Réfléchir en amont sur l’intégration de son unité de méthanisation dans le territoire, tel est la base de l’acceptabilité. Différentes questions doivent être mises dès le départ sur la table. Synthèse d’un questionnaire sur mesure.
Vanessa Baudrier Paillat est administratrice de Vienne Agri Métha, impliquée dans le Groupe de Travail « concertation — appropriation locale ». En 2019, Vienne Agri Métha a réalisé en partenariat avec DEMOS un questionnaire comprenant 53 questions à se poser permettant au porteur de projet de faire un Autodiagnostic (ANALYSER) de son PROJET et de son TERRITOIRE afin qu’il se prépare à INFORMER et DIALOGUER son voisinage et ainsi créer un climat de confiance autour de son projet et pour mieux appréhender les enjeux autour de l’appropriation locale des projets de méthanisation. « En dehors des aspects techniques et financiers des projets de méthanisation, il existe aussi des aspects humains (sociaux, psychologiques, politiques) qui sont essentiels à prendre en compte pour sa réussite », explique en préambule Demos Concertation. Leader motivé, bonne dynamique de groupe, portage politique fort de la part des collectivités locales concernées, communication et dialogue avec les habitants du territoire sont les points clés de la réussite. Ce dernier élément est essentiel car, s’il faut le consentement de beaucoup d’acteurs pour qu’un projet puisse aboutir (collectivités, banques, État, fournisseur d’énergie, etc.), il faut aussi celui de la population locale. L’objectif du questionnaire est de pointer le doigt sur ces caractéristiques qui favorisent ou nuisent à l’intégration et de prendre la mesure des atouts et des faiblesses du projet sous l’angle de sa future appropriation locale. Un projet comme une unité de méthanisation est un changement conséquent sur un territoire et, comme tout changement, il génère du stress, des peurs, voire un refus pur et simple. Les habitants d’un territoire sont attachés à leur cadre de vie. Ils peuvent l’être d’un point de vue patrimonial puisqu’une partie de leur vie repose sur leur bien immobilier ou parce qu’ils sont fortement impliqués dans la vie locale. L’identité territoriale des habitants est donc très importante. Quoi qu’il en soit, tout projet de méthanisation qui se monte sera forcément perçu comme un projet de territoire. Le questionnaire élaboré par Demos Concertation porte sur plusieurs points. Nous présentons ici une synthèse des questions qu’il est très utile de se poser lorsque l’on porte un projet ou un déploiement de son unité, avant d’entamer la concertation.
Le projet
Caractéristiques des porteurs de projet
Un projet porté par des agriculteurs implantés sur leur territoire, intégrés à la communauté et ayant instauré un premier dialogue avec les habitants aura plus de chances d’être accepté.
Habitez-vous dans la commune où le projet doit s’implanter ? Êtes-vous les plus proches riverains du site ? Êtes-vous connus des habitants de la commune ? Êtes-vous impliqués dans la vie locale ? Combien y a‑t-il d’emplois créés par votre activité ? Avez-vous commencé à discuter avec les habitants ? Avez-vous une idée des potentiels soutiens et opposants ?
Localisation
Les projets les plus facilement acceptés par les habitants sont les projets les moins visibles ou situés dans une zone industrielle. L’impact du trafic routier doit aussi être considéré. Tant que le projet n’existe pas, ces nuisances sont « fantasmées » et donc décuplées par rapport à la réalité.
À quelle distance des habitations est situé votre projet ? Sera-t-il visible depuis les maisons des riverains ? Avez-vous prévu une intégration paysagère ? Quel trafic routier va-t-il générer ?
Retombées pour l’environnement
Il faut mettre en avant les retombées positives de la méthanisation pour convaincre les habitants que c’est un projet bénéfique pour l’environnement, sinon, ils n’en percevront que les risques (fuite de gaz, pollution des sols via le digestat, etc.).
Quel plan d’épandage avez-vous prévu ? Avez-vous une idée de la diminution de fertilisants chimiques que cela va engendrer ? Quels intrants avez-vous prévu d’utiliser ? Avez-vous prévu d’adosser votre projet à un plan d’évolution de vos pratiques agricoles ?
Caractéristiques techniques
Les projets perçus positivement sont en général des projets locaux et de taille « raisonnable », avec un gisement local des intrants. Cela donne une image de projet « territorial ». L’odeur est un autre aspect essentiel pour l’appropriation.
Quelle est la taille de votre projet ? Combien de porteurs de projet sont associés ? Quels seront vos gisements ? Viennent-ils de loin ? Votre stockage des intrants va-t-il provoquer des odeurs ? Si oui, avez-vous pensé à des solutions pour limiter les nuisances ? L’épandage du digestat va-t-il diminuer des odeurs qui seraient actuellement présentes sur vos terres ? La technologie que vous souhaitez utiliser est-elle bien maîtrisée ? A‑t-elle fait ses preuves sur d’autres unités ?
Retombées pour le territoire
Les habitants sont sensibles à la présence de « bénéfices » pour la collectivité. Ces derniers sont multiples : utilisation de la chaleur pour les bâtiments publics en cas de cogénération, récupération des déchets verts de la collectivité, financement participatif, entrée de la collectivité au capital, création d’emplois locaux.
Seriez-vous prêts à associer les habitants à un processus de concertation et à un comité de suivi de l’installation ? Seriez-vous prêts à intégrer un financement participatif ? Seriez-vous prêts à réfléchir à une gouvernance de votre projet impliquant les collectivités locales ou les citoyens ? Autre question : votre projet est-il inscrit dans un schéma local de transition énergétique ? Est-il inscrit dans un plan local de maîtrise des déchets ?
Le territoire
Si les caractéristiques du projet sont essentielles pour son appropriation, un même projet ne sera pas reçu de la même manière selon le territoire dans lequel il s’inscrit. C’est pourquoi il est essentiel d’avoir aussi une réflexion sur les caractéristiques du territoire.
Niveau de conflictualité
Certains territoires ont un « passif » en termes de conflits qui va impacter la réception du projet. En cas de tissu associatif fort, notamment environnemental, il pourra être vecteur de mobilisation (des opposants ou des soutiens).
Y a‑t-il eu des conflits sur le territoire autour d’autres projets d’aménagement ? Ont-ils trouvé une solution pacifique ? Est-ce que certains d’entre vous ont été en conflit avec des acteurs influents du territoire ? Y a‑t-il d’autres projets sur le territoire qui comprennent des risques (explosion, pollution…) ou des nuisances ? Si oui, est-ce qu’un (ou plusieurs) membre de votre collectif est impliqué dans un projet de ce type ? Y a‑t-il un tissu associatif fort sur le territoire (notamment au niveau environnemental) ? Les potentiels opposants (notamment les riverains) sont-ils influents sur le territoire ?
Contexte politique
Le soutien des élus est un facteur de réussite très important. Le projet a‑t-il le soutien des élus locaux ? Le projet risque-t-il d’être un enjeu lors des prochaines élections municipales ? La transition énergétique, les EnR ou le traitement des déchets sont-ils un enjeu local ?
Sociologie du territoire
Selon le type de sociologie de la population, les habitants seront plus ou moins sensibles au projet. Par exemple, une population composée essentiellement d’agriculteurs sera moins sensible aux odeurs qu’une population composée de néo-ruraux.
Les habitants du territoire sont-ils plutôt des agriculteurs ou des néo-ruraux ? Le prix du foncier sur le territoire est-il élevé ? A‑t-il évolué ces dernières années ? Y a‑t-il beaucoup de résidences secondaires à forte valeur ? Y a‑t-il une identité territoriale forte ? Y a‑t-il une « conscience écologique » forte, une sensibilité aux questions environnementales ?
Contexte économique
Un territoire où le chômage est fort sera sensible aux créations d’emplois permises par le projet tandis qu’un territoire qui vit du tourisme craindra que le projet fasse fuir les visiteurs et vacanciers. Le contexte économique est donc très important à prendre en compte.
Quel est le modèle économique dominant sur le territoire (agricole, tertiaire, tourisme…) ? Quel est le niveau de chômage ? Quel est l’apport de votre projet dans le contexte économique local ? ■