Alors que la trajectoire des tarifications est à la baisse, il est aujourd’hui plus que jamais indispensable d’améliorer la productivité et la rentabilité des installations. Quelles sont les solutions pour réduire le coût et produire plus ? Rappel des pistes, assorti de quelques exemples.
Chaque mètre cube de gaz produit en plus, chaque euro épargné sur les CAPEX ou les OPEX sont gages d’une meilleure rentabilité de votre installation. À une condition toutefois : ne jamais mégoter sur la qualité ! Tout l’enjeu est là : concilier un bon fonctionnement à long terme et une performance de chaque instant.
Des groupes de travail de la filière planchent sur la réduction des coûts. La massification et l’amélioration des processus font bien entendu partie de pistes « générales ». Mais la filière a d’ores et déjà listé les leviers à actionner : les intrants, les équipements des unités, tant dans leur conception que lors de leur maintenance, le financement des projets, la valorisation du biogaz produit.
L’évaluation des gains associés à chaque levier a permis d’obtenir une projection des coûts de production à court et moyen termes et d’identifier dix thématiques prioritaires pour la compétitivité de la filière :
– maximiser le pouvoir méthanogène des intrants ;
– limiter le coût des intrants ;
– maximiser la valorisation du biogaz ;
– renforcer la standardisation et la mutualisation ;
– développer la formation des opérateurs et optimiser la maintenance ;
– limiter les coûts de raccordement et du poste d’injection ;
– bénéficier des effets d’échelle liés à la taille des unités ;
– optimiser le coût et la structure du financement ;
– limiter l’impact des facteurs exogènes induisant une potentielle hausse des coûts ;
– valoriser les unités sur une durée de vie prolongée.
En parallèle, des méthodologies sont proposées comme le design-to-value, une démarche structurée applicable par des entreprises de toute taille, y compris les PME. Cette solution efficiente est applicable à toutes les filières industrielles. Il s’agit d’un outil pour améliorer la profitabilité (jusqu’à plus de 30 %) et la sécurisation du processus de développement, et d’un moyen de booster l’innovation. Avec des leviers complémentaires à actionner sur les intrants, sur les équipements des unités (conception et maintenance), mais aussi sur le financement des projets et la valorisation du biogaz.
Des économies sur toute la chaîne
Comme on le voit, la réduction des coûts peut se faire sur toute la chaîne de valeur. Dès la conception d’une unité de méthanisation, les bureaux d’études peuvent travailler avec les constructeurs et les équipementiers pour réduire les coûts avec une standardisation et une optimisation de leur process. Notons que des innovations de procédés de méthanisation sont également en cours, avec des réductions de CAPEX et d’OPEX, comme celle de DualMétha présentée dans les pages qui suivent. Travail avec les gestionnaires de réseau pour limiter les coûts de raccordement ou avec les fabricants de cogénération pour récupérer au mieux l’énergie thermique, utilisation de pompes adaptées, bon calcul de dimensionnement pour l’épuration, simplicité et facilité de maintenance : tous les postes auront une incidence sur la durée de vie de l’installation. De même, le financement est un point crucial pour la future rentabilité de l’unité. La conception même de l’unité, avec en particulier l’incorporation/préparation des intrants, est également primordiale pour obtenir le meilleur volume de biométhane par tonne de matière. Les organismes « neutres » de la filière comme l’AAMF, le Club Biogaz ou Biogaz Vallée ont beaucoup d’informations, notamment en retour terrain (les installations commencent à être nombreuses) sur les avantages et les inconvénients des différents procédés, qu’il semble utile pour un porteur de projet de consulter.
Faire un état des lieux
Pour les unités déjà en fonctionnement, l’optimisation peut commencer par une réflexion globale et un état des lieux. Le premier poste à analyser concerne les intrants avec plusieurs questions à se poser : donnent-ils le volume de gaz attendu en fonction de leur potentiel méthanogène ? Comment peut-on les préparer mieux pour qu’ils donnent vraiment le maximum de ce potentiel ? Peut-on améliorer les recettes de l’unité pour produire plus à tonnage équivalent ? Puis-je bénéficier de déchets organiques provenant de collectivités ? Pour répondre à ces questions, le passage par des laboratoires d’analyses est indispensable, comme vous le verrez dans les pages qui suivent.
En complément, il peut être intéressant de réaliser un audit des fuites sur l’installation : cuves, récupération, épuration peuvent être source de pertes importantes de biogaz ; et le retour sur investissement peut être rapide. Un audit permet aussi de repérer les problèmes comme des équipements sous-dimensionnés ou surdimensionnés, ou des dégradations de l’installation.
Un autre moyen de réduire son coût de production de biogaz est de réduire le coût des OPEX, et en particulier des consommables. Achats groupés, plateformes spécialisées se développent. Cela peut permettre une réduction du poste d’achat de l’électricité, des charbons actifs, mais aussi des équipements à changer. Seule condition, que la qualité soit au rendez-vous, car l’investissement dans une méthanisation relève du long terme. Il est donc nécessaire de bien sélectionner ses fournisseurs pour pérenniser l’installation. Une meilleure rentabilité sera également obtenue par une utilisation optimale de tous les sous-produits : digestat, peut-être bientôt CO2… La filière travaille certes à la manière de rémunérer, voire de prendre en compte les externalités positives de la méthanisation (comme la capture de CO2 par exemple), mais il ne faut pas attendre pour, par exemple, se pencher sur le poste énergie, dont les prix sont en hausse constante. Pour le gestionnaire d’exploitation, la réflexion peut aller encore plus loin, notamment par l’orientation vers une autonomie énergétique : pourquoi pas la mise en place d’une centrale solaire pour fournir électricité et chaleur nécessaires au fonctionnement ? Autre réflexion, pourquoi ne pas garder un peu de biogaz pour faire fonctionner les machines agricoles, voire installer une station locale de biocarburant ? Les réponses à ces questions sont évidemment très différentes d’une exploitation à l’autre en fonction des configurations territoriales, des intrants et du plan d’épandage… Mais tout pilote de méthanisation a intérêt à s’entourer de professionnels afin de réaliser une véritable analyse de fond de son unité et à penser à long terme, car de grosses économies et du chiffre d’affaires sont à la clé.
Une journée pour réduire les coûts La France compte désormais plus de 1 000 méthaniseurs (cogénération et injection), un développement soutenu depuis plusieurs années par les pouvoirs publics à toutes les échelles et des innovations issues de la recherche et du terrain. Le Centre technique national du biogaz et de la méthanisation de l’ATEE y contribue depuis 2019 par ses groupes de travail, réunions d’échanges et webinaires réunissant chercheurs, industriels et agriculteurs pour répondre aux interrogations du public et des professionnels. Pour maintenir cette dynamique, après le succès des « Journées Recherche Innovation biogaz méthanisation » de Toulouse en 2020 (version hybride), la prochaine édition de ces journées se déroulera à Lyon du 15 au 17 mars 2022. Pour cette édition, le CTBM s’associe à l’INSA Lyon, avec le concours de Bio-Valo. L’objectif de ces JRI 2022 est de promouvoir les échanges entre les différents acteurs de la filière (industriels, agriculteurs, chercheurs et acteurs du territoire) afin de poursuivre le développement d’une filière adaptée au contexte français. Pour ce faire, les travaux de recherche, retours d’expérience, réflexions seront partagés au travers des présentations, des tables rondes et des moments d’échange. La journée du 15 mars sera consacrée à la réduction des coûts des unités de méthanisation. L’appel à interventions pour cette partie est ouvert jusqu’au 22 octobre 2021. Ces journées permettront de balayer l’ensemble des thématiques de recherche, organisées en trois sessions : « Agronomie et environnement », « Économie, société et politiques publiques » et « Procédés et valorisation ». |