Jean-François Delaitre, agriculteur méthaniseur depuis 2014, est le président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF).
Pourquoi avoir franchi le cap de la méthanisation ?
Au départ, j’étais principalement motivé par le digestat, car je cherchais des solutions de fertilisation organique. Ensuite, la perspective de garantir une partie de mon activité sur le long terme, grâce aux contrats de méthanisation qui s’étendent sur 15 ans, a été une autre source de motivation. Contribuer à la transition énergétique en produisant de l’énergie renouvelable et attirer de nouveaux acteurs vers mon territoire et mon projet ont également été des motivations importantes.
Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
Cela m’a vraiment ouvert l’esprit. J’ai pris conscience de l’ampleur du travail à accomplir ; je pensais déjà travailler dur, mais je me rends compte que je redouble d’efforts désormais. Cette expérience m’a également permis de mieux appréhender et de m’intéresser aux enjeux sociétaux, environnementaux et locaux. Cette filière a du sens car elle incarne une véritable économie circulaire et aborde de nombreux défis sociétaux actuels.
Pouvez-vous nous parler de l’AAMF ? Je suis membre de l’AAMF et président de l’association depuis 2020. Celle-ci a été créée il y a quatorze ans par les pionniers de la cogénération pour échanger et trouver des solutions à leurs problématiques, accompagner les porteurs de projets et permettre le développement ainsi que le respect des agriculteurs dans leur mission de producteurs d’énergie renouvelable. L’association inclut tout type de méthanisation agricole, cogénération ou injection, et défend la mission des agriculteurs dans tous les territoires, en transparence et dans la communication. Elle nourrit des liens étroits avec les composteurs et souhaite garantir, aux populations notamment, l’épandage du digestat de la meilleure des façons, l’équilibre des productions sur le territoire et le développement de projets R&D. Elle a également créé la charte des agriculteurs méthaniseurs.
Actuellement, elle réunit 550 membres qui, malgré les défis rencontrés, portent une conviction : ces projets de méthanisation les incitent à progresser et à élaborer des solutions qui leur permettront de vivre sereinement à l’avenir.
Quels sont les enjeux actuels ?
Les enjeux principaux du développement et du rayonnement de la filière biogaz sont nombreux. Mesurer et défendre le bilan carbone et la baisse des émissions de gaz à effet de serre, arbitrer puis mobiliser les volumes de biomasse mais aussi créer les conditions d’un vrai partenariat agriculture-énergie qui respecte et valorise le travail des agriculteurs, aussi bien en tant que producteurs de Cive ou d’effluents d’élevage qu’utilisateurs du digestat.
Il faut que les agriculteurs aient conscience des enjeux et mesurent l’implication qu’ils souhaitent avoir demain dans ce domaine. Il existe également un défi concernant la relation entre les élus locaux, chargés de promouvoir et de défendre leur territoire, et l’échelon national, qui fixe les enjeux et les perspectives. La manière dont ce lien est établi représente un véritable enjeu.
Qu’en est-il du recrutement ?
D’un côté, la filière de production du biogaz est à la recherche de nouveaux talents et de moyens pour définir et déployer les bonnes pratiques en matière de production de Cive ou digestat, et de l’autre, a également besoin de profils plus techniques pour suivre, maintenir et optimiser l’exploitation de nos sites.
Un mot à ajouter ?
L’AAMF cherche à structurer la filière biogaz et à créer le lien entre le monde des agriculteurs et celui des énergéticiens. Nos portes sont ouvertes aux visites (notamment lors des Journées Nationales du Biogaz que nous organisons les 21 &22 septembre prochain) et j’encourage toutes les personnes qui s’intéressent au sujet à venir nous faire part de leurs envies autant que de leurs craintes. Ce sont des métiers passionnants mais qui demandent un vrai engagement.