Le constat est là : les ports ont un rôle central à jouer dans la massification de la filière hydrogène. Cependant, les volumes et les caractéristiques des activités peuvent varier d’un port à l’autre, impliquant des stratégies et des moyens d’action différents. La capacité d’un port à produire massivement en son sein est une variable essentielle dans la viabilité de son projet hydrogène. Les volumes de production associés à l’écosystème induiront des effets d’échelle plus ou moins importants qui permettront de réduire les coûts de l’hydrogène et ainsi de répondre aux conditions économiques des usages visés (de 1,5 €/kgH2 pour la grande industrie à 5 €/kgH2 pour les mobilités pour une parité avec les solutions actuelles).
Les grandes zones portuaires
Vallée de Seine (Le Havre, Port-Jérôme, Rouen), Bouches-du-Rhône (Fos, Lavéra, Berre), Nord (Dunkerque), mais aussi Loire-Atlantique (Donges) ou encore Gironde (Ambès), la caractéristique première de ces ports est de concentrer des activités industrielles fortement consommatrices d’hydrogène décarboné dans les années à venir. Ces ports ne doivent cependant pas être réduits à leur industrie lourde car ce sont également de grands sites multimodaux avec plusieurs milliers d’hectares de zones logistiques en service ou disponibles et donc tous les équipements associés pour lesquels des solutions hydrogène représentent un levier majeur de décarbonation. Toutes ces spécificités leur donnent un rôle majeur et structurant à l’échelle nationale avec la possibilité de rayonner sur un large territoire, au bénéfice d’un grand nombre de consommateurs.
Témoignage
« Le port de Bordeaux est le septième port de l’État, avec comme activité portuaire principale les hydrocarbures et les engrais », nous explique son directeur, Michel Le Van Kiem. « Des activités qui devraient décliner au fil des ans. Nous nous sommes demandé comment faire pour créer une nouvelle zone industrielle décarbonée avec une économie locale circulaire. L’hydrogène nous apparait au cœur de ce système. En effet, avec cette molécule, nous pourrons déployer des industries de production de carburant et d’engrais de synthèse. Nous regardons aussi la production de plastique de synthèse.
Notre objectif est de démarrer avec un électrolyseur de 1 GW pour produire 300 000 tonnes d’ammoniac. L’achat veut produire 10 millions de tonnes d’hydrogène, avec 1 GW, nous en ferons 0,14 %. Il y a du chemin à faire ! Nous avons le foncier mais il nous faut créer une économie résiliente. Le plus difficile est aujourd’hui de réunir tous les acteurs, car nous sommes sur des activités transversales, avec des secteurs très innovants. La perspective de déployer cette nouvelle industrie de demain est passionnante, mais nous devons être très attentifs à aller vers les bonnes solutions technologiques. »
Les ports stratégiques
Les ports de Strasbourg, Lyon, Calais et Paris sont des ports qui bénéficient d’un positionnement stratégique sur des axes majeurs de transport. Ils jouent un rôle d’interface européenne et sont intégrés à de vastes aires urbaines, générant par conséquent un trafic et des flux importants. Un écosystème hydrogène de grande taille peut donc émerger grâce à des usages de mobilité. Cependant, ces ports devront accompagner l’émergence de ces nouveaux usages qui sont à différents niveaux de maturité. De possibles synergies territoriales avec des activités industrielles denses situées soit dans leur propre périmètre, soit à proximité immédiate, permettront également de structurer davantage leur écosystème. La valorisation de ces différents atouts renforcera la viabilité économique à moyen terme de leur écosystème.
Témoignage
« À Port-la-Nouvelle, nous avons un projet de production d’hydrogène à partir d’électricité renouvelable avec notamment des centrales solaires », indique Monsieur Arnoux de la Société Qair, producteur indépendant d’énergie renouvelable. « La région Occitanie souhaite décarboner l’arc Méditerranée. Il faut grouper les achats et avoir une visibilité sur les usages. Nous envisageons notamment de faire des carburants de synthèse très demandés et qui permettent la capture du CO2. Toutes les actions sont faites dans une perspective de déploiement territoriale, avec les usages portuaires bien entendu, mais aussi locaux, comme le déploiement de 5 stations par exemple sur Narbonne, Montpellier et Perpignan. Nous devons démarrer à petite échelle pour pouvoir ensuite produire de quantités plus importantes. »