Le panneau solaire, moins vertueux que le bidon d’essence pour l’environnement et la santé humaine ? Les panneaux photovoltaïques, souvent considérés comme une solution propre et durable pour la production d’énergie, sont entourés de légendes urbaines, selon lesquelles ils généreraient de larges quantités de déchets toxiques difficiles à recycler. Ces fausses informations ont la fâcheuse tendance à semer la confusion chez le public, en insinuant le doute sur la viabilité des énergies renouvelables.
Certes les panneaux solaires ne sont pas entièrement exempts d’impacts environnementaux. Sont-ils vraiment supérieurs à ceux des sources d’énergie fossile ? Pour le savoir, plusieurs chercheurs américains se sont penchés, dans un commentaire publié par la revue Nature Physics, sur quelques-uns des mythes tenaces autour des panneaux solaires. Par exemple, le coût environnemental de leur production, le déluge supposé de déchets électroniques ou encore la toxicité des matériaux pour la santé humaine et environnementale.
Les vrais chiffres des déchets du photovoltaïque
Combien de déchets la filière du photovoltaïque génère-t-elle ? En 2016, l’Irena, l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (International Renewable Energy Agency), publiait un rapport axé sur le problème que peuvent poser les déchets photovoltaïques qui estimait que le monde pourrait accumuler de 54 (scénario bas) à 160 millions de tonnes (scénario haut) de déchets provenant de panneaux solaires d’ici 2050.
Est-ce beaucoup ? Pour le savoir, comparons ce chiffre à d’autres chiffres issus de l’industrie des déchets. Par exemple, plus de 12 000 millions de tonnes de déchets plastiques seront produits d’ici 2050, pour plus de 1 800 millions de tonnes de déchets électroniques. L’industrie fossile, elle, aura produit d’ici 2050 plus de 45 000 millions de tonnes de cendres de charbon et 249 millions de tonnes de boues huileuses – sans même évoquer les émissions de gaz à effet de serre. Même dans l’hypothèse la plus pessimiste, les déchets issus de panneaux solaires ne représentent qu’une fraction du poids de ceux issus de l’industrie fossile.
Des panneaux solaires plus efficaces… et plus verts
La fabrication des panneaux solaires consomme des ressources : silicium, argent, aluminium ou encore tellure de cadmium. Elle nécessite aussi de l’énergie, en particulier si les matériaux sont fabriqués à l’étranger et doivent être expédiés sur de longues distances. Certains fabricants de panneaux solaires délocalisent leur production à l’étranger. Or, certains pays producteurs appliquent des normes environnementales moins strictes. L’empreinte carbone de l’aluminium, du lithium ou du silicium produit en Europe est ainsi largement inférieure à la moyenne mondiale, selon une étude menée en 2022 par KU Leuven.
Des avancées technologiques significatives ont été réalisées pour augmenter l’efficacité des panneaux solaires au cours des dernières années. Celles-ci permettent de produire plus d’énergie avec moins de matériaux, ce qui réduit le coût par watt installé et le poids des panneaux solaires. Elles permettent aussi de limiter la dépendance à certains matériaux critiques, comme le silicium, le cuivre ou l’argent :
- es panneaux solaires traditionnels, basés sur des cellules solaires en silicium monocristallin ou polycristallin, exigeaient une quantité substantielle de silicium pur. Cependant, de nouvelles technologies ont émergé, comme les cellules solaires à couche mince (amorphes, en couches minces de cuivre, d’indium, de gallium et de sélénium – CIGS), qui nécessitent beaucoup moins de matériaux rares.
- es procédés de fabrication plus efficaces ont permis de réduire le besoin d’intrants tels que le cuivre, l’argent, le silicium, etc. En parallèle, la miniaturisation des composants électriques et électroniques des panneaux solaires contribue aussi à réduire la quantité de cuivre et d’autres métaux utilisés dans les câblages et les connexions.
- e nouvelles technologies telles que les cellules solaires à pérovskite promettent d’augmenter considérablement les rendements.
- e nouveaux matériaux, comme des polymères conducteurs utilisés pour capter la lumière solaire dans les cellules solaires organiques, limitent le besoin en métaux rares.
- es avancées en matière de conception de panneaux, de revêtements anti-reflets et de structures de cellules ont contribué à cette amélioration.
- nfin, les photovoltaïques, ou trackers solaires, ont également permis d’améliorer l’efficacité des appareils. Il s’agit de dispositifs mécaniques qui ajustent constamment l’angle et la direction des panneaux solaires pour suivre la trajectoire du soleil tout au long de la journée. De quoi capturer la lumière solaire de manière optimale tout au long de la journée, et générer jusqu’à 55 % de plus d’électricité qu’un panneau solaire fixe.
L’enjeu du recyclage
Le recyclage en fin de vie joue bien entendu un rôle important pour limiter l’empreinte environnementale des panneaux solaires. Car les métaux qu’ils contiennent peuvent être récupérés grâce au recyclage, réduisant ainsi la nécessité d’extraire de nouvelles ressources. Les panneaux solaires photovoltaïques d’aujourd’hui sont conçus pour avoir une durée de vie moyenne d’environ 25 à 30 ans, cependant l’industrie se dirige à terme vers une espérance de vie allant jusqu’à 50 ans. Allonger cette durée de vie permet ainsi de limiter la quantité de déchets produits chaque année.
En ce qui concerne la France seule, les besoins en recyclage sont estimés à 150 000 tonnes d’ici 2030 par Soren, l’éco-organisme chargé du recyclage des panneaux solaires en France. Contrairement à une idée reçue, on peut recycler un panneau à près de 99 %. On ne pousse cependant pas toujours le recyclage au maximum, parce que cela reviendrait trop cher. De ce fait, le « point mort » économique – ou seuil de rentabilité – se situe aujourd’hui aux environs de 95 % de matériaux recyclés.
La toxicité en question
Parmi les arguments invoqués contre le solaire, on retrouve l’idée selon laquelle certains matériaux utilisés dans les modules photovoltaïques s’accumuleraient dans l’environnement puis causeraient des dommages à la santé humaine. Le cadmium en particulier, utilisé pour certaines technologies solaires, est considéré comme un cancérogène certain pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Les cancers associés sont ceux des voies respiratoires, notamment du poumon. Le cadmium est également suspecté d’être cancérogène pour la prostate et le rein.
Cela dit, la toxicité des matériaux est une chose, le risque d’exposition en est une autre. Quels sont ces risques par rapport aux appareils électroniques du quotidien ? Selon un article publié dans la Renewable and Sustainable Energy Review, les risques concrets pour la santé humaine suite à la pollution des panneaux solaires dans l’environnement – par exemple suite à des fuites en cas de pluie – restent négligeables. Selon une autre étude, il existe un risque pour la santé humaine lorsque l’arsenic et le béryllium sont aéroportés. Or les méthodes de production modernes ont éliminé ce risque.
Par ailleurs, la majorité des modules photovoltaïques sont fabriqués à base de silicium cristallin, qui ne pose aucun risque sanitaire pour l’utilisateur final. Les risques liés au processus de fabrication ont été largement réduits au cours des dernières années. Ce type de technologie est de loin le plus fréquent, avec 95 % de parts de marché mondial en 2022.
Et s’il fallait rejouer le match solaire vs fossile ?
Revenons-en à notre comparaison entre les déchets du photovoltaïque et ceux de l’industrie fossile. Sur le plan de la toxicité, les cendres de charbon sont bien plus problématiques. Elles sont considérées comme hautement toxiques et carcinogènes pour l’homme, car elles contiennent une variété de métaux lourds, tels que le plomb, le cadmium, l’arsenic, le chrome, le nickel, etc. Ces métaux lourds sont toxiques pour les cellules humaines dont ils perturbent le fonctionnement. Lorsqu’elles sont libérées dans l’atmosphère, les cendres se transforment aussi en particules fines qui peuvent être inhalées profondément dans les poumons. Ces particules fines sont associées à des problèmes respiratoires graves et sont également liées à un risque accru de cancer du poumon.
Tout au long de leur cycle de vie, les modules photovoltaïques polluent donc beaucoup moins que le pétrole ou le charbon. Leur adoption à large échelle pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre le changement climatique s’impose sur le plan économique, comme sur le plan de la santé humaine.
En partenariat avec : theconversation.fr