Il y a eu le scandale des panneaux solaires photovoltaïques dont la production a quitté la France pour la Chine. Pour autant, la France a une carte à jouer dans les énergies renouvelables. Une filière hydrogène par électrolyse émerge et se renforce. Mais attention : pour devenir pérenne, elle devra impérativement baisser ses coûts et rester très compétitive.
La France a une belle carte à jouer dans le secteur des énergies renouvelables. Le gouvernement a en effet lancé un plan hydrogène vert très ambitieux. Il s’agit d’une énergie d’avenir aux multiples atouts. La France anticipe, donc, mais elle fait aussi très attention à ne pas commettre la même erreur qu’au début des années 2000, avec le scandale des panneaux solaires photovoltaïques, dont la production avait quitté l’Hexagone pour filer en Asie.
La France bien placée
Aujourd’hui, l’objectif est bien de bâtir une filière hydrogène vert solide, capable de faire face à de puissants concurrents, au premier chef desquels la Chine.
D’où la multiplication des projets d’implantation d’usines d’électrolyseurs en France. L’électrolyse permet en effet de transformer l’eau en hydrogène vert grâce à l’électricité issue des énergies renouvelables. Les usages de l’hydrogène vert sont multiples pour la décarbonation des usines polluantes comme les cimenteries et les aciéries et du transport de marchandises par camions ou par trains.
Plusieurs projets de gigafactories sont en cours en France, à Belfort, à Béziers, dans le Haut-Rhin, etc. Les régions investissent également dans de nombreux projets de production d’hydrogène vert et de mobilité. La France est ainsi très bien placée. Il faut dire que le budget de sept milliards d’euros pour les subventions aide à faire émerger et à consolider la filière.
Selon François Kalaydjian, directeur Économie et Veille à l’IFPEN (Institut français du pétrole énergies nouvelles), « la France n’a pas à rougir de son plan hydrogène qui est l’un des plus ambitieux du monde, avec l’Allemagne ». D’ailleurs, l’IFPEN estime que la mobilité décarbonée à l’horizon 2040 passera par le véhicule électrique et les solutions hydrogène. François Kalaydjian indique que l’hydrogène appliqué aux transports « est un très bon levier pour décarboner le système ». Par ailleurs, la filière hydrogène pourrait générer près de 150 000 emplois d’ici à 2030.
L’objectif de ce budget de sept milliards d’euros est d’appuyer la production et la consommation d’hydrogène décarboné et de constituer un véritable écosystème qui permettrait de réduire les coûts. L’hydrogène vert est habituellement trois à quatre fois plus cher que l’hydrogène gris produit à partir d’énergies fossiles, comme le gaz naturel. Si le conflit en Ukraine freine, voire inverse cette tendance, la situation n’est que temporaire.
Faire face aux États-Unis et à la Chine
Pour Xiaoting Wang, analyste chez Bloomberg New Energy Finance, « on n’en est pas encore au stade d’une concurrence mondiale intensive ». La France est d’autant mieux placée qu’elle a pris de l’avance sur les poids lourds américain et chinois.
En Europe, il y a pourtant d’autres projets de gigafactories, au Royaume-Uni et en Allemagne notamment. Xiaoting Wang ajoute : « Aux États-Unis, on compte quelques gros acteurs comme Plug Power et Cummins, mais le marché n’est pas aussi mûr qu’en Europe. Il n’y a pas de plan d’aide massif de la part du gouvernement fédéral comme en Allemagne ou en France. »
En revanche, la Chine est un sérieux concurrent. Elle l’est déjà dans de nombreux secteurs économiques et industriels ; elle l’est aussi dans les énergies renouvelables et notamment l’hydrogène vert. En 2020, Pékin a publié une stratégie hydrogène très ambitieuse. Selon Xavier Regnard, analyste chez Bryan, Garnier & Co, « la Chine n’a que deux ou trois ans de retard sur l’Europe et elle investit massivement. De gros fabricants d’électrolyseurs, PERIC et Tianjin Hydrogen Equipement, ont déjà émergé, même s’il est difficile d’avoir une idée précise de leur taille ». Il y a également Longi Solar, qui s’est imposée dès 2020 dans le solaire et la production de plaquettes, cellules et panneaux en silicium monocristallin et qui investit aujourd’hui massivement en R&D pour l’hydrogène vert.
Même si la France semble avoir un peu d’avance, la Chine dispose d’un énorme avantage : des coûts de production bien plus bas que ceux des industries françaises et européennes. « Le coût du travail joue beaucoup, car les chaînes de production, pour des volumes limités, ne sont pas encore automatisées et les composants nécessaires peuvent être facilement achetés sur place en Chine », explique Xiaoting Wang.
C’est la raison pour laquelle baisser les coûts de production doit être, encore une fois, la priorité des industriels français spécialisés dans les électrolyses. François Kalaydjian le souligne, « la production à grande échelle dans les gigafactories permettra de dégager des économies d’échelle ». L’objectif est bien d’allonger la durée de vie des électrolyseurs et de fortement diminuer l’utilisation de matériaux très chers sur le marché, comme l’iridium, métal très résistant qui entre dans la production de certains électrolyseurs.
Mais le problème est présent. Les industriels chinois attaquent déjà le marché européen, car leur technologie est intégrée dans des projets en Europe et en France qui se sont tournés vers les technologies chinoises.
