Lors de la convention d’affaires du Biogaz et de la Méthanisation, organisée par Biogaz Vallée, la table ronde du 29 novembre avait pour objectif de voir comment débloquer les projets en tirant parti des synergies entre méthanisation, biodéchets et bioGNV. Retour sur une journée très « territoire ».
« La production de biogaz est plus que jamais nécessaire » indique d’entrée de jeu Thierry KOVACS, Vice-président délégué à l’Environnement et à l’écologie positive, Région Auvergne-Rhône-Alpes. « Avec le prix de l’électricité et du gaz fossile, nous avons besoin d’augmenter notre autonomie énergétique et il est nécessaire de décarboner, deux cases que coche la filière du biométhane, en plus de produire un fertilisant de qualité.
Dans notre région, nous avons comme objectifs, avec le Sradett, 10 % de la consommation de biogaz en 2030 et 30 % en 2050. La méthanisation, c’est aussi 172 sociétés de la filière dans la région et la création d’emplois sur notre territoire.
Entre 2016 et 2022 nous sommes passés de 64 à 138 méthaniseurs en région et de 344 à 758 GWh/an soit + 120 % d’augmentation. Mais nous avons noté un fort ralentissement depuis la crise sanitaire et plus encore la crise énergétique. C’est pourquoi nous avons décidé que la région Auvergne-Rhône-Alpes va reprendre le cofinancement des méthaniseurs en lien avec l’ADEME. »
Le mot du président de Biogaz Vallée Lors de la convention d’affaires de Biogaz Vallée, le nouveau président Jean-Philippe BURTIN a pu préciser les axes stratégiques de développement de l’association. « Biogaz Vallée est ancrée dans les territoires, ici à Saint-Étienne comme à Troyes, ville originaire de l’association. Notre premier axe de développement est de nous tourner vers les collectivités. Notre présence au salon des maires avec un village des biodéchets et des gaz renouvelables a réuni 7 membres de Biogaz Vallée. Nous avons été sollicités par beaucoup d’élus dans le cadre de la loi sur les biodéchets, car ils cherchent des solutions comme la méthanisation qui offre de nombreux atouts sur les territoires. Notre deuxième objectif est de nous ouvrir plus largement sur tous les gaz verts : avec la méthanisation, la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et la méthanation qui sont des techniques pour produire encore plus de biogaz, d’énergie de chaleur, pour encore plus de mobilité bioGNV et pour réduire notre empreinte carbone. Enfin, nous nous tournons plus encore vers nos pays limitrophes pour trouver avec eux des leviers de croissance. Fin juillet 2023, une convention d’affaires se tiendra à l’occasion de la foire de Libramont avec nos partenaires de Gas.be. » |
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Mécanismes de soutien
Arnaud Bousquet, de France gaz renouvelables, a commencé par faire le point sur le contexte, les contraintes et les perspectives réglementaires et leur discussion avec le ministère. « France gaz renouvelables a été créé pour relier le monde agricole et gazier, qui ne se connaissait pas avant. FNSEA, AAMF, gaziers avec GRTgaz et GRDF ou Storengie mais aussi, aujourd’hui, les chambres d’agriculture, Biogaz Vallée, la Spegnn et les collectivités avec la FNCRR et France biométhane travaillent de concert pour le déploiement des biogaz. Nous intervenons notamment auprès du ministère. Le biométhane va générer des recettes à hauteur de 900 millions d’euros en 2022. C’était une charge pour l’État, cela devient une manne avec la forte hausse des coûts de l’énergie. Or, avant 2020, il y avait un tarif public en guichet qui a permis à la filière de décoller, mais les nouveaux tarifs revus en forte baisse depuis et les limitations à 25 GWh/an freinent actuellement la filière. Les appels d’offres tardent car trop d’incertitudes pèsent. En 2022, un premier décret est paru pour les certifications de production de biogaz, mais on attend un nouveau décret sur la trajectoire. Le nouveau sujet est bien sûr l’inflation du prix de l’électricité qui se heurte au gel des tarifs alors que nous attendons une indexation des tarifs.
La nouvelle PPE sera votée (peut être vers juillet 2023 ) à l’Assemblée nationale, ce qui est une bonne chose parce que la loi prévoyait 10 % de biogaz en 2028 et que seuls 7 % ont été retenus. Le ministère semble plus à l’écoute sans doute du fait de l’apport du biogaz dans l’autonomie énergétique (et de ses recettes), notre filière proposant une solution pérenne. Le premier projet de loi accélération ENR était décevant, mais nous avons suggéré une reconnaissance des gaz renouvelables, la création de contrats de gré à gré, la possibilité d’autoconsommation collective, un fonds de garantie pour la filière, un alignement du code de l’urbanisme et nos améliorations semblent avoir été suivies.
Nous pensons que les biogaz ont un potentiel de 130 à 140 TWh, mais le ministère évoque plutôt 80 TWh, indiquant que d’autres usages sont en compétition. Aujourd’hui, nous comptons en France 500 sites raccordés pour 8,8 TWh de puissance, avec en 2022, 3 méthanisations raccordées par semaine, malgré des oppositions locales. Avec la pénurie de gaz actuelle, notre filière devrait être mieux considérée, malheureusement, tarif et inflation bloquent les projets aujourd’hui. Nous voulons aussi une meilleure acceptabilité, une appropriation même des projets de biogaz sur les territoires et nous convergeons vers les élus locaux dans ce sens. »
Retour de terrain
Pour Julie PONT, Chef de projet Énergie/climat, Communauté d’agglomération Arlysère (Albertville), la réflexion sur la valorisation des déchets a commencé en 2010. « Nous avons commencé à injecter en 2018, soit 8 ans après. En 2010, la collecte se mettait en place. Pour répondre au fort tonnage de biodéchets, notamment de la grande distribution, on les envoyait à 150 km. Le président de la communauté d’agglo a évoqué alors la possibilité de monter une unité de méthanisation. Nous traitons aujourd’hui 3700 t de déchets de notre agglo mais aussi de 3 autres collectivités proches, de la soupe en provenance de déconditionnement et des effluents d’élevage. Nous n’avions pas de problème au départ puis un collectif “anti-odeur” s’est monté. Nous réfléchissons aujourd’hui à la méthanisation de boues de Step et au développement de station bioGNV. »
Pour Olivier COURTIAL, Président de Méthavéore dans la Drôme « Notre projet de méthanisation avec deux autres agriculteurs a demandé 7 ans de gestation. Notre étude de faisabilité nous a permis d’intégrer le projet dans notre territoire. Notre méthaniseur valorise des déchets organiques : légume, élevage, agroalimentaire et déchet domestique, avec une sécurisation de notre gisement (maraîchage, élevage, cives…). Notre objectif était d’être autonome en engrais (NPK), c’est pourquoi nous avons adjoint d’autres biodéchets. Les soupes de déconditionnement sont plus difficiles administrativement à gérer car nous sommes soumis aux contraintes administratives de l’enregistrement. Mais nous sommes bien ancrés dans le territoire et nous évitons à la matière organique de partir à l’enfouissement. Nous réfléchissons aussi à la création d’une station bioGNV. »
Stéphane COUSIN, Maire d’Ourches, Conseiller délégué Nouvelles énergies et économie circulaire de Valence Romans Agglo, Président directeur général de ROVALER, a souhaité déployer des stations GNV sur le territoire. « Nous nous sommes associés avec un groupe de BTP qui va passer ses engins au biogaz, un transporteur local, 1 autocariste et Prodeval pour mettre en place 3 stations GNV en créant ainsi un choc d’offre biogaz mais aussi de nouvelles énergies. La future station de Valence accueillera aussi de l’hydrogène et la mise en place de bornes électriques est prévue également. Avec ces associés fondateurs, nous avons voulu sécuriser la vente de biogaz, mais notre objectif est d’associer aussi les transports scolaires, d’autres transporteurs qui cherchent à passer en bioGNV, puis dans un deuxième temps les particuliers qui pourront profiter de cette infrastructure. Nous avons 4 unités de production de biométhane dans notre agglo qui injectent sur les réseaux et nos stations vont acheter les garanties d’origine pour livrer un biométhane 100 % et une autre à 30 % biogaz et 70% gaz naturel, pour des raisons économiques. Quelques opposants ont bloqué un des projets de méthanisation en multipliant les recours pour des arguments non recevables à notre avis. Le retard, la hausse des intérêts et des capex, le retour à une société de capital-risque vont nous coûter près de 1 million d’euros en plus ! »
Légende de la Photo ci-dessus : En parallèle aux conventions d’affaires, des visites de terrain étaient organisé ici sur le site Methamoly.