Spécialisée dans la production d’hydrogène vert, la société canadienne Charbone développe une unité modulaire de production d’hydrogène par électrolyse aux Capex et Opex réduits. En plus du marché nord-américain, la société souhaite s’engager dans le développement d’une production d’hydrogène vert en Europe. Entretien avec son vice-président, Johann Bureau.
La société Charbone a été créée au Québec en 2019 par un groupe de spécialistes en énergie renouvelable sous l’impulsion de Dave Gagnon, actuel CEO. « Notre objectif est de produire exclusivement de l’hydrogène vert à un coût compétitif par rapport aux énergies fossiles, explique Johann Bureau, vice-président de Charbone, tout en contribuant à la décarbonation de l’industrie et de la mobilité. » Jusqu’ici, la production d’hydrogène, principalement par vaporeformage, est entre les mains de grosses sociétés comme Air Liquide, Air Product, Linde… Elles ont développé des productions massives près de gros consommateurs : désulfuration du gasoil en raffinerie, production d’ammoniac pour engrais, industrie du verre, du ciment, de l’électronique… La production par vaporeformage génère en effet 10 tonnes de CO2 par tonne d’hydrogène produite. « On peut certes les capter et les enfouir et produire ainsi de l’hydrogène bleu, mais c’est coûteux et difficile. »
Unité de production modulable
« Avec notre production d’hydrogène vert, les industries pourront revendre des crédits ou améliorer leur bilan carbone. Du côté de la mobilité, l’utilisation de l’hydrogène vert permet un temps de charge rapide des véhicules. Mais il permet aussi la division par quatre ou par cinq du poids de l’énergie transportée, avec des réservoirs de 80 kg au lieu de batteries de 450 kg pour les véhicules électriques classiques. En plus de leur poids, les batteries ont un lourd bilan carbone. »
L’une des problématiques économiques (et écologiques) de l’hydrogène reste le coût de son transport. « Pour donner une idée, avec un camion de 44 tonnes, vous allez transporter 300 kg d’hydrogène pour un coût de 3 000 dollars. » Pour que l’hydrogène se démocratise, il est indispensable de mettre en place une infrastructure d’unité de production sur le territoire associé à un usage local de l’hydrogène, évitant ainsi la coûteuse logistique du transport. L’hydrogène produit à partir d’électricité renouvelable peut ainsi être utilisé pour des industries locales et/ou de la mobilité.
« C’est dans cette optique que nous avons conçu notre unité de production, qui permet de produire de l’hydrogène à petite échelle. Modulaires, ces unités peuvent être montées en parallèle au fil du temps, afin de correspondre aux quantités requises pour les capacités de production et les besoins d’usage locaux, avec une montée en puissance progressive, adaptée à une production territoriale. Elles ont été conçues pour être reproductibles et avoir un Capex et un Opex faibles. »
Déploiement et partenariats
La société Charbone est cotée à la Bourse de Toronto et désormais à la Bourse de Francfort. « Nous bénéficions au Canada d’une forte production hydroélectrique et des prix d’électricité verte raisonnables avec des contrats d’approvisionnement bon marché et sécurisés. Aux États-Unis, notre politique est en partie d’acquérir des barrages hydroélectriques, mais aussi d’acheter de l’électricité verte. Notre unité canadienne qui sera opérationnelle début 2023 est située à 70 kilomètres de Montréal. Elle va comporter une première tranche de 5 MW pour une production de 2 tonnes d’hydrogène par jour. Mais nous pourrons au fil du temps, en ajoutant plusieurs de nos unités, produire 15 t/jour (soit 4 500 t/an) avec une capacité totale de 40 MW, sur 4 ha. »
« Nous venons de signer pour deux nouvelles unités aux États-Unis. Nous avons également plusieurs projets en cours dans l’Union européenne et en Suisse et nous disposons d’un bureau à Eindhoven (Pays-Bas). La technologie européenne dans la chaîne de valeur de l’hydrogène est en avance sur le continent nord-américain. Nous développons donc des partenariats industriels avec des sociétés européennes », rappelle Johann Bureau, l’un des trois Français de Charbone. « Nous cherchons aussi des partenariats avec des sociétés de production d’électricité verte (solaire, éolien…). Ces sociétés nous apportent leur savoir-faire opérationnel et technologique. De notre côté, nous leur ouvrons la porte du marché nord-américain : notre approvisionnement est sécurisé, nous connaissons les démarches qualité et les certifications requises et l’écosystème politico-environnemental.
Ainsi, la société Elogen, filiale du groupe GTT, va nous fournir en électrolyseurs de type PEM (50 kW pour 1 kg d’hydrogène), avec une fabrication en Amérique du Nord. Nous avons un autre partenariat avec la société Resato (Pays-Bas) qui fabrique des stations-service. Nous sommes bien sûr ouverts à d’autres partenariats. Je note que pour favoriser plus encore un déploiement de la filière en France, une simplification administrative serait vraiment profitable pour tous les acteurs. Charbone, c’est finalement la volonté d’une équipe à l’ADN écoresponsable de produire et d’utiliser une énergie locale à l’échelle territoriale et à taille humaine. »
