De nombreux acteurs de la filière se penchent actuellement sur la récupération du CO2 biogénique, qui constitue 45 à 55 % du biogaz généré par un méthaniseur. La décarbonation des process offre de nouveaux débouchés en perspective. Mais la qualité doit être irréprochable pour les usages alimentaires. Épuration, logistique, marchés, bureaux d’étude spécialisés, la filière s’organise mais n’a pas le droit à l’erreur.
Le marché du CO2 est aujourd’hui un marché de niche d’environ 500 000 à 1 million de tonnes/an, principalement approvisionné par du CO2 fossile issu d’industries comme les cimenteries, l’industrie pétrolière, les usines d’engrais…
Marché et rentabilité
Concrètement, le marché du CO2 est surtout utilisé en agroalimentaire (boissons gazeuses, gaz réfrigérants, abattoirs, serres). Mais nous pourrions assister à une explosion de la demande avec les e‑fuel et les méthanes de synthèse composés avec de l’hydrogène et du CO2. Par ailleurs, il est possible aussi d’utiliser le CO2 pour rendre inertes des déchets de bétons, afin d’obtenir un matériau de construction (des routes, remblais…) stable. Aujourd’hui, selon le territoire, les prix d’achat du CO2 oscillent entre 50 et 200 €/t pour un marché de 100 à 200 millions d’euros annuel.
Le CO2 biogénique des unités de méthanisation est évidemment très intéressant pour diminuer l’impact CO2 des différents acteurs industriels utilisant ce gaz dans leur process. Il est intéressant également côté exploitants qui peuvent ainsi réduire leur empreinte carbone, accéder plus facilement aux certifications comme Red II et valoriser ainsi leur production de méthane. Ils peuvent, de plus, bénéficier d’une ressource complémentaire et qui devrait être de plus en plus demandée en remplacement du CO2 fossile.
Qualité requise
Mais la récupération du CO2 demande des investissements. Aujourd’hui, pour atteindre un seuil de rentabilité avec les cours actuels, les unités doivent avoir une taille minimum estimée dans la filière à plus de 250/300 Nm3. Par ailleurs, obtenir un CO2 de qualité alimentaire se révèle particulièrement complexe, avec des coûts d’épuration importants. En fait, plusieurs qualités de CO2 sont demandées selon l’usage : le CO2 entrant dans des aliments ou boissons (eaux gazeuses par exemple), celui utilisé en gaz inerte pour la conservation des aliments (barquettes…), le CO2 destiné à booster la production végétale comme dans les serres, ou encore le CO2 utilisé sur des matériaux de construction. Selon le débouché, le cahier des charges et la qualité demandée, l’épuration requise sera simple ou complexe et les contrôles demandés seront plus ou moins fréquents.
Production dispersée
L’autre élément à prendre en compte pour cette filière de CO2 biogénique en provenance des méthaniseurs reste les quantités relativement faibles de CO2 produites par unité, ainsi que leur dispersion territoriale. Les coûts de transport et de logistique sont très importants. Il serait donc assez logique que le CO2 compressé ou liquéfié trouve un usage local. La diminution du volume d’engrais produit par des unités régionales, du fait de l’usage du digestat, a d’ailleurs entraîné des ruptures de stock de ces producteurs. Paradoxalement cela offre au méthaniseur une opportunité de marchés auprès de serres ou d’autres clients locaux. Afin de garantir à ces clients un approvisionnement tout au long de l’année, des projets de mutualisation de plusieurs unités locales sont actuellement à l’étude. La logistique se met également en place pour un transport local, comme devrait le proposer Green Gen prochainement et des consultants spécialisés comme EasyCO2, qui assistent les gestionnaires de méthaniseur dans leurs choix. <