Comment utiliser le maximum de déchets organiques des collectivités, des industriels et de la distribution pour la méthanisation ? Alors que la législation va imposer fin 2023 des performances en la matière, une solution technique, logistique et économique pourrait révolutionner le secteur. Explication.
Les déchets organiques non agricoles sont sous-utilisés pour la méthanisation. Collecte, nuisance et perte du pouvoir méthanogène rendent la chaîne déficitaire. « Nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose, indique Xavier Hindelang, cofondateur de Bio Tank avec François-Xavier Postel. Nous avons donc envisagé de développer un matériel innovant, spécifique aux biodéchets, qui limite les transports, supprime les nuisances et conserve le pouvoir méthanogène. En effet, jusqu’ici, pour traiter les déchets organiques, les collectivités pouvaient les incinérer ou les composter, mais la méthanisation demeurait l’exception. L’incinération de matière humide est peu efficace et polluante. Le compostage prend de la place et oblige à remuer des tonnes de matière, ce qui est coûteux en énergie et… en euros. Pour les collectivités, il n’y a pas de débouchés à part en céder gratuitement par petites quantités à des riverains. Or des millions de tonnes supplémentaires vont arriver du fait de la législation qui impliquera la mise en place d’un système de collecte de déchets organiques pour les particuliers. Dans cette optique, le Bio Tank permet d’optimiser l’utilisation de toutes ces ressources en méthanisation avec production d’énergie et d’engrais (digestat) et donc toute l’efficacité d’une économie circulaire et de recyclage. »
Supprimer les nuisances
Mais comment faire pour supprimer les nuisances, odeurs, jus, nuisibles ? Il faut trouver un moyen de conserver ces aliments. Le froid consomme de l’énergie, les produits chimiques polluent et ne permettent plus une méthanisation ultérieure. Restait alors l’absence d’oxygène. « Nous avons pensé aux bocaux de nos grands-mères et aux boîtes de conserve, et, en consultant la littérature sur le sujet, nous avons compris que le CO2 qui se dégage en début de processus allait chasser l’oxygène, un processus naturel très simple et qui garantit une stabilité aussi importante qu’une technologie sous vide. De ce fait, notre Bio Tank supprime l’urgence de la collecte, puisque le processus de dégradation est stoppé, ce qui permet de laisser les déchets sur le lieu de collecte, sans nuisances. Les Bio Tank ne sont donc vidés que lorsqu’ils sont pleins : nous optimisons le transport des déchets organiques de manière importante. » Cette réponse logistique a été associée à une alerte numérique de remplissage qui va permettre à un gestionnaire une logistique optimisée des flux de biodéchets. Par ailleurs, les déchets conservent 99 % de leur potentiel méthanogène de départ, alors qu’en stockage « classique », la perte est quasi totale en quelques jours à 20 °C !
Restait la problématique des déchets organiques conditionnés. « Nous avons décidé de les traiter après et non avant, puisque notre système permet une conservation longue. Nous avons donc développé deux technologies. Le Bio Tank Pack pour les biodéchets conditionnés ou en mélange, qui nécessitera la présence d’un déconditionneur, et le Bio Tank Clean pour les déchets non emballés, sans indésirables. »
Cependant, la plupart des producteurs de biodéchets ne veulent pas gérer le déconditionnement. « Nous prévoyons que les déchets soient envoyés vers des méthaniseurs équipés de déconditionneurs et d’hygiénisateurs. Le traitement peut alors se faire juste avant leur entrée dans le digesteur. Pour la collectivité, c’est “je collecte sur ma zone urbaine, j’envoie sur un site logistique, je déconditionne et j’hygiénise avant de fournir une ‘soupe’ qualitative aux méthaniseurs alentours, y compris agricoles”. » La mise en place d’une unité de méthanisation demande plusieurs années. À l’heure actuelle, ce tonnage potentiel important pourrait rentrer dans une méthanisation existante sur le territoire. Mais, à terme, des méthanisations territoriales pourraient aussi voir le jour, fournissant le carburant pour les camions de collecte, par exemple, ou du biométhane réinjecté dans le réseau local.
Un business model du recyclage
« Nous avons développé une gamme de Bio Tank de 2 m³, posés en aérien ou semi-enterrés à la demande des collectivités, comme point d’apport volontaire, et plutôt en conteneurs/compacteurs de 12 m³ pour les industriels et les hypermarchés (mais des commerces plus petits peuvent utiliser ceux de 2 m³). La société a réfléchi avec la grande distribution et les collectivités notamment afin d’adosser à cette technologie un business model innovant. Pour les producteurs, nous avons donc retenu une solution de collecte des biodéchets “As-a-Service” pour plus de simplicité et d’économies, le producteur ne payant qu’à la tonne produite, ce qui lui permet :
– une suppression de ses CAPEX avec mise à disposition du matériel ;
– la gestion des transports : enlèvements et vidage ;
– la valorisation chez le méthaniseur en circuit court ;
– la gestion administrative. »
Cela apporte aux producteurs simplicité et économies en réduisant leur facture ainsi que de la valeur d’usage (suppression des nuisances, des CAPEX…) et un respect des obligations réglementaires et des attentes environnementales de leurs clients. Pour les méthaniseurs, Bio Tank garantit l’approvisionnement en biodéchets à fréquence et qualité régulières avec un fort pouvoir méthanogène. Le tout pourrait aussi entraîner une meilleure acceptabilité de la méthanisation par le grand public. Il restera à qualifier et à quantifier cette manne pour l’intégrer au mieux dans la filière de la méthanisation.