Le bilan de la première application de la déclaration de performance extrafinancière (ex-rapport RSE) met en lumière, dans les entreprises de plus de 500 salariés, des renseignements liés au changement climatique, qui s’impose comme le sujet prioritaire.
En février dernier, l’association Orée a présenté un rapport faisant le premier bilan de la déclaration de performance extrafinancière (DPEF) publiée par trente entreprises françaises pour l’année 2018, soit 25 entreprises cotées en Bourse (10 grandes entreprises du CAC 40, 10 autres faisant partie de l’indice SBF 120 et 5 petites entreprises) et 5 entreprises non cotées.
La directive européenne du 22 octobre 2014 impose à certaines entreprises une déclaration de performance extrafinancière dans les rapports annuels de gestion. Cela concerne les sociétés cotées en Bourse de plus de 500 salariés qui ont un bilan supérieur à 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros. Cela concerne également les sociétés non cotées de plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. Les sociétés qui dépassent ce montant doivent impérativement faire vérifier leurs informations par un organisme tiers indépendant (OTI).
Les risques climatiques, enjeu majeur pour les entreprises
Le passage à la DPEF a poussé un certain nombre d’entreprises à se concentrer sur l’identification des risques. Parmi eux, le changement climatique est, selon Orée, « l’un des risques le plus souvent cité et le mieux renseigné ».
Les DPEF analysés par Orée traitent tous du changement climatique et donnent des renseignements sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Orée indique : « La hausse des préoccupations des parties prenantes concernant l’urgence climatique doublée de la menace qu’elle représente pour les activités des entreprises place le dérèglement du climat comme un enjeu matériel pour la majorité des entreprises. » Sur les 30 entreprises, 22 calculent leurs émissions de GES du « scope 3 » qui regroupe les émissions émises par leurs activités en amont et en aval. Selon Orée, « l’évaluation du scope 3 commence à être bien prise en compte, ce qui n’est pas le cas de l’adaptation au changement climatique, qui est toujours moins bien renseignée par les entreprises ».
En fait, si la lutte contre le changement climatique est un objectif partagé par la plupart des entreprises, l’adaptation est « largement minoritaire. Celle-ci est en effet difficile à appréhender pour les entreprises qui inscrivent leur gestion des risques dans le court et le moyen termes. Elle demande également des investissements importants, plus difficiles à envisager face à des impératifs financiers à court terme ». Beaucoup d’entreprises se servent de l’initiative Science-Based Targets (SBT) pour fixer leurs objectifs de réduction de GES, sur les trois scopes : scope 3, scope 1 (émissions directes de GES liées à l’activité) et scope 2 (émissions de GES indirectes).
L’économie circulaire au second plan
En revanche, les informations transmises par les entreprises à propos de l’économie circulaire ou encore de la biodiversité doivent être « approfondies, si ces risques sont pertinents au regard de leur modèle d’affaires », indique Orée. L’économie circulaire apparaît dans 28 DPEF, mais seulement dans le thème « gestion responsable des déchets ». Orée ajoute que l’économie circulaire est « un risque bien identifié par les entreprises, mais [qu’]il doit davantage refléter l’entièreté des facettes de cet enjeu, souvent uniquement appréhendé par la gestion des déchets ». Le gaspillage est pour sa part « relativement peu pris en compte comme risque principal par les entreprises ».
Pourtant, la démarche RSE peut miser sur l’économie circulaire et être synonyme d’innovation. Elle permet aux entreprises d’anticiper les besoins de demain, de mieux servir leurs clients, de réfléchir sur l’empreinte environnementale et sur les améliorations qu’elles peuvent apporter pour l’ensemble de la société.
L’Union européenne se penche d’ailleurs sur la question de l’économie circulaire, et vient de présenter son plan d’action pour mettre en place un « droit à la réparation » des outils informatiques et électroniques (téléphones, tablettes, ordinateurs). Dès 2021, les fabricants devront mettre à disposition des pièces détachées et des mises à jour. Le site Frandroid précisait : « Le plan d’action propose la création d’une initiative d’économie circulaire pour le matériel électronique, qui vise à promouvoir l’extension de la durée de vie des produits […] dans le but d’éviter l’obsolescence programmée. » C’est donc en amont que l’UE souhaite agir en faveur de l’économie circulaire.
D’une manière plus générale, la Commission européenne souhaite réviser dès 2021 les dispositions de la directive européenne sur le reporting RSE de 2014. Une consultation publique a d’ailleurs été ouverte jusqu’au 14 mai 2020. La Commission souhaite également revoir la DPEF et la lier au projet européen sur la taxonomie verte, adoptée le 23 janvier dernier. La taxonomie verte doit permettre d’orienter les investissements vers des projets verts, permettant la transition vers une économie bas carbone et un modèle de développement durable. La nouveauté est de que l’UE disposera d’un « langage commun » avec ce système de classification des activités économiques durables. Par ailleurs, cela permettra de limiter les accusations de greenwashing.