Le plan de relance français fait la part belle à la mobilité hydrogène. Mais c’est dans toute l’Europe que les projets de mobilités hydrogène se multiplient, des vélos aux… avions. Le gouvernement veut que la France dispose d’une grande filière industrielle d’hydrogène vert. Stations, piles à combustible, bateaux, poids lourds, attention au décollage !
Lors du plan de relance spécifique à l’automobile présenté le 26 mai 2020 par Emmanuel Macron, 8 milliards d’euros étaient prévus pour la filière en contrepartie de relocalisations, mais aussi d’une transition énergétique vers l’électrique. Le gouvernement avait annoncé dans ce sens la place importante de l’hydrogène, parce qu’il veut que la France soit un pôle d’excellence industrielle dans l’hydrogène vert. Mobilité hydrogène France, le groupe consacré à la mobilité au sein de l’AFHYPAC, devenu France Hydrogène à l’automne, avait alors indiqué que l’hydrogène était « un accélérateur de l’électromobilité » et ajouté : « Au-delà des indispensables mesures de soutien à court terme, la transition écologique des transports et les véhicules électriques en particulier restent au cœur du plan de relance français, en ligne avec la démarche menée au niveau européen (Pacte vert pour l’Europe). C’est un pas en avant pour le climat et la qualité de l’air, mais également pour la compétitivité à long terme de l’industrie automobile européenne face à des pays asiatiques, et à la Chine en particulier, qui investissent massivement dans les véhicules zéro-émission. »
La filière en roue libre
Dans cette transition énergétique et industrielle, l’hydrogène, complémentaire à la technologie batterie, permet à de nombreux professionnels qui n’ont que quelques minutes pour « faire le plein » et/ou transportent des marchandises ou des personnes sur de grandes distances de se convertir au zéro émission. L’hydrogène offre en effet un confort d’usage – en termes de temps de recharge et d’autonomie notamment – identique au véhicule thermique. Il élargit donc le marché de l’électromobilité pour les constructeurs, précisait le groupe Mobilité de France Hydrogène.
Or cette complémentarité est pleinement reconnue dans le plan de relance français : au-delà du maintien du bonus écologique, les véhicules utilitaires électriques hydrogène bénéficient de la prime à la conversion annoncée et des mesures visant à mobiliser la commande publique pour accélérer la transition énergétique des flottes. La production, la conception et l’usage d’équipements et de systèmes hydrogène pour la mobilité bénéficieront par ailleurs du fonds d’investissement automobile (150 millions d’euros dès 2020 pour le soutien à la recherche et à l’innovation du secteur automobile). Le fait que le gouvernement, en accord avec la Plate-forme automobile française (PFA) qui réunit constructeurs et équipementiers, annonce un soutien à la technologie hydrogène, qui concerne aussi bien la demande de véhicules que l’offre industrielle, est donc un grand pas en avant pour la filière. Il est en ligne avec l’objectif gouvernemental d’un million de véhicules propres à l’horizon 2025. Ce plan de relance, destiné avant tout au grand public, ne reflète qu’une partie des travaux menés par la filière française avec les autorités. La question du nombre de stations notamment a été traitée dans la Programmation pluriannuelle de l’énergie : l’objectif de 100 stations en 2023, issu du plan gouvernemental de 2018, a été réaffirmé, et il devrait être dépassé dans les faits. Il y a en effet eu 160 projets concernant tous les secteurs (mobilité, énergie, industrie) déposés en réponse à l’appel à manifestation d’intérêt hydrogène publié le 27 janvier 2020 par le gouvernement. « Nous travaillons actuellement en étroite collaboration avec les services de Bercy pour articuler ces projets entre eux et structurer la chaîne de valeur française », indiquait Fabio Ferrari, premier vice-président de France Hydrogène. Les discussions se poursuivent aussi pour lever certains verrous réglementaires notamment et faciliter la production à grande échelle d’hydrogène décarboné – dans le même sens que les démarches engagées au niveau européen.
Mobilité lourde à l’hydrogène décarboné
Après le plan « automobile », le plan de relance économique annoncé début septembre conforte donc la place faite à l’hydrogène. Cette part est prépondérante, en particulier pour la mobilité lourde, l’une des trois priorités, qui se voit attribuer 27 % des 7 milliards d’euros sur la durée de ce plan. Le plan indique clairement que l’hydrogène est adapté aux véhicules lourds, ce vecteur d’énergie offrant une capacité de stockage complémentaire à celle des batteries électriques.
L’hydrogène répond aux besoins de fortes puissances motrices ou de grande autonomie, notamment pour les flottes captives parcourant de longues distances à flux tendus : véhicules utilitaires légers, poids lourds, bus, bennes à ordures ménagères, trains régionaux ou interrégionaux en zone non électrifiée. L’hydrogène répond aussi à l’objectif de décarbonation de ces mobilités dites « lourdes ». Il existe des maturités technologiques différentes selon les types de véhicules, mais des équipements communs (piles à combustibles, réservoirs, électronique de puissance) sur lesquels capitaliser des développements. Ce secteur (constructeurs et équipementiers automobiles) représente un enjeu économique important, avec un chiffre d’affaires de plus de 100 milliards d’euros et 225 000 emplois. Il existe des entreprises françaises prometteuses pour le développement ou l’industrialisation de composants stratégiques. Pour accélérer cette mobilité, l’objectif est donc de produire des véhicules fiables, répondant aux besoins des entreprises, et de disposer d’équipements performants et évolutifs et des compétences pour produire et entretenir. Pour la mobilité lourde, le plan prévoit un appel à projets (AAP) « Briques technologiques et démonstrateurs » : cet AAP vise, dans son volet « briques technologiques » à développer ou à améliorer les composants et systèmes liés à la production et au transport d’hydrogène, et à ses usages tels que les applications de transport ou de fourniture d’énergie. Il pourra également soutenir des projets de démonstrateurs intégrant une forte création de valeur en France et permettant à la filière de développer de nouvelles solutions et de se structurer. Cet AAP est doté de 350 millions d’euros jusqu’en 2023. Afin d’accélérer le déploiement des mobilités professionnelles à l’hydrogène sur le territoire national, la stratégie propose la mutualisation de la demande, à la fois dans le secteur industriel et dans celui de la mobilité, à l’échelle des territoires.