Les projets de méthanisation rencontrent souvent des oppositions locales. Pour éviter cet écueil, il faut agir dès le départ du projet. Quelques témoignages et pistes de réflexion pour rendre un projet non seulement accepté mais plus encore porté par les acteurs locaux !
Au fil du déploiement des unités de méthanisation, des oppositions à ces projets se sont multipliées. Elles proviennent la plupart du temps de peurs souvent infondées, de la méconnaissance de la méthanisation, de fausses idées reçues et il faut le dire également, de quelques mauvaises expériences.
Sur ce dernier point, citons certaines unités souvent pionnières mal conçues sans les normes actuelles qui ont pu défrayer la chronique. Citons également l’incompréhension apportée par certains « méga projets » qui dépassent le cadre territorial en concentrant les problématiques sur un site. Ces oppositions peuvent parfois aller jusqu’à faire capoter le projet et décourager les porteurs, elles sont dans tous les cas causes de retard et de surcoûts.
Pour éviter cet écueil, les porteurs de projet ont intérêt à agir dès le départ avec trois grands axes d’actions : expliquer le fonctionnement de la méthanisation, ce qui permet de dédramatiser les conséquences sur le site, expliquer ses avantages pour le territoire et intégrer les acteurs du territoire dans la dynamique du projet.
Valeur ajoutée territoriale
« Il faut faire comprendre les avantages de votre projet pour le territoire », nous indique Philippe Collin, agriculteur, méthaniseur et membre de l’AAMF. « La méthanisation permet de développer une économie circulaire qui apporte de la valeur ajoutée sur nos territoires. Elle permet en plus de faire une agriculture de bon sens sans entrer en compétition avec nos cultures alimentaires. Bien au contraire, en permettant de maintenir des exploitations agricoles économiquement viables, la méthanisation est une chance pour garder une activité agricole et notre autonomie alimentaire en France », précise Philippe Collin en réponse aux « antimétha » qui méconnaissent ses très nombreux atouts pour l’agriculture et pour son potentiel d’activité locale. « Pour cela, un projet doit être pensé à taille humaine avec un gisement local. Pour le faire accepter, il faut expliquer les avantages de la méthanisation pour l’agriculture et pour le territoire et aussi intégrer les acteurs locaux dans le projet ou dans le développement du site. Il faut développer une synergie avec les entreprises et les artisans du territoire. » Philippe Collin a été le premier agriculteur à mettre en service en septembre 2020 une station de biogaz carburant issu de son méthaniseur. « Notre objectif a été de développer une bioéconomie locale. Nous avons intégré les besoins des acteurs locaux pour de la mobilité propre : transport scolaire, bus mais aussi infirmière… Située près de l’autoroute A31, entre deux sorties, notre station est référencée BioGNV, et de ce fait, nous accueillons aussi des véhicules de passage en provenance d’Allemagne, de Belgique et du Luxembourg. Nous avons aussi créé des emplois locaux. Les politiques doivent mieux nous écouter et prendre des décisions en concertation avec les agriculteurs qui portent ce déploiement d’énergie renouvelable dans les territoires. »
Démarche de concertation
« À l’AAMF, nous préconisons de mettre en avant l’intégration d’un projet dès le départ dans son territoire, en entamant une démarche de concertation avec les acteurs locaux », indique Vanessa Baudrier Paillat, responsable du groupe de travail communication qui a mis ces conseils en pratique dès le début du projet de déploiement de la SAS Déméter Energies dont elle est associée. « Au démarrage d’un projet, la majorité des agriculteurs ne voient pas la nécessité de communiquer. Mais s’ils réalisent que la réussite de leur projet passe par là, ils s’y intéressent : La CONCERTATION permet d’intégrer les oppositions, d’engager le DIALOGUE, de créer un climat de CONFIANCE. Pour notre projet, nous avons constitué un comité de concertation à partir d’octobre 2015 constitué de la SAS Déméter Energies, mais aussi des maires et élus de Mauzé-sur-le-Mignon, du maire de Prin-Deyrançon, de la Vice-Présidente de la Communauté d’Agglomération, du Conseil Départemental. Puis, entre mai et novembre 2016, nous avons eu plusieurs réunions avec un groupe de concertation constitué d’habitants volontaires pour engager un travail de formulation de propositions visant à l’amélioration du projet d’implantation de l’unité de méthanisation. »
« La filière méthanisation est très attaquée. Même si pour nous, la méthanisation relève d’un projet vertueux, il y a des craintes légitimes qu’il convient de lever en expliquant le fonctionnement, et au-delà de ça, il est important d’expliquer les avantages de la méthanisation pour le territoire. À l’AAMF, nous défendons trois axes. Un projet doit être économiquement durable et viable, il doit être optimisé sur le plan environnemental (respect des normes, règles antipollution, diminution des GES…) et enfin, il doit comporter un axe sociétal. Nous partons du principe que le projet doit intégrer un volet ” service rendu au territoire “. Il s’agit de réfléchir pour orienter le projet de telle manière qu’il s’intègre avec les acteurs locaux : traitement des déchets locaux, chauffage de bâtiment (école, piscine, mairie, habitation…), station bioGNV… Nous défendons bien sûr une méthanisation réellement de territoire fait par les agriculteurs et non pas certains grands projets industriels sans plans d’épandage.
C’est la démarche que nous avons faite lors de l’installation de l’unité de méthanation Déméter Energies. Nous substituons par exemple avec notre eau chaude 150 000 L de fuel annuellement. Mais nous faisons également des actions pédagogiques pour expliquer aux enfants de nos écoles les énergies renouvelables par exemple. Sans oublier notre station GNV utilisée par d’autres acteurs locaux. Notre collectif de 12 éleveurs du territoire a permis le maintien de l’activité d’élevage, avec même un excédent de digestat que nous revendons à des céréaliers bio, nous avons aussi pu investir dans du matériel et optimiser nos flux de transport. Côté agricole, la méthanisation est très bénéfique : engrais local, restitutions au sol de davantage de carbone (contrairement aux idées reçues, nous améliorons nos sols, même en carbone). C’est en fait un progrès dans les pratiques agricoles. Avant, on stockait les effluents, ce qui libérait beaucoup de carbone et générait des odeurs. »