Sélectionnée en 2019 par la rédaction de La Tribune parmi les 100 leaders qui transforment l’économie de la France et également lauréate, la même année, du prix « Transformons la France » dans la catégorie Mobilité, Valérie Bouillon-Delporte est nommée chevalier de la Légion d’Honneur en 2021 et reçoit le prix des femmes de la Transition énergétique par GreenUnivers et Andera Partners, dans la catégorie « Acteurs du secteur privé » la même année. Plus récemment, elle a été retenue par Reuters Events dans le top 20 des femmes pionnières dans l’énergie pour l’année 2024. Aujourd’hui Executive Director du Clean Hydrogen Partnership, Valérie Bouillon-Delporte nous partage son parcours et nous livre ses ressentis quant au statut de femme dans la filière.
Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours professionnel ?
Après une formation à la Kedge Business School puis un MBA à l’Essec, j’ai débuté ma carrière professionnelle à l’export dans le domaine des plantes aromatiques et médicinales. Par la suite, j’ai travaillé dans le secteur des biens de grande consommation puis du luxe où j’ai dirigé le marketing pour le leader européen des métaux précieux. Mon parcours m’a ensuite menée dans le secteur automobile.
J’ai saisi l’opportunité d’évoluer dans un secteur où les femmes étaient peu représentées à des postes de direction. À partir de 1997, j’ai dirigé le marketing et la stratégie dans de grands groupes internationaux du secteur automobile (Tenneco, Delphi, Plastic Omnium). En 2010, j’ai rejoint Michelin où j’ai travaillé sur la roue motorisée puis sur la pile à combustible et l’hydrogène à partir de 2012.
En 2014, nous avons lancé le « Michelin Innovation Lab », un incubateur de startup interne. Nous avons à cette époque décidé d’investir dans Symbio qui n’était alors qu’une petite startup axée sur l’hydrogène. Étant la seule à maîtriser le sujet, j’ai pris en charge ce dossier, et suis devenue sparring-partner de la société.
En 2018, j’ai été chargée de réfléchir à la stratégie de Michelin concernant l’hydrogène. L’acquisition de Symbio à 100 % a changé ma fiche de poste. Je me suis alors concentrée sur le soutien direct aux activités commerciales de Michelin dans ce domaine. Une partie de mon rôle impliquait de participer activement à l’écosystème de l’hydrogène pour favoriser son développement et accélérer son déploiement. Enfin, depuis début juin, j’ai rejoint la commission européenne pour prendre le poste d’Executive Director du Clean Hydrogen Partnership, le « Partenariat pour l’hydrogène propre », un partenariat public-privé qui inclut la Commission européenne ainsi que les principaux acteurs de la recherche et de l’industrie de l’hydrogène en Europe.
Mon parcours professionnel reflète un équilibre entre des responsabilités directes en interne et une grande liberté d’action. Malgré les défis et les risques, cette approche m’a ouvert la porte à de nombreuses opportunités. Il est important de rester fidèle à ses convictions car cela crée de la valeur, à la fois pour l’entreprise ainsi que pour le marché dans son ensemble.
A‑t-il été facile de trouver sa place en tant que femme ?
Lorsque j’ai été embauchée en 1997 par Tenneco, les choses étaient bien différentes. À cette époque, les femmes n’étaient pas encore présentes à des postes à responsabilité. Si mon processus de recrutement a été particulièrement difficile, tout s’est bien passé une fois cette étape franchie. Il est important de ne pas changer qui vous êtes et il ne faut pas avoir peur de s’affirmer. Parfois, il peut être difficile pour les femmes de s’intégrer dans des environnements majoritairement masculins, mais trop souvent, nous nous imposons nous-mêmes des barrières. Il est essentiel de s’adapter, de comprendre que nos différences ne sont pas des faiblesses, mais des forces à exploiter dans la construction d’un environnement professionnel inclusif et diversifié.
Les mêmes règles s’appliquent à tous au sein d’une entreprise. Bien sûr, les réglementations en matière de parité ont progressivement évolué au fil du temps et ont contribué à changer les mentalités.
J’ai également été membre de l’European Professional Women’s Network (EPWN), le premier réseau européen de femmes cadres et entrepreneuses. À l’origine exclusivement féminin, nous avons rapidement compris qu’il était nécessaire d’inclure les hommes dans notre démarche. Notre objectif est de construire ensemble, plutôt que de nous opposer.
Pouvez-vous nous en dire plus sur l’association WAVE ?
Je suis une des fondatrices de Wave, (WoMen And Vehicles in Europe), une initiative visant à promouvoir la diversité dans l’industrie automobile. Depuis 2008, nous organisons des rencontres annuelles pour aborder cette question et attirer plus de femmes dans le secteur. Nous avons également instauré un baromètre sur la féminisation des instances dirigeantes dans l’automobile qui est réalisé par Ethics & Boards. Wave organise également avec un panel de journalistes l’élection de la femme de l’année. L’objectif principal de cet événement est de faire le point sur la situation actuelle et de réfléchir à la manière d’attirer davantage de femmes dans le secteur automobile. Nous visons à encourager la participation féminine dans tous les domaines de l’industrie et pas seulement aux fonctions de communication et de ressources humaines.
Outre cette célébration annuelle, nous organisons également tout au long de l’année de petits événements avec pour objectif la promotion des opportunités de carrière pour les femmes dans le secteur.
Avez-vous un mot à dire aux futurs professionnels de l’hydrogène ?
Dans ma carrière, j’ai toujours été guidée par deux mots : oser et audace. Il est essentiel de ne pas avoir peur d’avancer, même si cela implique des échecs. Ceux qui connaissent le succès ont souvent dû faire face à des revers, mais ils ont su en tirer des leçons. Dans le milieu professionnel, il est facile de se sentir jugé et de douter de soi mais il faut rester fidèle à sa feuille de route et oser sortir des sentiers battus. L’hydrogène est un domaine dynamique qui offre constamment de nouveaux défis et contribue à un avenir plus durable. La collaboration et la solidarité dans cet écosystème sont remarquables. On a vraiment le sentiment de faire partie d’une grande famille, offrant de véritables opportunités professionnelles.
Je constate que les jeunes ayant une certaine expertise dans le domaine de l’hydrogène, même avec seulement deux ou trois ans d’expérience, sont très demandés. En raison du faible nombre de professionnels formés, ces profils ont un réel intérêt pour les recruteurs. Cela peut constituer un tremplin et accélérer la prise de responsabilité.