Chefs de file de la transition énergétique, les régions prennent à cœur cette responsabilité. Certaines se sont fixé des objectifs plus ambitieux encore que ceux définis par les lois et autres PPE. Entre pacte et plan climat, rapide retour sur un déploiement du biogaz en région.
Les ambitions régionales
La région Bretagne vient de signer en septembre son pacte gazier, dix ans après le pacte électrique. L’objectif de ce pacte est d’optimiser l’exploitation, de structurer la filière et d’atteindre 10% de la consommation bretonne de biogaz en 2025, pour une région qui compte déjà 70 cogénérateurs (411 GW) et 11 unités d’injection (128 GW) en service.
Un pacte gazier
Mais, pour la région, ce développement doit être fait pour un usage durable, pour plus d’autonomie et en préservant nos sols. Elle a donc signé ce pacte avec plusieurs acteurs majeurs du territoire comme l’AAMB (Association des méthaniseurs bretons), les syndicats départementaux d’énergie (pôle énergie), GRDF, GRTgaz, l’ADEME et l’État. L’objectif est de mobiliser tous les acteurs du territoire et d’obtenir des garanties d’origine 100 % « Breizh ». Enfin, si les orientations sur les garanties d’origine le permettent (voir pages 21–22) ! La région Pays de la Loire, en sa qualité de chef de file sur la transition énergétique, avait arrêté fin 2016 sa feuille de route transition énergétique 2017–2021, constituée de 52 actions regroupées en cinq axes, parmi lesquels le développement des énergies renouvelables pour tripler la production d’ici à 2021 (aujourd’hui environ 11 % de la consommation d’énergie finale), et en particulier le bois énergie et la méthanisation, et le développement des motorisations alternatives avec notamment comme objectif de devenir la première région en matière de motorisations alternatives d’ici à 2021. Ainsi, aux côtés de GRTgaz et de GRDF, elle avait annoncé en février 2018 son engagement pour atteindre une consommation de 30 % de biogaz d’ici à 2030 sur son territoire. L’objectif est de développer tous les usages du gaz, dans tous les secteurs (résidentiel, tertiaire, industrie, mobilité…).
Plan climat-énergie
La région Hauts-de-France a adopté en 2017 une Stratégie régionale climat-air-énergie (pour la période 2017–2021) dans laquelle la filière de méthanisation est reconnue comme ayant un fort potentiel. En complément, la signature par la région de deux manifestes en partenariat avec de nombreux acteurs régionaux (CRCI, GRDF, GRTgaz, ADEME, SEM Énergie HDF, Chambre régionale d’agriculture…), dont l’un en 2017 pour le développement du bioGNV et l’autre, dès 2016, pour faire de cette région la première région européenne d’injection du biométhane. Un collectif d’acteurs, le CORBI, œuvre depuis 2014 au développement du biométhane injecté en région Hauts-de-France. Plus de 80 unités y sont en fonctionnement à cette date, dont 12 en injection. Au vu des capacités enregistrées dans le registre national et auprès de GRDF et GRTgaz, 18 unités devraient fonctionner pour la fin de l’année et 40 pour la fin 2020, pour une production de plus de 1 TWh, ce qui correspond aux objectifs inscrits dans le manifeste régional de développement de la méthanisation signé en 2017. Au total, ce sont 120 projets qui sont identifiés et devraient voir le jour dans trois ou quatre ans.
En Île-de-France, qui compte une grande partie de territoires ruraux, Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président chargé de l’écologie, du développement durable et de l’aménagement, s’est lui-même impliqué dans le développement de la méthanisation jusqu’à aller à la rencontre des porteurs de projets susceptibles d’être subventionnés, comme nous avons pu le voir sur deux sites en Seine-et-Marne, dans le but de mieux cerner les implications et obstacles et de vérifier la cohérence du projet avec les objectifs de la région. La région Île-de-France et la direction régionale Île-de-France de l’ADEME viennent de clore un sixième appel à projets commun visant à développer la méthanisation en Île-de-France. L’objectif est d’accompagner techniquement et financièrement de nouveaux projets franciliens, présentant les meilleures performances environnementales, énergétiques et économiques afin d’accroître la production d’énergies renouvelables sur le territoire francilien en lien avec les objectifs du Schéma régional climat-air-énergie (SRCAE) et de la loi sur la transition énergétique. Pour la région, c’est également la traduction concrète de la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie régionale énergie-climat, votée en juillet 2018 par les élus régionaux. Cet appel à projets vise à soutenir l’émergence d’installations de méthanisation, qu’elles soient à la ferme, territoriales, industrielles ou en station d’épuration, grâce à la méthanisation des gisements issus des activités agricoles, mais aussi des biodéchets issus des activités économiques ou des ménages, des industries ou des stations d’épuration.
En décembre 2017, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) a lancé un plan climat ambitieux, « Une COP d’avance ». Composé de 100 actions concrètes, ce plan a mobilisé 400 millions d’euros en 2018. L’accompagnement des projets de méthanisation sur le territoire pour une région neutre en carbone en fait partie. Dans le cadre de la trajectoire neutralité carbone, inscrite dans le plan climat-énergie et votée en 2018, la région PACA s’est donné comme objectifs pour la méthanisation : 260 MW installés en 2030 et 570 MW en 2050, soit la construction d’environ 330 unités de méthanisation d’ici à 2030, quand la région en compte encore très peu.
Charte méthanisation
Dans la région Grand Est, territoire pionnier de la méthanisation agricole, le potentiel de développement de la filière méthanisation est particulièrement significatif, avec un gisement global mobilisable à l’horizon 2030 qui avait été estimé dès 2013 à 7 600 GWh d’énergie primaire par l’ADEME. À travers sa « Charte pour le développement de la méthanisation en Grand Est », signée en début d’année, la région considère la méthanisation comme un enjeu majeur autour des questions agroalimentaires, environnementales, énergétiques et d’innovation et souhaite ainsi regrouper tous les acteurs dans cette démarche. La structuration de cette filière en pleine expansion nécessite l’implication de toutes les parties prenantes afin d’accompagner une dynamique importante et de faire de la méthanisation un véritable atout de développement durable du territoire Grand Est. Réduction des émissions de gaz à effet de serre, traitement des déchets organiques, augmentation de la production locale d’énergie de source renouvelable, diversification des activités économiques sont autant d’avantages au déploiement de la méthanisation sous ses différentes formes : agricole, territoriale et industrielle.
Les signataires ont souhaité confirmer leur engagement mutuel pour un développement vertueux, raisonné et harmonieux de la méthanisation sur le territoire de la région Grand Est autour de grands principes établis dans une charte. Avec les objectifs d’œuvrer à l’établissement d’une filière pérenne tenant compte des problématiques environnementales, économiques et agricoles ; de contribuer à la création d’outils techniques, financiers et d’accompagnement afin de favoriser l’émergence de nouveaux projets ; de structurer la filière et d’accompagner son développement en se basant sur les compétences respectives de chaque acteur dans une logique de coopération ; d’éviter les conflits d’usages des ressources et la concurrence entre les sources d’approvisionnement.
Aujourd’hui, la région Grand Est est en train d’élaborer sa stratégie régionale de développement de la méthanisation. Biogaz Vallée participe aux groupes de travail qui ont réuni les acteurs du territoire afin d’enrichir la réflexion. Des bureaux d’études ont été missionnés pour accompagner la région. L’ensemble des acteurs de la filière de la région (mais aussi de la France entière) seront présents les 13 et 14 novembre 2019 lors de la 7e Convention d’affaires du biogaz et de la méthanisation à Troyes, organisée par Biogaz Vallée (voir page 46).
MéthaN’actions et Ambitions Biogaz
Le développement de la méthanisation est encouragé en Nouvelle-Aquitaine via MéthaN’actions. Ce dispositif piloté par la région et l’ADEME Nouvelle-Aquitaine est animé par les réseaux agricoles (Fédération régionale des coopératives d’utilisation de matériel agricole et Chambre régionale d’agriculture) afin d’accompagner les projets et de fédérer les acteurs sur tout le territoire, dont le Club des injecteurs de biométhane Nouvelle-Aquitaine et Vienne Agri Métha. On compte dans la région 35 unités en service pour 550 000 tonnes de biomasse traitées et 200 GWh d’énergie primaire produite, et 100 projets sont en cours de développement. Là encore, c’est un travail entre tous les acteurs qui profite à la filière.
En Auvergne-Rhône-Alpes a été signée mi-2019 « Ambitions Biogaz 2023 », une charte promue par la région pour un développement vertueux et coordonné de la méthanisation. Des acteurs comme AURA-EE (Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement) et l’AFG (Association française du gaz) Centre-Est y jouent un rôle opérationnel. Auvergne-Rhône-Alpes dispose d’atouts solides pour réussir ce pari. Tout d’abord, le gisement de déchets fermentescibles est important : il a été estimé selon le Schéma régional biomasse (fin 2018) à environ 12 millions de tonnes de matière brute mobilisable, à 90 % agricole. La charte vise à mobiliser sur les dix prochaines années des acteurs présents sur toute la chaîne de valeur en région : bureaux d’études spécialisés, équipementiers de la méthanisation et de la valorisation du biogaz, etc. La signature de cette charte répond à une ambition de développement s’inscrivant dans la durée. Elle vise en effet une mobilisation des acteurs de la méthanisation sur les dix prochaines années, en cohérence avec le Schéma régional biomasse. En tenant compte des échéances de la programmation pluriannuelle de l’énergie, les partenaires se sont donc fixé comme objectifs, à l’horizon 2023 :
– 180 unités en service fin 2023 (contre 90 fin 2018), soit 90 unités de plus en cinq ans ;
– 1 075 GWh injectés dans le réseau de gaz fin 2023 (contre 120 fin 2018), soit 955 GWh supplémentaires ;
– 480 GWh valorisés par cogénération fin 2023 (contre 300 fin 2018), soit 180 GWh de plus.