré le ministère de la Transition écologique espagnol qui souhaite interdire la vente de fruits et de légumes emballés sous plastique d’ici à 2023. Cette mesure concernera, comme en France, les produits pesant moins de 1,5 kg. Le ministère a ainsi indiqué : « La pollution plastique a dépassé toutes les limites. Nous devons lutter contre la surconsommation d’emballages de la manière la plus efficace possible. »
De mesures pénalisantes ?
Le décret prévoit un calendrier afin de trouver et de déployer des solutions alternatives pour les fruits et légumes les plus fragiles, d’ici au 30 juin 2026. Il s’agit par exemple des fruits rouges, dont la durée de vie est très limitée en vrac. Le délai est toutefois plus court pour les salades, les épinards, les endives, les asperges et les champignons (31 décembre 2024).
L’objectif global de la loi climat et résilience est de faire en sorte que 20 % des produits de grandes et moyennes surfaces soient vendus en vrac d’ici à 2030, contre 1 à 3 % aujourd’hui.
L’Interfel (Interprofession des fruits et légumes) n’a pas tardé à réagir à ce décret. Elle a souligné que la filière fruits et légumes frais représentait « moins de 1,5 % des conditionnements plastiques du secteur alimentaire » tout en s’interrogeant sur la pertinence de ce ciblage prioritaire de la filière. « Dans le contexte Covid, le manque de disponibilité des matières premières et le coût des solutions alternatives rendent particulièrement difficile une mise en place de la mesure au 1er janvier 2022 », a ajouté l’Interfel. Elle a également souligné que sa proposition de plastique 100 % recyclable pour les emballages n’avait pas été retenue. « Nous espérons que cette mesure franco-française, et exclusivement sectorielle, ne pénalisera pas la place des produits français au sein de l’espace européen », a conclu l’Interfel.
L’Interfel voit juste. La filière est faible contributrice à l’usage du plastique. En réalité, elle utilise en grande majorité du bois et du carton pour le commerce des fruits et légumes et la vente au détail est réalisée en vrac. Bois et carton sont des matériaux qui sont valorisés et bien recyclés. Le SIEL (Syndicat national des industries de l’emballage léger en bois) indique que la captation carbone est possible grâce à l’entretien des forêts de peupliers et à la « valorisation énergétique des connexes et produits bois » qui se substituent aux énergies fossiles.
L’emballage 100 % végétal et compostable Embelium, société créée par Rémi Laurant, a développé des emballages cultivés, naturels et compostables. Le matériau est d’origine végétale, cultivé dans le Sud-Ouest de la France. Il s’agit de chanvre, de rafles de maïs et de mycélium. L’emballage, qui résiste aux chocs, se décompose en 12 semaines. Rémi Laurant explique : « La réduction de l’empreinte environnementale apparaît de façon claire en offrant aux marques un support de communication axé sur l’écoresponsabilité ». Embelium est notamment utilisé dans les secteurs de la cosmétique et du vin et dans la logistique du dernier kilomètre. |