Dans un monde volatile, marqué par les crises sanitaires, géopolitiques, énergétiques et climatiques, les entreprises cherchent à mieux anticiper afin de garantir la bonne tenue de leurs opérations, améliorer leur résilience et ainsi assurer leur pérennité. Parmi les aspects les plus problématiques des entreprises se trouve la gestion de la chaîne d’approvisionnement, dite supply chain : les diverses ruptures en rayon auront eu le mérite de sensibiliser le grand public à son aspect hautement stratégique.
Ainsi, de nombreuses entreprises cherchent à digitaliser les processus pour permettre un meilleur suivi des commandes, des livraisons et des stocks, ce qui contribue à réduire les erreurs et les retards et générer des économies pour l’entreprise. La digitalisation peut aussi faciliter la collaboration avec les fournisseurs et les partenaires commerciaux, dans une optique d’amélioration de la qualité et de la fiabilité de l’approvisionnement, et in fine garantir que les consommateurs ne connaissent aucune rupture. Enfin, le processus digital peut permettre de mieux comprendre les besoins et les préférences des clients, améliorer leur satisfaction et la rentabilité de l’entreprise.
Une « course à la digitalisation » est donc lancée. Les plus grandes entreprises dotées des meilleures ressources financières, humaines et technologiques, semblent de prime abord les mieux placées.
Le top 3 des défis
Dans ce contexte, 311 professionnels du supply chain management d’entreprises en Europe ont participé à notre recherche portant sur les défis de la digitalisation. Nous avons listé et classé neuf défis, puis étudié si les entreprises, selon leur taille, vivaient ces challenges de manière différente. Chaque professionnel a dû indiquer sur une échelle de 1 à 5 si ce défi correspondait à la situation de son entreprise (1 : pas du tout à 5 : tout à fait). Voici le top 3 :
Tout d’abord, le manque d’intégration des acteurs de la supply chain apparaît comme le défi le plus important pour les répondants, avec 3,50 de moyenne. Le suivi global des diverses entités qui composent la chaîne d’approvisionnement, du fournisseur du fournisseur au client du client, peut apporter divers avantages : une vue unifiée et complète des stocks dans l’ensemble de la supply chain, l’intégration des données d’achat des clients finaux pour améliorer l’offre de produits et de services à la clientèle, voire même la personnaliser, etc.
À l’inverse, le manque d’intégration des acteurs de la supply chain peut empêcher une meilleure adoption des outils digitaux. En effet, cette difficulté préexistante à partager de l’information peut rendre inutile la digitalisation aux yeux des décideurs.
Vient ensuite le manque d’organisation pour mettre en œuvre ce nouvel outil digital qui prend la deuxième place avec une moyenne de 3,44. L’adoption de nouveaux outils digitaux est un processus complexe. De plus, il est souvent nécessaire d’adopter plusieurs outils simultanément. Par exemple, rien ne sert d’apposer des capteurs intelligents sur des produits s’ils n’existent pas de moyens de communiquer avec ces capteurs ! Installer un réseau wifi, bluetooth ou encore par radiofréquence sera donc nécessaire mais il ne sert à rien de mettre en place des réseaux de communication avec des capteurs intelligents s’il n’existe pas d’outils de stockage des données comme un cloud. En conséquence, employés et managers, chamboulés dans leur quotidien, peuvent résister à l’utilisation de ces nouvelles technologies. Il convient alors de considérer la gestion organisationnelle comme essentielle dans le processus de transformation digitale.
Enfin, en troisième position se trouve le manque de connaissances, de formation et de compétences, avec une moyenne de 3,36 sur 5. Les employés sous-qualifiés sont en effet considérés comme un obstacle majeur à la digitalisation des supply chains. Avec l’importance de la gestion des « données », les entreprises ont besoin d’une main‑d’œuvre spécifique et plus qualifiée que par le passé.
Or, certaines entreprises admettent qu’elles ne disposent pas de l’expertise nécessaire et la situation de « pénurie des talents » en supply chain management ne fait qu’aggraver la situation. Ainsi, l’amélioration des compétences des employés, pas uniquement par le recrutement mais aussi par la formation continue, est essentielle pour réaliser le plein potentiel de la digitalisation de la supply chain.
Le lièvre et la tortue
Un autre aspect de notre étude était de considérer s’il existait des différences entre grandes entreprises et petites entreprises au sujet des défis vécus pour la digitalisation de leur supply chain. Le résultat statistique est sans appel : indépendamment de la taille de l’entreprise, il n’y a pas de différence significative dans la manière dont les entreprises font face à ces défis ! Pourtant, ce sont elles qui disposent des ressources les plus larges pour réussir dans cette « course à la digitalisation ».
Ce résultat surprenant suggère que tous les types d’entreprises ont actuellement besoin d’acquérir de nouvelles ressources, certainement sous la forme de connaissances et de compétences et de chercher à acquérir une maturité digitale pour réussir leurs projets de digitalisation au-delà de la simple adoption d’outils numériques.
Bien sûr, il semble naturel de prévoir que les grandes entreprises auront plus de facilité à acquérir ces ressources nécessaires, tout comme elles ont été les premières à être capables d’utiliser les outils digitaux… mais rien ne sert de courir, il faut partir à point.
En partenariat avec : theconversation.fr