Avec près de 20 000 km de côtes, le littoral français est l’un des plus étendus au monde. Cette situation offre un potentiel de développement inédit pour les énergies marines renouvelables (EMR), qui regroupent l’ensemble des technologies permettant de produire de l’électricité à partir des ressources renouvelables du milieu marin.
Ces dernières apportent, selon la ressource considérée, une certaine complémentarité par rapport aux énergies renouvelables « terrestres », de par l’importance des ressources disponibles, leur bonne prédictibilité ou l’espace disponible.
Des technologies variées
Plusieurs technologies, exploitant différents types de ressources, ont ainsi été développées pour collecter l’énergie des océans.
• L’énergie éolienne offshore utilise l’énergie cinétique (liée à la vitesse) des vents marins, plus forts et plus stables que les vents terrestres. Elle nécessite le déploiement d’éoliennes, posées soit sur le fond marin, soit sur support flottant.
• L’énergie marémotrice utilise la différence de hauteur d’eau engendrée par le passage d’une onde de marée. C’est donc une énergie potentielle (liée à la gravité) utilisée pour remplir et vider le réservoir d’un barrage à travers une turbine hydraulique.
• L’énergie hydrolienne est l’énergie cinétique associée aux courants de marée. En effet, en certains endroits proches des côtes, les marées génèrent des courants pouvant atteindre des vitesses élevées (jusqu’à 4,5 m/s) et susceptibles d’entraîner des turbines.
• L’énergie houlomotrice correspond à l’énergie des vagues générées par le vent et qui se propagent à la surface des océans.
On peut également citer l’énergie thermique des mers (ETM), l’exploitation de la biomasse marine, le solaire flottant ou encore l’énergie osmotique.
L’exploitation des EMR aujourd’hui
L’océan demeure toutefois un milieu relativement exigeant et hostile (tempêtes, corrosion, colonisation par des micro-organismes, pression de l’eau…) et les développements technologiques nécessaires à son exploitation sont coûteux. La récupération de l’énergie des mers n’a ainsi pas été sérieusement envisagée avant la crise pétrolière des années 1970, et ne se développe réellement que depuis les années 2000, dans le contexte de la transition énergétique.
En dépit de leur potentiel, les EMR ne représentent aujourd’hui que 0,1 % du mix énergétique mondial. Or, en Europe, les objectifs du « pacte vert » nécessitent une multiplication par un facteur 30 de la capacité actuelle de production à partir des EMR d’ici à 2050.
Pour parvenir à ce résultat, le développement de l’exploitation des EMR bénéficie des recherches réalisées dans d’autres domaines, comme les énergies éoliennes et hydrauliques terrestres ou les énergies fossiles offshores. Il existe cependant de grandes disparités entre les différentes technologies EMR, tant au niveau de la maturité de développement que de l’intérêt économique ou des enjeux sociaux et environnementaux.
S’il existe déjà un grand nombre d’éoliennes offshores, raccordées au réseau et contribuant à la production d’électricité, les hydroliennes et convertisseurs houlomoteurs ne sont pas encore tout à fait au stade du développement industriel, en dépit d’un nombre grandissant de prototypes en fonctionnement.
Pour ce qui est des convertisseurs houlomoteurs en particulier, il existe un grand nombre de systèmes s’appuyant sur des technologies variées, et un consensus quant au choix du concept optimal n’a pas encore été atteint.
Le développement des systèmes EMR
La démarche qui prévaut dans le développement des systèmes EMR consiste à concevoir un procédé ayant un bon rendement de production, ne nécessitant que peu d’opérations de maintenance (complexes et coûteuses en mer), et assez robuste pour résister aux plus fortes tempêtes.
Les études de conception et de dimensionnement de ces systèmes s’appuient à la fois sur la modélisation numérique et sur l’approche expérimentale, et ce à toutes les étapes du développement technologique. Leur niveau de maturité technologique est caractérisé par un indicateur appelé TRL (pour Technology Readiness Level), basé sur l’évaluation des capacités démontrées d’une technologie.
L’approche expérimentale est menée à différentes échelles en fonction du TRL. Des maquettes à échelle réduite pour valider un concept dans l’environnement contrôlé d’un laboratoire, comme une soufflerie ou un bassin d’essais (TRL 1 à 3), en passant par des prototypes ou des sous-éléments à échelles intermédiaires que l’on cherche à optimiser lors d’essais en mer dans des sites protégés (TRL 4 à 6), jusqu’à l’échelle réelle sur un prototype industriel déployé sur un site d’essais en mer instrumenté, afin d’en confirmer l’efficacité et la fiabilité (TRL 7 à 9).
Ces différentes étapes de développement, et notamment l’expérimentation, nécessitent des moyens importants. Il faut une capacité à reproduire précisément en environnement contrôlé des phénomènes naturels comme le vent, les vagues ou les courants ; et aussi une capacité à mener des expérimentations sur prototype en environnement réel, ce qui réclame des infrastructures importantes et coûteuses et la mise en place d’opérations à plus haut risque.
Les infrastructures expérimentales
Dans leur démarche de soutien à l’innovation, des instituts de recherche comme l’Ifremer, Centrale Nantes et l’Université Gustave Eiffel opèrent des équipements scientifiques tels que des bassins à houle et/ou à courant, des caissons hyperbares, une centrifugeuse géotechnique ou encore des sites d’essais en mer.
Ces infrastructures servent non seulement aux études de recherche académique, au développement d’outils de mesure océanographique, mais aussi à tester des technologies innovantes, comme des prototypes de systèmes EMR.
Regroupés au sein de l’infrastructure de recherche THeoREM, les trois instituts opèrent ces installations pour répondre aux besoins des développeurs à chaque étape de leur projet : les bassins à houle et à courant permettent de tester des modèles réduits (TRL 1–4), la centrifugeuse, les caissons de vieillissement et les bancs de traction permettent de tester des composants (TRL 4–5), la plate-forme d’essai de Sainte-Anne du Portzic est adaptée à la validation en mer de prototypes à échelle intermédiaire (TRL 5–6), tandis que le site d’essai du SEM-REV permet de valider des démonstrateurs à taille réelle, en opération (TRL 7 et au-delà).
L’exemple du développement d’une éolienne flottante
Ces dernières années, les équipes de l’Ifremer ont accompagné de nombreux projets EMR, comme ce concept d’éolienne flottante appelée Eolink.
Dès 2016, les premiers tests en bassin sont conduits sur une maquette à l’échelle 1/50. En 2018 et 2019, un prototype est testé sur le site d’essais en mer de Sainte-Anne du Portzic. Les caractéristiques de la machine déployée représentent avec fidélité à l’échelle 1/10 celles d’une éolienne de 12 MW. En 2020, un programme de déploiement d’une éolienne flottante Eolink sur le site du SEM-REV au large du Croisic est contractualisé.
L’éolienne sera remorquée sur le site en 2022 pour une phase de test de puissance. En augmentant progressivement sa production, elle devrait atteindre la puissance nominale de 5 MW à l’horizon 2023.
Photo ci-dessus : Éolienne flottante Eolink (échelle 1/10) en rade de Brest. O. Dugornay/Ifremer, CC BY
Article publié sur le site web : https://theconversation.com/fr.