L’énergie hydraulique offre de nombreux atouts. Comme pour les autres énergies renouvelables, elle n’émet pas de gaz à effet de serre (GES) pendant son fonctionnement ; elle permet à la France d’assurer son indépendance énergétique sans émission de GES ; l’électricité produite est stockable en grande quantité, permettant aux collectivités de faire face aux pics de consommation ; elle ne produit aucun déchet ; elle s’intègre parfaitement dans les plans de développement économique et social au sein des territoires ; grâce aux barrages, il est possible d’aménager les paysages, de créer des zones de loisirs ou sportives, mais aussi d’attrait touristique.
Mais il y a un revers à cette médaille. D’abord, les superstructures modifient les paysages, les territoires, mais aussi les fleuves et les rivières. Elles peuvent faire disparaître des zones exploitables, agricoles, et pousser des populations à quitter des lieux qu’elles occupaient parfois depuis très longtemps. Par les phénomènes de sous-oxygénation ou de suroxygénation, les écosystèmes et la biodiversité peuvent être menacés, avec, dans des cas extrêmes, la disparition d’espèces. Enfin, plusieurs études ont montré que dans certaines régions du monde, notamment en zones tropicales, l’activité bactériologique dans l’eau retenue pouvait avoir un bilan négatif en GES, avec des relâchements de méthane par exemple.
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« Fleuve turbulent », « fleuve des neuf dragons », ce puissant cours d’eau est connu dans le monde entier sous le nom de Mékong. Long de plus de 4 000 kilomètres, il prend sa source dans les plateaux himalayens du Qinghai, à 5 000 mètres d’altitude et se déverse en mer de Chine. Le Mékong traverse la Chine, la Birmanie, la Thaïlande, le Laos, le Cambodge et le Vietnam. Deux cent cinquante millions d’habitants vivent dans son bassin et ses eaux abritent 1 300 espèces de poissons. Mais la multiplication des barrages hydroélectriques bouleverse le cours du fleuve qui est en outre le plus gros réservoir de poissons d’eau douce au monde. Rien qu’en Thaïlande, deux millions de tonnes de poissons y sont pêchées. Or, dans ce pays, le Mékong, ou Mae Nam Kong en thaï, laisse apparaître des îlots de verdure alors que la saison des pluies a commencé. En réalité, le fleuve est plus bas de trois mètres par rapport à son niveau habituel à cette période de l’année, soit au début du mois d’août.
En 2019, en Thaïlande, au Cambodge, en Birmanie et au Vietnam, la sécheresse dans le bassin du fleuve a été particulièrement sévère. En cause : la Chine et ses barrages. On en compte onze rien que sur le territoire chinois. Les écosystèmes et la biodiversité sont en danger. La sédimentation du limon dans les lacs de retenue, par exemple, empêche les nutriments (qui donnent sa couleur marron clair au fleuve) de descendre vers l’aval. En 2019, le fleuve habituellement marron clair est ainsi passé au bleu. Les barrages chinois font des émules. Le Laos a ouvert, fin 2019, son premier barrage sur le Mékong, accentuant un peu plus la colère des pêcheurs thaïlandais, en aval du fleuve. Or ce barrage a été construit par une firme thaïlandaise pour alimenter en électricité, ironie de l’histoire… la Thaïlande. Le Laos ne compte d’ailleurs pas s’arrêter là puisque, en janvier 2020, un nouveau projet de barrage a été lancé. Il sera construit près de la frontière thaïlandaise par une compagnie chinoise.