Transport de marchandises en ville Problématique du « dernier kilomètre »
Tous les jours, dans les grandes villes, les embouteillages paralysent le réseau routier. Voitures et camions de marchandises bloquent les rues des centres-villes ou ralentissent la circulation sur les autoroutes et les périphériques. Mais les villes ne peuvent pas fonctionner, vivre, sans les marchandises qui y sont livrées. C’est tout l’enjeu de la logistique urbaine de demain : concilier l’économie, le développement durable et une bonne gestion des flux routiers dans les villes et aux alentours. Et le défi est de taille : 55 % de la population mondiale vit dans les zones urbaines. Ce pourcentage devrait passer à 68 % en 2050. Une population qu’il faut nourrir, habiller, loger, équiper… tous les biens de consommation devant être livrés en ville. Or, chaque année, les transports de marchandises produisent un million de tonnes de CO2 à Paris ; le nombre de livraisons avoisine le million chaque jour en Île-de-France. En cause ? Les modes de consommation, mais aussi une logistique urbaine peu optimale et disposant de flottes de véhicules trop anciennes.
Dans ce contexte de densification des populations urbaines, mais aussi d’accélération du mouvement, c’est toute la logistique urbaine qu’il faut repenser pour lui permettre de répondre aux enjeux importants qui s’imposent.
La logistique urbaine permet la gestion des flux de marchandises qui entrent dans les villes, y circulent et en sortent. Très composites, les problématiques qui lui sont liées sont complexes. L’habitat, l’économie, la gestion des centres-villes et des quartiers périphériques, le transport, le développement durable, la sécurité, les embouteillages, les nuisances sonores sont autant de défis à relever pour tous les partenaires (entreprises, collectivités territoriales, État, associations, particuliers, services publics). Or leurs objectifs sont parfois difficilement conciliables.
Nouvelles habitudes de consommation et problème du dernier kilomètre
Pour les professionnels, les nouvelles habitudes de consommation complexifient un peu plus le transport de marchandises dans un milieu contraignant et rehaussent la problématique du dernier kilomètre, qui est le plus coûteux et le plus polluant. Les conséquences sont multiples : coûts économiques et environnementaux, santé publique, problèmes liés à l’e‑logistique.
Le coût du foncier est un véritable problème pour le stockage en milieu urbain, au plus près des points de chute. La méthode organisationnelle du juste-à-temps, donc de la gestion minimale des stocks, est de plus en plus la norme. Enfin, en raison de son réseau urbain dense, le centre-ville ne propose pas d’espace de livraison réellement adéquat.
Notons que la popularité croissante de l’e‑commerce a également son revers : tous les biens achetés en ligne sont livrés à domicile très rapidement. Conséquence : une augmentation du transport de marchandises par la route, donc des embouteillages, la congestion des rues et un ralentissement, voire blocage, de la circulation. Les rapports avec les automobilistes sont de plus en plus difficiles.
La livraison du dernier kilomètre est devenue le premier problème de la logistique urbaine. En 2016, en France, l’e‑commerce a été à l’origine de 450 millions de colis, dont 86 % pour les livraisons chez les particuliers. De ce fait, la livraison du dernier kilomètre obtient de tristes records : 25 % du coût total du transport de marchandises, 20 % des embouteillages, 30 % d’occupation de la voirie, 25 % des émissions de gaz à effet de serre.
Le TramFret
Plusieurs solutions s’offrent aux acteurs impliqués dans la logistique urbaine, d’un bout à l’autre de la chaîne : pouvoirs publics (pour par exemple mieux coordonner la législation entre Code de la route, Code des communes, Code de l’urbanisme), chercheurs, citoyens, logisticiens, chargeurs, transporteurs. Certaines grandes villes ont déjà testé les péages urbains pour réduire la congestion. La livraison peut également se faire à horaires décalés pour éviter les encombrements aux heures de pointe et les tensions avec les autres utilisateurs du réseau routier. La mutualisation est une option intéressante pour réduire les coûts de livraison. Des centres de distribution urbaine (CDU) ont été créés à Monaco ou encore à La Rochelle. Le prestataire y livre ses marchandises qui sont ensuite acheminées dans le centre des villes grâce à des transports plus propres (véhicules électriques) ou avec l’utilisation de transports publics, comme le Cargo Tram à Dresde, en Allemagne.
C’est ce dernier exemple qui a inspiré la France (Paris, Saint-Étienne) avec le projet TramFret. L’idée de départ du projet TramFret est de transporter des marchandises au cœur des villes grâce à des tramways recyclés qui utilisent le réseau existant.
Les premières réflexions ont été menées par la RATP entre 2009 et 2013. Celles-ci tournaient alors autour de l’idée d’une implication plus grande d’un opérateur de transport collectif urbain dans le transport de marchandises en ville. Fin 2011, un test a été lancé avec la circulation, pendant les heures creuses, sur la ligne T3 Sud, d’une rame sans voyageur, deux fois par jour et six jours par semaine. Les résultats ont montré que ces convois supplémentaires ne causaient aucun ralentissement ni désagrément aux transports de personnes, et qu’ils n’avaient pas de répercussions sur l’environnement.
Le projet a été imaginé à Paris pour la COP21, mais mis en pratique à Saint-Étienne en partenariat avec Saint-Étienne Métropole, la STAS (transport de voyageurs), Efficacity (institut de recherche et développement pour la transition énergétique des villes) et le distributeur Casino. L’expérimentation a été menée en juin et juillet 2017 avant d’être arrêtée malgré des résultats très probants qui annonçaient une troisième session au premier trimestre 2018, plus importante.
Phénomène intéressant, le projet a été stoppé fin 2017, en pleine période des fêtes, alors que l’ensemble des partenaires (entreprises et collectivité locale) et le grand public se rendaient compte de la problématique liée à la logistique urbaine, à l’e‑commerce et à son corollaire, la logistique inverse, qui explose littéralement en période de Noël.
En réalité, là où l’expérience a été menée en Europe, les projets ont tous été arrêtés : Zurich et son Cargotram, Vienne et le Güterbim, Amsterdam et le CityCargo pour remplacer les 5 000 camions par jour qui circulent dans son centre.
Le TramFret est coûteux et nécessite un réseau de tramway existant. La coordination entre les collectivités locales, les réseaux de transport et les entreprises doit être excellente. Il faut également bien gérer les plates-formes logistiques, les zones de déchargement en ville et l’ultime kilomètre séparant le quai de déchargement du magasin. Mais, in fine, tout cela a déjà fonctionné. D’ailleurs, des projets de tram-train pour le fret sont à l’étude, avec une circulation sur le réseau de tramway et le réseau ferré.
À moins que les entreprises ne se tournent vers le petit véhicule électrique autonome pour effectuer les livraisons au cœur des villes. C’est ce que proposent Dachser et l’entreprise française Libner avec le BIL (Base Intelligente de Logistique), petit véhicule écologique, silencieux, très maniable dans les centres urbains, emporté dans un 19 tonnes pour livrer dans le dernier kilomètre.