Acteur incontournable des mobilités bas carbone, la SNCF apporte des réponses durables aux enjeux de transport de voyageurs et de marchandises, face à des défis climatiques et environnementaux qui bouleversent nos habitudes de consommation et de déplacement.
Green Innovation. Le groupe SNCF a choisi de mettre un cap sur la transition écologique et de cibler la mobilité durable comme pilier de développement. Quelle orientation prenez-vous pour attendre l’objectif de zéro émission nette en 2050 ?
Valérie Darmaillacq. Face au dérèglement climatique, chacun a un rôle à jouer, les entreprises adaptent avec plus ou moins de force et d’engagement leurs produits et leur production. En France, les transports représentent un tiers des émissions de CO2. C’est un secteur qu’il est prioritaire de décarboner, et SNCF y a un rôle clé à jouer.
Avec le train, nous opérons 10 % des déplacements de voyageurs pour seulement 0,06 % des émissions du secteur. Cette très faible empreinte est liée au fait que la plupart de nos trains et tous nos TGV sont 100 % tractés à l’électricité, dont le mode de production, en France, est très peu carboné.
Nous n’avons pas à engager de transition radicale du modèle d’affaire ou de la production ; la manière dont nous opérons nos trains est bien évidemment perfectible d’un point de vue environnemental et nous y travaillons au quotidien, mais le train est déjà opérationnel en tant que mode de transport à privilégier pour un monde soutenable.
Notre première responsabilité est d’éclairer les voyageurs, de développer la prise de conscience de l’impact environnemental quand ils choisissent un mode de transport : voyager en TGV c’est émettre 50 fois moins de CO2 que pour un trajet équivalent en voiture, 80 fois moins qu’en avion. À nous de le faire savoir, de développer la puissance de cet argument environnemental dans le choix des voyageurs. De nombreux citoyens ont conscience de l’urgence et décident d’adapter leur consommation et leurs usages, mais on constate aussi à travers nos études qu’il y a souvent un décalage entre l’intention et la réalité d’action. Sur certains secteurs comme l’alimentation ou l’habillement, qui touchent à l’intime, les exigences ont évolué rapidement pour ces consommateurs engagés ; concernant le voyage, dans les faits, les adaptations sont plus lentes. Le critère environnemental est un peu à la traîne dans leur choix. Ils regardent d’abord le confort, le prix, la sécurité, la praticité du voyage puis l’impact carbone.
Pour réduire cet écart, je crois beaucoup au principe de co-bénéfices. Pour accélérer la transition dans les manières de consommer, nous actionnons un combo-gagnant : le train accessible, pratique, efficace… et nous y associons cette dimension environnementale forte, celle qui génère la fierté d’avoir aussi choisi un mode de transport vertueux.
Nous expliquons cela dans nos programmes relationnels. Nous chiffrons la réduction de CO2 par rapport au même trajet en voiture. Nous les remercions d’avoir choisi un mode de transport bas carbone et affichons le bilan carbone réel du voyage. En somme, nous les sensibilisons à chaque voyage.
C’est tout cela notre enjeu pour agir efficacement dans cette transition. Il faut convaincre les voyageurs de délaisser les transports carbonés pour choisir le train dès que cela est possible. Nous accompagnons cette ambition de croissance avec une offre élargie et toujours plus accessible. Le récent lancement de l’offre Ouigo Classique en est une illustration.
Le groupe multiplie les initiatives comme la circulation de trains hybrides depuis 2020 ou le déploiement du train à hydrogène pour 2022. Quelles sont les mesures clés prévues pour accroître sa performance carbone ?
Seule une très faible partie de nos lignes n’est pas électrifiée. Sur ces quelques lignes TER ou Intercités, nous devons accélérer la transition du diesel vers des biocarburants ou l’hydrogène. C’est un enjeu majeur de décarbonation.
Comme nos TGV, notre fret est 100 % électrique. Notre premier levier de performance est de transporter plus de voyageurs ou de marchandises en consommant moins d’énergie électrique. La SNCF est le premier consommateur d’électricité en France et, on le sait, les capacités de production d’électricité ne sont pas illimitées.
Contribuer à la stratégie nationale bas carbone de la France, c’est aussi nous engager à réduire nos consommations électriques ; c’est ainsi plus d’énergie décarbonée disponible pour les industries qui transitent progressivement en réduisant leur dépendance aux énergies fossiles.
Nous diminuons progressivement notre bilan énergie et CO2 par passager transporté.
Il faut savoir que l’énergie de traction, c’est-à-dire l’électricité haute tension nécessaire pour faire rouler nos trains, représente 92 % de l’énergie électrique consommée.
Depuis un an, nous déployons l’opti-conduite de nos trains. Cette mesure en cours d’appropriation par nos conducteurs permet de moduler la technique de conduite en fonction du tracé de la ligne. L’outil prend en compte les descentes, les courbes et les pentes afin de donner des indications d’ajustement au conducteur pour son accélération ou son freinage. D’ores et déjà, nous mesurons 9 % d’économie sur la consommation énergétique d’un trajet lorsque l’opti-conduite est effective. C’est notre principal levier pour diminuer aujourd’hui notre impact carbone.
En maintenance également, des économies significatives sont observées grâce à l’éco-stationnement qui automatise la fermeture des portes. Cela évite les éclairages inutiles, les déperditions de flux de chaleur ou de climatisation en fonction de la saison.
Les évolutions du matériel sont également pensées pour optimiser l’aérodynamisme des rames. Des rames plus légères, moins d’aspérités générant des frottements, arrondir le nez de nos TGV sont autant d’éléments qui les rendent moins énergivores. Ces éléments sont tous intégrés dans la conception de notre futur TGV M qui circulera dès 2025, et d’autres innovations telles que la récupération de l’énergie de freinage alimentant l’éclairage ou la climatisation permettront une économie globale de 20 % sur ces rames.
La SNCF détient des espaces importants du parc solaire, produisant ainsi son énergie renouvelable. Quel est votre engagement sur l’énergie solaire ?
C’est structurant de maîtriser nos dépenses d’énergie, particulièrement dans la période actuelle de volatilité des prix et de fortes tensions. Nous devons principalement maîtriser nos achats d’énergie et nous pouvons, à une toute autre échelle, développer nos propres ressources en tant que producteur.
Avec la mise en place de PPA, nous négocions avec les fournisseurs d’énergie un coût qui permet le financement du déploiement d’énergie renouvelable. Cela concerne aussi bien le solaire que l’hydraulique ou l’éolien. Nous ne déployons pas les outils, mais nous les finançons via nos contrats fournisseurs. Aujourd’hui, ces PPA représentent 20 % de nos achats.
En parallèle, nous disposons de nombreuses emprises : sur les toits et les parkings des gares, dans les technicentres ou sur des friches ferroviaires… Nous y déployons massivement des panneaux photovoltaïques, comme c’est le cas à Hellemmes, avec 6 500 m² de panneaux en toiture alimentant une partie des besoins du technicentre, ou dans des fermes solaires de plusieurs hectares.