Deuxième gisement de vent en Europe derrière la Grande-Bretagne, la France prévoit une Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) assez ambitieuse dans une trajectoire des coûts raisonnablement à la baisse pour l’éolien terrestre, mais plus (trop) limité pour l’éolien offshore. La PPE sera validée après le vote de la loi relative à l’énergie et au climat, en fonction des arbitrages, notamment sur le nucléaire. Retour sur le contenu du projet concernant l’énergie éolienne.
Au 31 mars 2019, environ 8 000 mâts d’éoliennes sont raccordés sur le territoire français, et le parc français atteint 15 350 MW de puissance installée. L’énergie d’origine éolienne représente environ 6 % de la consommation électrique française, ce qui place la France en quatrième position des pays de l’Union européenne. L’objectif est d’augmenter le parc de l’ordre de 200 MW d’ici à 2023 et de 900 à 1 200 MW d’ici à 2028, ce qui devrait permettre une production supplémentaire de l’ordre de 3 à 4 TWh, dont environ 60 % par l’optimisation d’aménagements existants.
Dans le cadre de l’élaboration de la PPE, le potentiel éolien a été regardé de près pour déterminer les objectifs de la filière.
L’étude de l’ADEME « Un mix électrique 100 % renouvelable » publiée en 2015 présentait une analyse du gisement éolien théorique sur le territoire métropolitain. Cette analyse superpose sur l’ensemble du territoire des données de vitesse de vent et des cartes de « contraintes d’exclusion » recensant les zones où l’installation d’éoliennes est impossible pour des raisons techniques (topographie, terrain…) ou pour des raisons d’occupation du territoire : proximité des habitations, zones d’entraînement de l’aviation militaire, radars, zones sensibles du point de vue de la biodiversité. Le gisement en énergie dépend également de la technologie de l’éolienne. Pour des éoliennes standards, un gisement de 170 GW a été identifié pour une production potentielle de 360 TWh.
Facteur de charge et renouvellement
La PPE a tenu compte du fait que les premiers parcs éoliens français mis en service à partir de 2000 arriveront par ailleurs en fin de vie au cours de la période couverte, soulevant la question de leur renouvellement. Ainsi, le projet de PPE indique que le renouvellement des parcs « permettra de conserver les sites existants en les dotant de machines plus modernes. Une augmentation du productible des parcs pourrait également résulter du renouvellement des parcs avec l’utilisation des meilleures techniques disponibles. Compte tenu de ces enjeux, une attention particulière doit être portée par la PPE à l’identification des parcs susceptibles d’être renouvelés et à la mise en place des modalités permettant leur renouvellement. Les volumes à renouveler doivent en particulier être intégrés dans les volumes ouverts dans le cadre des appels d’offres afin de s’assurer d’un développement suffisant de nouvelles capacités de production ».
Autre élément étudié près : les facteurs de charge. Les éoliennes ne fonctionnent pas toute l’année à plein régime. Une éolienne fonctionne dans une plage de vitesse de vent comprise entre 10 et 90 km/h. Les facteurs de charge (nombre d’heures de fonctionnement par an) de l’éolien terrestre étaient jusqu’aujourd’hui estimés entre 24 % (2 100 h/an) et 26 % (2 300 h/an). Cependant, les progrès technologiques récents permettent d’anticiper une croissance significative de ces facteurs de charge qui, aux horizons 2023 et 2028, pourraient respectivement atteindre des chiffres de l’ordre de 28 % (2 500 h/an) et 30 % (2 600 h/an). Ces progrès sont possibles grâce à l’utilisation de machines plus hautes capables d’aller chercher des vents plus puissants et plus constants. L’utilisation de rotors plus larges permettra également le captage de vents plus faibles et donc le développement éolien dans des zones qui étaient jugées jusqu’alors difficilement exploitables. L’énergie éolienne est intermittente, et le caractère non pilotable de la ressource nécessite des modifications du mode de gestion du réseau électrique. Aujourd’hui, les éoliennes contribuent toutefois à la sécurisation de l’alimentation électrique française en participant au mécanisme de capacité. Les gestionnaires de réseaux étudient la possibilité d’utiliser les capacités techniques des parcs éoliens pour le réglage de la tension.
Coûts en baisse, emplois en hausse
Au niveau mondial, l’éolien terrestre atteint un coût complet d’environ 50 €/MWh. Il est de l’ordre de 67 €/MWh en Europe. En France, pour les installations de plus de six éoliennes, les prix proposés à la période d’appel d’offres de février 2018 étaient de l’ordre de 66 €/MWh. Lors du dernier appel d’offres de 2019, les prix sont de 63 €/MWh. Mais la PPE prévoit une trajectoire de baisse de 2 % par an du coût du mégawattheure d’origine éolienne, arguant de son potentiel d’innovation, pour arriver en 2028 à 55 €/MWh.
La PPE a tenu compte également de l’activité économique générée par les éoliennes, représentant d’après l’ADEME plus de 18 000 emplois, dont 12 560 emplois directs, qui se répartissent sur l’ensemble de la chaîne de valeur : industrie, développement, maintenance, etc. En 2016, la filière représentait 750 équivalents temps plein/TWh. Les emplois dans le secteur de l’éolien se distinguent par un caractère local et non délocalisable, notamment dans les activités de développement et de maintenance. Sur le plan industriel, malgré l’absence de « grands turbiniers » français, de nombreux acteurs industriels ont su se positionner dans la filière, notamment dans la fabrication de composants. Certains turbiniers étrangers installent des unités de production sur le territoire français pour se rapprocher de son marché. En 2016, le marché s’est établi à 4,5 milliards d’euros. Au total, l’éolien concerne plus de 1 300 entreprises en France.
Enjeux environnementaux
Autre élément, les enjeux environnementaux de l’éolien : si le plus important est son impact potentiel sur la biodiversité, d’autres problèmes d’acceptabilité ont été soulevés, comme leur intégration paysagère ou leur effet perturbant sur les radars. Depuis 2011, ces enjeux sont pris en compte durant le développement du projet dans la procédure des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Un arrêté ministériel impose par ailleurs le démantèlement des éoliennes, des postes de livraison ainsi que des câbles à la fin de leur exploitation. Il prévoit également l’excavation des fondations et le remplacement par des terres de caractéristiques comparables aux terres en place à proximité de l’installation sur une profondeur minimale d’un mètre dans le cas de terres agricoles. Il est par ailleurs possible pour le propriétaire du terrain, dans le cadre de la location de son terrain à l’exploitant éolien, de fixer dans une convention de droit privé des conditions de remise en état plus contraignantes que celles prévues par la réglementation. Afin de s’assurer que ces travaux de démantèlement et de remise en état seront réalisés, y compris en cas de défaillance de l’exploitant, la mise en service d’un parc éolien est subordonnée à la constitution de garanties financières pour un montant de 50 000 euros par éolienne. La plupart des métaux (acier, fonte, cuivre, aluminium) ainsi que le béton sont recyclés. Les pales des éoliennes peuvent être valorisées sous forme de chaleur ou réutilisées pour fabriquer du ciment. Concernant l’impact carbone, les éoliennes émettent environ 12,7 g d’équivalent CO2 selon l’ADEME pour produire 1 kWh électrique.
Comment atteindre les objectifs ?
Pour atteindre en 2023 près de 25 GW et autour de 35 GW de puissance installée d’ici à 2028, soit un parc d’environ 14 000 à 15 000 éoliennes, la PPE propose plusieurs mesures :
• prioriser l’utilisation d’appels d’offres pour soutenir la filière en réduisant le périmètre du guichet ouvert aux parcs de petite taille et développés dans des zones contraintes ;
• mettre en œuvre les mesures adoptées le 18 janvier 2018 par le groupe de travail « éolien » du Plan de libération des énergies renouvelables, dont en particulier :
a) supprimer un niveau de juridiction devant les tribunaux administratifs,
b) clarifier les règles pour les projets de renouvellement « repowering » des parcs,
c) faire évoluer la répartition de l’IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux) concernant l’éolien pour les communes ;
• maintenir un cadre réglementaire stable en ce qui concerne l’autorisation des parcs, le simplifier si possible et permettre des temps de développement raisonnables pour les porteurs de projets, tout en assurant une bonne prise en compte des enjeux environnementaux et une maîtrise des impacts sur l’environnement et les populations riveraines ;
• rendre obligatoire d’ici à 2023 le recyclage des matériaux constitutifs des éoliennes lors de leur démantèlement ;
• favoriser la réutilisation des sites éoliens en fin de vie pour y réimplanter des machines plus performantes.