La baisse des tarifs du biogaz est-elle conciliable avec l’inflation explosive qui se fait sentir dans les CAPEX, mais aussi les OPEX ? La filière s’industrialise, mais doit aussi conserver sa propension à créer une économie locale durable.
À l’heure où le besoin d’indépendance énergétique devient primordial, le coût de la production de biogaz est au centre des enjeux.
La filière de la méthanisation se professionnalise : standardisation des équipements, massification, achats groupés, supervision de la biologie des digesteurs pour une production par tonne d’intrants accrue. Dans les pages qui suivent, vous découvrirez quelques-unes des pistes de réduction des coûts pour un meilleur rendement des unités. Mais les efforts d’industrialisation de la filière pour réduire les coûts vont-ils être gommés par la hausse des prix des installations et des consommables et la réglementation qui se durcit ? Côté dépense, en effet, les normes plus drastiques et l’inflation ont fait grimper de 20 % le coût d’une unité. Les réglementations parfois lourdes poussent à faire des installations plus grandes. Mais attention aux installations gigantesques qui impliquent le déplacement de tonnes de matière avec le coût énergétique (et écologique) que l’on sait. D’un autre côté, certains rappellent l’importance de conserver des unités adaptées à une agriculture durable et portées notamment par des acteurs locaux. Des agriculteurs qui disposent du gisement de matière à la base de la production de biogaz et deux activités qui sont de natures différentes. Un équilibre reste donc à trouver entre optimisation du potentiel par unité, développement du nombre d’unités et conservation de la valeur ajoutée locale dans une économie de territoire durable.
Régulation par le marché
Dans ce contexte géopolitique difficile, le biogaz coche toutes les cases d’une nouvelle économie. Il fournit un engrais performant pour l’agriculture qui évite d’importer un engrais minéral pour lequel nous sommes dépendants de tiers et dont le prix explose (× 10), car sa production consomme beaucoup d’énergie. Il permet donc de réduire le déficit commercial tout en gagnant en autonomie alimentaire et énergétique. Le biogaz développe aussi une économie et des emplois non délocalisables. Il permet un recyclage de la matière organique et une capture du CO2 avec usage agricole ou industriel qui en fait un vecteur réel de transition énergétique. Et son potentiel n’est pas anecdotique puisque 120 à 150 TWh, soit le tiers de notre consommation annuelle actuelle, pourraient être produits d’ici à 2050. Mais on n’atteindra cet objectif qu’à moyen ou long terme.
Un équilibre du prix pourrait bien in fine provenir du marché. Car avec un prix des gaz fossiles qui explose, le coût de production réel des biogaz pourrait s’avérer moins élevé que celui du gaz naturel dont nous sommes totalement dépendants. En effet, les prix du gaz naturel dépassent désormais ceux du gaz vert et la production de biogaz devient stratégique. Cependant, en même temps, l’effet ciseaux de la baisse brutale de trajectoire des tarifs et de l’inflation bloque tous les projets en cours. Dans ce contexte, il serait logique de considérer que le coût du biogaz soit celui de sa production, augmenté des marges des différents acteurs, car le gap de coût avec le gaz fossile pourrait disparaître, sans compter les discussions autour des primes carbone. Nous arrivons sans doute à la fin de ce cycle. La crise de l’énergie actuelle pourrait bien finalement permettre l’essor de la filière biogaz à condition que l’État reconsidère celle-ci comme stratégique et opte pour une souplesse réglementaire et tarifaire accrue.