Matthieu Tusch a commencé sa carrière chez RES à l’issue d’études d’ingénieur en France, puis à Montréal. C’est à son retour en France qu’il a débuté au sein de RES Group en tant qu’ingénieur d’études (acoustiques, design d’installations, etc.) et qu’il a évolué vers le poste de manager technique pour devenir enfin responsable de projets. En effet, l’entreprise a pris la décision de créer des équipes chapeautées par un gestionnaire de projet, qui est le responsable hiérarchique intervenant de la phase de prospection jusqu’au financement dudit projet. C’est pourquoi Matthieu Tusch a accepté de s’entretenir avec nous dans l’optique d’aborder un sujet d’actualité et cher à RES Group : le repowering.
Un maillage territorial
L’organisation du groupe RES permet un maillage territorial du pays puisqu’il compte six équipes : deux à Paris, deux à Lyon, une à Bordeaux et celle de Matthieu Tusch, à Avignon, qui est le point d’ancrage historique du groupe. Il nous explique qu’étant chargés du développement des projets avignonnais, lui et son équipe ont été « les premiers à défricher la thématique du repowering éolien dans la mesure où l’entreprise s’est initialement développée dans le Sud. C’est dans ce cadre que nous nous sommes intéressés au site de Souleilla-Corbières », sur lequel nous reviendrons par la suite.
Le repowering
Une installation éolienne a une durée de vie limitée, qui peut être prolongée dans certaines conditions. Ainsi, il faut tôt ou tard se poser la question du renouvellement des sites. Les acteurs de l’éolien, les administrations et les élus locaux doivent engager des discussions autour de sites qui ont déjà fait leurs preuves et qui, généralement, sont excellents sur le plan du potentiel éolien. En local, ces sites bénéficient déjà d’une très bonne acceptation des riverains, d’autant plus que l’amélioration du matériel diminue les nuisances provoquées par ces installations. Le repowering est donc le renouvellement de parcs éoliens dans une optique d’amélioration des performances.
Il existe trois possibilités de renouvellement qui permettront de reconfigurer le site : modifier la position ou la taille des éoliennes, en installer de plus grandes aux mêmes emplacements ou effectuer un renouvellement à l’identique. Bien sûr, les autorisations à obtenir ne seront pas similaires selon le type de renouvellement, ce que nous verrons dans un second temps.
Typologie des renouvellements
Quand nous interrogeons Matthieu Tusch à ce sujet, il nous explique que « le renouvellement à l’identique permet de proroger un site avec du matériel plus récent, mais dans la même configuration et avec les mêmes dimensions. Le second type de renouvellement, que l’on appelle augmentation d’enveloppe, conserve les mêmes dimensions, mais avec une augmentation de la performance des machines. L’avantage, dans ces deux premiers cas, est qu’il s’agit d’une modification non substantielle, qui n’engage pas de processus d’autorisation nouvelle. Il n’est donc pas nécessaire de passer par une enquête publique, contrairement au dernier type, dans lequel le nouveau projet est totalement différent de celui qu’il remplace. S’il est le plus contraignant, ce renouvellement permet les meilleures améliorations tant dans le design que dans les performances ».
Le parc éolien de Souleilla-Corbières
Il s’agit tout simplement du premier parc du groupe installé en 2001. Il s’agissait à l’époque du plus grand parc éolien de France, disposant d’un gisement exceptionnel de vent et d’une puissance nominale de 20,8 MW. Il est composé de 16 éoliennes de 1,3 MW, de marque Siemens Gamesa et fonctionne avec des machines qui ne sont plus produites. En effet, ce parc a déjà bientôt 18 ans d’exploitation derrière lui. Bien que le parc puisse tourner jusqu’à 2025, tant il est bien entretenu, le groupe a pensé qu’il fallait saisir l’occasion de le renouveler avec des technologies plus récentes.
Ne pouvant modifier les autorisations obtenues concernant l’emploi des machines (80 mètres de hauteur maximum) en raison des spécificités géographiques du site, RES Group s’est tourné vers le constructeur Poma Leitwind, qui a une manière très innovante d’aborder le marché. En effet, ce constructeur s’est orienté vers des machines spécifiques. Matthieu Tusch nous indique qu’il sera possible d’« adapter les tours, les rotors et [que] l’ensemble des accords sont déjà trouvés sur le plan des autorisations et obligations ». Il poursuit : « Nous avons trouvé un constructeur compétitif pouvant répondre aux autorisations spécifiques du parc, qui de surcroît assemble ses nacelles en France, dans son usine de Gilly-sur-Isère, en Savoie, où il monte également des remontées mécaniques, qui est une autre de ses activités. RES se réjouit à ce titre de participer au travers du projet de renouvellement de Souleilla-Corbières à l’atteinte de l’ambition industrielle de Poma Leitwind de fabriquer ses machines en France. »
Le projet de Souleilla semble donc être un exemple de l’agilité de RES puisque l’entreprise a entamé sa réflexion il y a un an seulement, tout en étant présente sur quatre fronts : le renouvellement des accords territoriaux (baux, accords avec la commune), l’obtention des autorisations de renouvellement, la recherche d’un nouveau constructeur, et l’obtention d’un complément de rémunération compétitif à l’appel d’offres tarifaire éolien organisé par la Commission de régulation de l’énergie en mai dernier, ouvrant ainsi la voie au financement du projet à venir. Il s’agit là d’un véritable tour de force, car les équipes de RES sont parvenues à réaliser entre septembre 2017 et mai 2018 ce qui est généralement fait en quatre à six ans. Ce succès est lié à la particularité de ce projet et surtout à l’obtention très rapide des autorisations. Ce succès permet également à RES de se positionner sur ce marché à fort potentiel et d’afficher son ambition de proposer ce type de service à des tiers.
Le cadre réglementaire
Ce cadre réglementaire déterminé par le groupe de travail de Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, précise les trois cas exposés au début du texte. Il essaie de différencier ce qui est substantiel et ce qui ne l’est pas, dans le cadre du renouvellement d’installations et « ce projet a le mérite d’afficher la volonté gouvernementale d’au moins maintenir la capacité existante des sites de production, mais laisse également entendre une augmentation de la production sur ces sites » renchérit Matthieu Tusch.
Le renouvellement de sites est une excellente chose et le repowering permet à des sites existants d’être optimisés, sachant qu’ils disposent de potentiels énormes ainsi que d’une excellente acceptation des riverains. Cependant, le danger serait de s’orienter uniquement vers le renouvellement. En effet, si la stratégie est nécessaire, les technologies évoluent, les performances aussi et nous disposons dans tout le pays d’un énorme potentiel de parcs éoliens. Ainsi, il est évident qu’il faut tendre vers une augmentation du nombre de parcs, confirme Matthieu Tusch : « Il est plus confortable, rapide et moins contraignant d’opter pour un renouvellement. Néanmoins au vu des objectifs du pays et de ses engagements européens et mondiaux, on ne peut se limiter à cela : il faudra aussi équiper de nouveaux sites. La culture du consensus au sein de l’administration et le manque de capacité d’arbitrage ralentit la filière. Pour donner un exemple concret, si 20 avis sont consultés pour une demande d’autorisation, il suffit parfois d’un refus pour que le projet soit remis en question et abandonné. Cette instruction va donc clairement dans le bon sens, il faut maintenant être vigilant à ce que des initiatives aussi efficaces soient mises en place pour faciliter les autorisations des nouveaux sites afin d’être à la hauteur du défi de notre siècle et ne pas se limiter, pour reprendre les propos de M. Hulot, à une politique des petits pas. »
Vous l’aurez compris, l’instruction du groupe de travail de Sebastien Lecornu, secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, s’avère très positive, bien qu’elle ne soit à l’heure actuelle toujours pas suivie de textes de loi. De plus, le repowering ne résoudra pas tous les défis de la filière éolienne et la construction de nouveaux sites sera nécessaire. Il faudra donc dans un premier temps maintenir nos capacités de production et les stabiliser puis, à court terme, les augmenter afin d’atteindre les objectifs gouvernementaux fixés en matière de production d’énergie renouvelable. De beaux défis à relever malgré les freins administratifs à contourner…
Propos recueillis par Samy Ellaouzi