Jean-Philippe Burtin, CEO de Borea, cabinet de recrutement spécialisé dans l’environnement et les filières décarbonées des énergies renouvelables, nous livre son témoignage concernant les enjeux et défis actuels en termes de recrutement.
Penser au transfert de compétences
Je recommande aux acteurs de la transition énergétique d’intégrer dans leurs équipes des gens issus de métiers connexes. Un chef de projet sur une ligne de production chez Peugeot ou Renault peut tout à fait avoir sa place dans les énergies renouvelables. Le transfert de compétences peut être très rapide. En effet cette personne sait déjà gérer un budget, travailler avec des sous-traitants, mener un projet etc. C’est à nous d’éduquer nos clients pour aller vers ce modèle, plutôt que de vouloir à tout prix recruter le même profil que son voisin. Les actifs entre 30 et 50 ans ont vraiment pris conscience de l’intérêt de la transition énergétique. Par conséquent, nombre de ceux qui travaillent notamment dans les énergies fossiles sont prêts à aller vers les EnR, d’autant que depuis 2020 les salaires y sont plus élevés. Aujourd’hui, un chef de projet dans les énergies conventionnelles gagne 50 k€ par an, contre 55 k€ dans les énergies renouvelables.
Une pénurie de candidats
Le principal changement sur le marché de l’emploi EnR en huit ans demeure la pénurie de candidats qui s’est accentuée avec les nouveaux acteurs de l’énergie. L’idée est de déployer des EnR afin de produire davantage, de nouvelles sociétés se créent et ont besoin de main‑d’œuvre qualifiée. De plus, ce que l’on faisait avec dix personnes hier doit être fait avec treize aujourd’hui car les projets sont devenus plus complexes au niveau de la réglementation. Nous nous sommes aussi rendu compte que le télétravail affectait la productivité. Les salariés ont pu, ici ou là, perdre en implication dans leur mission depuis cinq ans, toutes entreprises confondues. En outre, le manque de cohésion dû au télétravail ralentit la communication en entreprise, et donc les projets.
Chef de projet : un métier en tension
Les principales problématiques rencontrées en matière de recrutement sont actuellement centrées sur les chefs de projets, aussi bien dans le solaire, l’éolien que dans la méthanisation. En effet, tous ces secteurs recherchent des chefs de projets, dont les profils sont globalement les mêmes. C’est donc une difficulté clé pour les entreprises EnR car entre deux et quatre offres sont sur la table par candidat qui se retrouve ainsi en position de force. Il y a davantage d’offres que de personnes en recherche d’emploi. Cette compétitivité entraîne une volatilité des talents.
La nécessité de s’adapter
Les entreprises EnR doivent donc s’adapter aux candidats. Ces derniers recherchent un métier passionnant mais posent certaines conditions comme le télétravail. Or aujourd’hui la norme dans les énergies renouvelables est de deux jours maximum par semaine. Les sociétés qui ne proposent pas de télétravail se coupent de 70 % des candidats du marché. L’autre critère important pour les candidats reste la rémunération qui a déjà augmenté en moyenne de 10 à 15 % entre 2020 et 2023. Enfin, les candidats recherchent du sens dans l’entreprise EnR qu’ils vont rejoindre. Elle doit donner un cap, une stratégie, une vision et démontrer un véritable engagement de fond dans la transition énergétique, et c’est là où le bât peut blesser chez certains acteurs du secteur.