Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur maritime, le transport maritime français a annoncé soutenir la baisse de la vitesse des navires de fret. La France a décidé de présenter cette initiative devant l’Organisation maritime internationale, institution des Nations unies, et espère obtenir un vote courant 2020.
Chaque année, 50 000 navires marchands circulent à travers le monde. Le secteur maritime assure le transit de 90 % des marchandises transportées. Cela représente 9,1 milliards de tonnes de marchandises, soit 289 tonnes transportées sur les mers par seconde (le tonnage transporté était de 2,5 milliards de tonnes en 1970 et de 8,4 milliards de tonnes en 2010). Pour autant, ce secteur ne représente que 3 % des émissions de CO2, soit un milliard de tonnes. À titre comparatif, les émissions des transports dits de passagers en surface (voiture, bus, train) grimpent à quatre milliards de tonnes de dioxyde de carbone par an.
Philippe Louis-Dreyfus, président du conseil de surveillance de Louis-Dreyfus Armateurs, indique que le secteur maritime « est un très gros pollueur, force est de le reconnaître. Même si, rapporté à la tonne transportée, il se révèle être le transport le plus respectueux de l’environnement, il faut travailler à des solutions pour réduire son impact environnemental ».
Dans ce contexte, l’objectif majeur de l’Organisation maritime internationale (OMI, que l’on appelle « l’ONU de la mer ») est de faire baisser de 40 % les émissions de CO2 par tonne transportée d’ici à 2030, mais de 50 % d’ici à 2040. En clair, cela signifie que chaque navire va devoir diminuer ses émissions de CO2 de 70 %. Pour établir ce chiffre, l’OMI a anticipé une hausse importante du trafic sur les mers avec, notamment, le développement d’un nombre croissant de navires dits « industriels », comme les navires qui transportent des parties d’éoliennes en mer et d’avions, etc.
Réduire la vitesse des navires de fret
En avril 2019, la France avait proposé à l’OMI de réduire la vitesse des bâtiments de transport de marchandises pour diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre. Le ministère de la Transition écologique et solidaire avait précisé que cette action ne nécessitait pas d’investissement technologique et pouvait être contrôlée par des moyens existants.
Le président de la République, Emmanuel Macron, a relancé cette idée lors du G7, à Biarritz, au mois d’août, en indiquant qu’il fallait « répondre à l’appel de l’océan ». Cette proposition avait d’ailleurs été soufflée à Emmanuel Macron par Philippe Louis-Dreyfus.
Et l’idée se tient, car réduire la vitesse des navires permet de diminuer la pollution. Par exemple, un pétrolier diminue sa consommation de 18 % en faisant passer sa vitesse de 12 à 11 nœuds (soit de 22,2 à 20,4 km/h), mais de 30 % en naviguant à 10 nœuds.
Les 170 membres de l’OMI ont fixé dès 2018 l’objectif de réduction de moitié des GES d’ici à 2050. Pour autant, le 26 juillet 2019, neuf compagnies maritimes, membres d’Armateurs de France, ont signé la charte SAIL (Sustainable Actions for Innovative and Low-impact Shipping) : Britanny Ferries, CMA-CGM, Corsica Ferries, Corsica Linea, La Méridionale, Louis-Dreyfus Armateurs, L’Express des îles, Orange Marine et Ponant. Parmi les mesures prises, le recours au gaz naturel liquéfié (GNL).
Pour la task-force Économie maritime du Medef International (TFEM), qui réunit les structures de l’économie maritime française avec près de 300 000 emplois directs, il est important d’abord de « verrouiller les gains enregistrés en matière de vitesse réduite (− 20 %) pour les porte-conteneurs ». La TFEM et le Cluster maritime français, qui travaillent ensemble, souhaitent que la décision de réduire la vitesse des navires de fret soit prise au niveau mondial. Mais déjà, plusieurs pays exportateurs d’Amérique du Sud ont fait part de leur opposition. Le vote aura lieu en 2020 avec, si tout se passe bien, une application à partir de 2023.
En attendant, la task-force travaille sur plusieurs solutions comme l’amélioration de la qualité du carburant, les cargos naviguant au gaz, avec également la question du ravitaillement dans les ports, et même les cargos à voile.
Il y a aussi les systèmes de branchement électrique à quai. À Marseille, 10 à 15 % de la pollution de l’air provient de l’activité maritime. La ville a accueilli 511 escales en 2018, soit 1,7 million de passagers. Ce chiffre pourrait grimper à 2 millions en 2020. Or, pendant que les touristes visitent la ville et la région, les moteurs de ces immenses navires continuent de tourner pour faire fonctionner tous les équipements à bord. Le Grand Port maritime de Marseille (GPMM) a décidé de développer un système de branchement à quai afin qu’ils puissent stopper leurs moteurs. Les ferries vers la Corse utilisent ce système depuis 2017. Cela a permis d’économiser 1 200 tonnes de pétrole par an. Un représentant du port de Marseille explique : « La connexion électrique à quai est pour nous la solution technique la plus efficace pour supprimer les polluants et les gaz à effet de serre émis par le bateau en escale. » Le GPMM prévoit la mise en service de deux postes électriques d’ici à 2025.
Photo ci-dessus : Dans un contexte de forte croissance du fret maritime, l’Organisation maritime internationale souhaite faire baisser de 40 % les émissions de CO2 par tonne transportée.