Annoncée par le président de la République le 10 février 2022 lors de son discours prononcé à Belfort, puis confirmée le lendemain à la conférence internationale One Ocean Summit à Brest, l’ambition du gouvernement français est de construire l’équivalent de 40 GW d’énergies en mer d’ici à 2050 aux côtés de l’éolien terrestre et du nucléaire.
En France, la marge reste grande puisque, à la fin de l’année 2022, moins de 1,5 GW d’éoliennes offshore sera mis en service ou en cours de construction. C’est un début, plus de 10 ans après le Grenelle de la mer (2009) et les appels d’offres lancés en 2011 pour sept parcs en mer fixes qui représentent l’équivalent d’une puissance de production de 3,6 GW attribués. En 2020, la capacité installée d’éolien en mer est estimée dans l’UE-27 à 12 GW. La Commission européenne considère comme possible d’atteindre une capacité de 300 GW d’éolien en mer en 2050 (avec une première étape de 60 GW en 2030).
Où en serons-nous en France fin 2022 ?
Les installations de parcs en mer seront celle de Saint-Nazaire qui sera mise en fonctionnement ; celles de Saint-Brieuc et de Fécamp pour les fondations et la sous-station ; sans oublier l’éolienne flottante expérimentale Floatgen de 3 MW, ancrée au large du Croisic sur le site d’essais SEM-REV de l’École centrale de Nantes. À titre de comparaison, le Royaume-Uni comprend 14 GW en fonctionnement en mai 2022 et 8 GW en cours de construction.
Avec l’urgence de diminuer les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030, additionnée à la pénurie de gaz due à la guerre en Ukraine, et au parc nucléaire français très âgé (plus de la moitié des réacteurs sont à l’arrêt pour des révisions/réparations), l’éolien en mer devient une source d’énergie importante et rentable économiquement avec des retombées locales potentielles.
Loi et PPE
Le projet de loi d’accélération des EnR présenté le 26 septembre en Conseil des ministres semble inquiéter les élus. Tous les ministères concernés et en priorité le ministère de la Transition énergétique travaillent sur la future PPE (2023–2028).
L’ambition est donc présente !
La PPE devra être innovante, plus ambitieuse et intégrer, peut-être, les autres énergies marines (hydrolienne et houlomotrice), le solaire flottant et, pourquoi pas, de petites productions de proximité comme le Swac et l’autoconsommation des ports avec l’électrification à quai pour les navires. Jusqu’à maintenant, seule l’usine marémotrice de la Rance, lancée en 1966, utilise l’énergie des marées et produit 240 MW.
Pour l’éolien en mer, cette visibilité/prévisibilité tant réclamée pourrait enfin être donnée aux industriels et entreprises sous-traitantes, PME et start-up comprises. Les centres de formation, du lycée professionnel aux grandes écoles et universités, sont également concernés… Enfin, il va falloir que les plans d’action des documents stratégiques de façade soient mis en œuvre et fassent l’objet d’un suivi/évaluation, que les recommandations issues de la consultation sur l’énergie menée par la Commission nationale de débat public soient entendues, que la gestion des relations avec les pêcheurs et les usagers soit effective.
Passages obligés : taxes pour les collectivités et acceptabilité des riverains
En rentrant des États-Unis après la conférence de l’ONU, Emmanuel Macron s’est rendu le 22 septembre à Saint-Nazaire (1). En 2018, il s’était rendu à Saint-Brieuc pour rencontrer les acteurs de la mer. En revanche, c’est la première fois qu’il peut naviguer au cœur d’un parc éolien en mer dans les eaux françaises. Les turbines Haliade de 6 MW de General Electric composent le parc du Banc de Guérande codétenu par EDF Renouvelables et EIH SARL, une filiale d’Enbridge Inc. et CPP Investments. Elles devraient produire en fin d’année 2022 l’équivalent de 20 % de la consommation en électricité de la Loire-Atlantique. Les éoliennes d’une puissance totale de 480 MW sont raccordées par grappes de 12 à la sous-station conçue et fabriquée par les Chantiers de l’Atlantique. C’est le consortium Chantiers de l’Atlantique, GE Power et DEME qui a remporté la construction de la première sous-station basée dans le premier parc français. L’italien Prysmian a remporté les deux lots de raccordement : la fabrication des câbles inter-éoliennes commandée par EDF Renouvelables et les câbles d’exportation commandés par RTE. Ce dernier est chargé des raccordements de la production des éoliennes en mer à la sous-station terrestre.
En retard sur ses voisins européens (notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et bientôt la Pologne), la France semble passer à la vitesse supérieure. Après Saint-Nazaire, Saint-Brieuc et Fécamp, « ce seront Courseulles-sur-Mer en 2024–2025, Dieppe-Le Tréport, Yeu-Noirmoutier et Dunkerque en 2025–2026 ».
Points de repère
Fécamp
Le 1er août, la première des 71 fondations gravitaires du parc de Fécamp (500 MW, détenu par EDF Renouvelables, Enbridge et wpd) a été installée à 13 kilomètres des côtes. Le consortium constitué de Bouygues Travaux Publics, Saipem et Boskalis est chargé de la construction, du transport et de l’installation en mer des fondations gravitaires sur lesquelles reposeront les éoliennes. Chaque fondation pèse, vide, près de 5 000 tonnes et mesure 31 mètres de diamètre à sa base. La hauteur de la fondation, allant de 48 à 54 mètres, varie selon la profondeur. Elles sont installées sur le site par le navire-grue de Sleipnir, qui opère pour le compte de Saipem. Elles sont fixées sur un fond préalablement aplani par le dépôt d’un lit de gravier installé par le navire Rockpiper de Boskalis avant d’être ballestées. Le 22 juillet, la sous-station construite par Atlantic Offshore Energy (entité des Chantiers de l’Atlantique consacrée aux énergies marines) avec GE Grid Solutions et SDI (groupe DEME), a quitté Saint-Nazaire pour Cherbourg. Après l’installation le 7 août de la fondation « jacket » de la sous-station électrique en mer sur les quatre pieux, la sous-station a été posée le jeudi 11 août.
L’opération a été réalisée par le navire installateur Orion de la société DEME Offshore à 17 km des côtes. Son poids est de 2 100 tonnes, pour 41 mètres de long, 29 de large et 17 de haut, et elle centralisera l’électricité produite par les 71 éoliennes et la transformera pour l’envoyer à terre via deux câbles sous-marins puis souterrains jusqu’au poste électrique situé à Sainneville-sur-Seine.
Saint-Brieuc
À Saint-Brieuc, le consortium formé par Iemants (filiale de Smulders), Engie et EQUANS a remporté un contrat pour la construction de la sous-station de transformation offshore pour le parc éolien de Saint-Brieuc, situé à 16,3 km des côtes françaises. La sous-station collectera l’électricité produite par les 62 éoliennes Siemens Gamesa assemblées au Havre, en élevant la tension électrique, par le biais de transformateurs de puissance. Les fondations des éoliennes ont été fabriquées par Navantia Seanergies à Féné, en Espagne, et une partie a été assemblée sur le polder du port de Brest. L’installation de la sous-station électrique a été effectuée par le navire Saipem 7000. Après les travaux de raccordement, l’installation des éoliennes est planifiée jusqu’en 2023.
Yeu-Noirmoutier (EMYN)
Ocean Winds France, Sumitomo et la Caisse des dépôts (CDC), Engie et EDP Renewables ont également franchi une étape avec le rejet d’un deuxième recours. En espérant la notification de celui d’un troisième et dernier recours d’ici à fin 2022, le consortium organise début octobre une rencontre avec des fournisseurs de rang 2 et 3. RTE entamera les travaux de raccordement à l’automne, notamment l’installation d’un nouveau poste électrique à Soullans.
La construction des 62 éoliennes (496 MW) doit également s’effectuer dans l’usine de Siemens Gamesa au Havre en 2023, l’installation en mer étant prévue en 2024.
Dieppe-Le Tréport (EMYN)
Les études environnementales ont démarré. Un GIS éolien en mer a été créé et les concertations entre scientifiques du GIS Dieppe-Le Tréport et du GIS ECUME (effets cumulés en mer et élus) sont en cours, notamment avec les pêcheurs.
Article de la rédaction d’energiesdelamer.eu.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de presse spécialisé de notre partenaire média energiesdelamer.eu
https://www.energiesdelamer.eu/2022/08/12/leolien-en-mer-francais-enfin-a-leau/
Note :
(1) Emmanuel Macron était accompagné de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, d’Hervé Berville, secrétaire d’État chargé de la Mer, et de Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, ex- élue des Pays de la Loire. Les élus locaux territoriaux et locaux étaient présents, ainsi que les associations professionnelles nationales (Syndicat des énergies renouvelables et France Énergie Éolienne, qui représentaient les entreprises petites et grandes). Pour Franck Louvrier, maire de La Baule, Marie Claire Lehuede Maire de Batz, David Samzun Maire de Saint-Nazaire, la renégociation des taxes locales doit être envisagée ! Les négociations ne seront pas les mêmes pour le parc de Yeu-Noirmoutier compte tenu de notre expérience !
Légende de la photo en première page : Pose de la sous-station Saint-Brieuc par le navire Saipem 7000, effectuée dans la nuit du 6 au 7 juillet 2022. © CBeyssier