Avec le cadre réglementaire et le plan de relance, la filière de l’hydrogène décarboné est en train de se déployer. À l’heure où les premières briques de la construction de toute cette activité sont prêtes à être posées, il est nécessaire et encore temps de vérifier si cet édifice repose bien sur de bonnes bases. À l’aune des projets en devenir, la rédaction d’Hydrogen+ vous propose une petite réflexion sur la logistique du déploiement.
L’objectif est donc de mettre en place une filière énergétique pérenne de production et d’usage d’hydrogène décarboné. L’équation à résoudre de la meilleure manière résulte de trois facteurs : la production, les usages et leur interaction (connexion).
Coût du transport
Le coût pose le problème du transport et de la logistique hydrogène qui, comme nous le verrons dans ce dossier, peut annihiler le rendement d’un projet. De ce fait, production et consommation ont dans la majeure partie des cas intérêt à se trouver à proximité, à moins de développer un maillage de transport par pipeline plus important autour des gros sites de consommation.
Pour ce qui concerne la production, l’hydrogène demande une source d’électricité décarbonée : le photovoltaïque et l’éolien, mais aussi pour une bonne part aujourd’hui, le nucléaire. C’est sur les deux premiers moyens de production d’énergie que se concentrent les projets de production par électrolyse. Une production qui demande toutefois un minimum de puissance électrique, ce qui met les projets d’éolien en mer, mais aussi de production d’électricité par la houle, en première ligne, suivis par les territoires disposant de champs denses d’éoliennes, parfois en fin de contrat, et les champs photovoltaïques qui se multiplient sur les friches ou bâtiments jusque dans le Nord de la France. Reste la question du ratio coût de production d’électricité/rendement hydrogène. Massification et innovation technologique laissent toutefois entrevoir un prix « raisonnable » de l’hydrogène vert à moyen terme.
Territoires et industrie
Des déploiements territoriaux associés à des champs d’éoliennes terrestres et marines sont donc une des cibles de projets de production d’hydrogène. Mais ces secteurs sont bien souvent loin des zones à forte densité industrielle jusqu’alors principales consommatrices d’hydrogène : Normandie, Hauts-de-France, Est, Rhône-Alpes, PACA et, dans une moindre mesure, autour de Lacq (Pyrénées-Atlantiques). Cela implique donc soit un transport en grande quantité, soit une utilisation d’hydrogène sur place, en particulier tourné vers la mobilité. Quant aux zones industrielles, elles trouvent un usage naturel d’hydrogène, que les entreprises consommatrices souhaitent « décarboner ». On note cependant que des substituts de l’hydrogène ont été développés, dans le raffinage en particulier.
Usage industriel
Cela implique d’anticiper sur les consommations réelles d’hydrogène à terme, d’autant que les activités liées aux énergies fossiles (raffineries…) devraient diminuer. Là encore, la mobilité, notamment lourde (camions, trains, mais aussi bateaux), peut être une source de consommation importante. Pour les zones PACA, Normandie, Hauts-de-France, voire pour des territoires de la Côte atlantique, la consommation d’hydrogène pour les bateaux à terre et en mer est bien entendu une source importante d’usage. D’autant que ces zones sont équipées des infrastructures recevant déjà de l’hydrogène et que les bateaux permettent également un transport plus économique de cette énergie. Pour le pôle Est, la proximité de l’Allemagne et du Luxembourg laisse entrevoir une dorsale hydrogène plus importante. Enfin, certaines régions pourront permettre un stockage et donc des réserves de cette énergie.
Autour des pôles !
Le déploiement de la filière ne devrait donc pas être uniforme sur le territoire français, mais concentré autour de pôles industriels importants et de pôle territoriaux de tailles plus ou moins modestes selon le développement local d’éoliennes ou de champs de panneaux photovoltaïques, ou même d’unités de consommation plus petites, comme le site Michelin de Vannes qui réunit production, consommation industrielle et station, à moins que chaque centrale nucléaire ne développe également autour d’elle un territoire d’énergie hydrogène.
Cela pourrait réduire la mobilité hydrogène transport routier, ou du moins la réserver aux zones mieux desservies ou aux flottes captives autour de projets de territoire, bien que l’autonomie des véhicules hydrogène soit semblable à celle des véhicules diesel. On notera que les zones rurales bénéficient dans la transition énergétique de l’énergie complémentaire fournie par les unités de biométhane. Chaque énergie renouvelable aura bien sa place dans le futur paysage énergétique français. Tous ces éléments permettent de dresser une carte « hydrogène » de la France, avec les premières réalisations ou projets à retrouver dans les pages qui suivent.