Pour DualMétha et Teréga, c’est une évidence, il faut faciliter le déploiement d’une filière de gaz décarboné. DualMétha a développé depuis quatre ans un procédé de méthanisation basé sur une rupture technologique, et s’est associé avec Teréga pour lancer un business model innovant. Retour sur deux petites révolutions pour un grand pas vers la décarbonation.
DualMétha, la méthanisation aux onze cuves
Présent depuis 30 ans en méthanisation, Yann Mercier a constaté les faiblesses de la méthanisation traditionnelle. Cette expérience l’a amené à concevoir une solution technique très innovante, robuste, facile à exploiter et économique. Il a donc fondé, en association avec le groupe Fulton, la société DualMétha, avec un procédé breveté. Sur le principe, la configuration est simple : une cuve centrale entourée de 11 petites cuves indépendantes. Pour le démarrage, la cuve principale est amorcée par un chargement en digestat liquide en provenance d’une autre unité, ce qui apporte des bactéries anciennes et vivaces. Puis, les autres cuves sont entièrement chargées tous les trois jours, mais les unes après les autres, avec des intrants plutôt secs (fumier, CIVE…), sans aucune préparation. Une fois les intrants introduits dans la cuve, un système automatisé remplit celle-ci par le bas avec du digestat liquide de la cuve principale, jusqu’à ras bord. La petite cuve est alors fermée, ce qui enclenche le processus de formation du biogaz, qui dure entre 18 et 30 jours selon la nature des intrants. Le biogaz sera récupéré au fur et à mesure via la cuve principale. Un postdigesteur servant aussi de stock tampon complète l’ensemble. « Ce procédé a de nombreux avantages, explique son concepteur. Les intrants sont chargés sans transformation simplement par bennage dans la cuve, ce qui évite tout équipement (et toute panne !) pour les introduire ou les préparer et simplifie donc la maintenance. La matière est imprégnée complètement par le digestat liquide sous sa pression. Contrairement à l’infiniment mélangé, la matière n’est pas renouvelée dans la cuve et peut donc dégager un maximum de biogaz, même sans être préalablement déchiquetée. Pour être exact, seul un petit débordement de matière fine est envoyé vers la cuve centrale, cette dernière produisant également une partie du biogaz. Le rendement est donc optimum. » À la fin de cycle de « dégazage », la cuve est simplement vidée par un grappin : le digestat sec est récupéré, les cailloux et résidus indésirables sont enlevés. Comme il y a 11 cuves qui produisent, l’unité fonctionne en permanence. Chaque cuve peut recevoir un mélange d’intrants différent. Ce système permet d’éviter un arrêt complet de la production. En cas de problème dans une cuve, il est simple d’intervenir sans interrompre les autres. DualMétha est adapté aux méthanisations agricoles, mais acceptera aussi facilement des biodéchets de collectivités. Un seul agitateur (cuve principale), deux pompes et des ponts roulants avec grappin sont présents. « Nous pensons réduire de 10 à 20 % le CAPEX, mais surtout de 50 % les OPEX, hors coûts d’achat des intrants. »
Déploiement de DualMétha avec l’appui de Teréga
Opérateur gazier, Teréga possède 5 000 km de canalisations de transport de gaz et 25 % de la capacité française de stockage. Le groupe a opéré une stratégie sur les activités en amont avec la production et en aval pour les usages, dans l’optique de favoriser l’émergence de gaz décarboné. L’opérateur ne peut intervenir directement sur la production, du fait de réglementations européennes. Sa filiale Teréga Solutions a donc développé une stratégie avec un axe de rupture technologique et un business model de location. « Notre vision est de mettre en place un système multiénergie décarboné gaz, électricité, chaleur, explique Jérémy Perrot, directeur de la business unit “biométhane et mobilité gaz” de Teréga Solutions. La première condition est d’optimiser les flux et les interactions de ce mix énergétique par une digitalisation de la production et des usages. Un smart grid qui doit être développé au niveau industriel et territorial. C’est pourquoi nous avons créé une business unit “digital et multi-énergies”. Nos deux autres business unit concernent l’hydrogène d’une part et le biométhane et la mobilité gaz d’autre part. Pour ce qui concerne la méthanisation, nous ne voulions pas être des assembleurs. Pour nous, le biométhane est une clé essentielle de la nouvelle économie circulaire ; notre objectif est de faire le lien entre les producteurs détenteurs du gisement, agriculteurs ou collectivités, et les usages du biométhane. Nous avons donc mené une double stratégie : rupture technologique et nouveau business model. »
Côté technologique, Teréga Solutions a mis en place un partenariat en prenant des participations avec deux entreprises qui ont développé chacune un système de méthanisation innovant. La première est DualMétha, dont Teréga a pris 20 % des parts, avec une conception innovante « multi cuves » qui fait l’objet d’un projet pilote que nous détaillons plus loin. La seconde est MéthaJoule du groupe Chadasaygas dans laquelle Teréga a pris une participation de 40 %. Elle a également développé un système de méthanisation innovant sur la base d’un process de voie sèche discontinue. Le point commun des deux est de permettre par des investissements et des frais d’exploitation bas, de produire du biogaz à moindre coût et de simplifier l’exploitation.
Unités de méthanisation en location
Teréga Solutions et DualMétha ont mis en place pour la technologie DualMétha un système de location à destination des agriculteurs. Objectif : permettre de multiplier les projets de méthanisation, en levant de nombreux obstacles. Teréga gère le financement de l’unité construite par DualMétha. Teréga reste propriétaire de l’équipement et le propose à la location à des agriculteurs qui en tireront le revenu de la vente de biogaz. Le tout est prévu sur des contrats adossés aux contrats de vente (généralement de 15 ans) au terme desquels l’installation pourra être acquise par les agriculteurs pour une valeur résiduelle. « Avec notre solution packagée, nous prenons les risques d’investissement et nous permettons à des agriculteurs dont l’accès aux prêts est limité d’accéder à la méthanisation. Notre objectif est surtout de permettre le déploiement de la méthanisation. »
Après la construction par DualMétha d’un démonstrateur à Prémery, dans la Nièvre, subventionné en partie par l’ADEME, dont la production va débuter à l’automne, un premier projet en location est en construction à Neuvy-Pailloux, dans l’Indre. Ce projet sera doté de cuves enterrées pour faciliter le chargement des intrants et consommer moins d’énergie. Il est porté par la société STRAW-Berry regroupant quatre agriculteurs désireux de s’impliquer durablement pour leur territoire. L’unité de production, associant une cuve centrale de digestion liquide à onze cuves périphériques de digestion solide, sera louée à STRAW-Berry pour une durée de 15 ans par Teréga Solutions. « Nous conservons l’unité en propriété. Les exploitants n’auront qu’un loyer à payer, la maintenance étant assurée par Teréga et DualMétha. Avec ce système adossé à Teréga et DualMétha, les agriculteurs vont certainement gagner en sérénité, sans rater le virage de la méthanisation qui permet une orientation vers une agriculture durable », souligne Jérémy Perrot. Avec un débit de 135 Nm3/h, elle produira du biométhane principalement à base de pailles et de CIVE provenant des exploitations des quatre agriculteurs partenaires du projet. Les travaux devraient débuter en octobre 2021 et s’achever en avril 2022, pour un montant total d’environ 5 millions d’euros financés à hauteur de 70 % par Teréga Solutions et de 30 % par STRAW-Berry. Ce projet bénéficie par ailleurs d’un soutien financier de l’ADEME octroyé dans le cadre de l’appel à projets Méthanisation 2020. À partir de juillet 2022, mois où s’effectuera l’injection du gaz vert dans le réseau de GRTgaz, environ 10 500 tonnes par an de biomasse seront ainsi valorisées par une production de biométhane correspondant à la consommation de 1 300 foyers (soit l’équivalent de la population du village de Neuvy-Pailloux).
« Alors que la trajectoire des tarifs de rachat est en baisse, la solution DualMétha avec des CAPEX et OPEX bas est compétitive. Le monde agricole est notre priorité, avec cette technologie adaptée, mais nous regardons aussi le potentiel des déchets organiques des territoires. Dans tous les cas, la baisse des coûts de production du biogaz sera primordiale pour la méthanisation qui est une composante mainstream de l’énergie circulaire. Pour obtenir les 10 % de biogaz prévus en 2030, il y a du chemin à faire. DualMétha et Teréga souhaitent avoir le rôle de locomotive, grâce à ce partenariat stratégique unissant deux acteurs majeurs du gaz renouvelable en France », concluent à l’unisson Yann Mercier et Jérémy Perrot.