L’accord de Paris sur le climat, aussi désigné sous le nom de COP21 (21e Conférence des parties), reste dans tous les esprits en raison de son importance et de sa ratification récente par les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) de la planète : Chine, États-Unis, Inde et Union européenne. Malgré ce succès, beaucoup reste à faire. C’est dans ce cadre et pour engager la suite que prend place la COP22, du 7 au 18 novembre 2016, à Marrakech.
Succès sans précédent dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’accord de Paris est parvenu à engager les États de la planète sur un objectif chiffré de limitation du réchauffement climatique – au-dessous de 2 °C et, si possible, de 1,5 °C – accompagné d’un effort partagé dans la réduction des émissions de GES. Ainsi, l’Union européenne, qui représente 9 % des émissions de GES s’est engagée à les diminuer de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 et vise 80 % de réduction avant 2050. Les États-Unis, deuxième émetteur de GES de la planète, avec 12,6 % du total, ont promis une réduction, d’ici à 2025, de 26 à 28 % de leurs émissions de GES par rapport à 2005. La Chine, premier émetteur mondial avec 23,2 % des émissions, a annoncé vouloir atteindre son pic d’émissions en 2030, tout en en diminuant le niveau par point de PIB de 60 à 65 % par rapport à 2005. L’Inde, émetteur important, avec près de 7 % des émissions mondiales, s’est engagée à réduire, d’ici à 2030, de 33 à 35 % ses émissions par point de PIB par rapport à 2005, sous condition d’une aide financière internationale.
L’Afrique au cœur des enjeux
Malgré le succès que représente cet accord, beaucoup reste à faire, d’autant que si 175 pays l’ont signé, nombreux sont ceux qui ne l’ont pas ratifié, en particulier en Afrique. C’est vers ce continent que seront d’ailleurs orientés une bonne part des débats et des objectifs de la COP22. Cette nouvelle Conférence des parties sera l’occasion de transformer l’accord de Paris en véritable programme d’action formulé autour d’un triple A : Adaptation, Afrique, Alimentation. L’adaptation vise à mettre dès maintenant en œuvre des solutions pour aider les États qui en ont le plus besoin à s’adapter aux effets, déjà perceptibles, du changement climatique. Cet enjeu concerne les îles du Pacifique, où la montée des eaux menace leur survie même, mais aussi de très nombreux pays du monde, souvent en développement, confrontés par exemple aux conséquences dévastatrices de sécheresses de plus en plus fréquentes et marquées.
L’Afrique, continent où se déroule cette COP22, est au cœur des enjeux futurs. En effet, les projections du Programme des Nations unies pour le développement y anticipent une forte progression démographique, particulièrement en Afrique subsaharienne – l’Afrique compterait 2 milliards d’individus dès 2030, contre 1,2 milliard aujourd’hui. Pour autant, le continent a l’avantage – bien que cela représente également un défi – de ne pas être soumis aux enjeux de la transition énergétique en raison du peu d’infrastructures existantes, ce qui lui permet de démarrer dès maintenant avec une production orientée vers des fondamentaux écologiques.
Enfin, l’alimentation constitue sans doute le problème du futur le plus important, qu’il convient de tenter de résoudre dès à présent. En effet, climat et alimentation sont intrinsèquement liés. Il suffit de penser à l’impact de la consommation de viande, par exemple, sur les émissions de GES pour s’en rendre compte. Ainsi, le tiers des surfaces cultivées mondiales, nécessaire pour nourrir le bétail, est responsable de 60 % de la déforestation. Ces élevages produisent également des GES par l’effet même de la déforestation, mais surtout par la digestion des bovins, laquelle engendre une surproduction de méthane, puissant gaz à effet de serre. Ainsi, à l’échelle mondiale, l’élevage (tous animaux confondus) contribuerait à hauteur de 6 à 32 % à l’augmentation de l’effet de serre. D’une manière générale, l’agriculture consomme déjà 70 % de l’eau douce de la planète, dont un tiers pour l’élevage. Pour un continent comme l’Afrique, où les habitudes de consommation sont en transformation, notamment compte tenu de la constitution d’une classe moyenne de plus en plus nombreuse, prendre en compte dès à présent ces paramètres est essentiel afin d’éviter que de mauvaises pratiques se développent, comme ce qui peut exister en Europe, aux États-Unis et dans des pays ayant déjà connu ce phénomène, comme la Chine en particulier. Plus généralement, il faut rappeler que la dimension climatique est à l’origine d’une grande partie des conflits, souvent indirectement, compte tenu des effets qu’elle entraîne sur les populations : famines, déplacements, disputes pour les ressources, etc. Pour un développement serein de la planète, la lutte contre les conséquences du changement climatique et l’intégration, notamment, des États africains – qui ne contribuent pourtant qu’à hauteur de 4 % des émissions de GES – dans ce processus sont essentielles et devraient être discutées lors de cette COP22.
L’urgence climatique
Pour ces raisons, la mobilisation collective de tous les acteurs, des ONG aux citoyens, en passant par les entreprises et les États, est essentielle, et la COP22 va s’attacher à œuvrer dans ce sens. L’urgence est d’autant plus grande que l’année 2016 a été marquée par une progression spectaculaire des températures. Chacun des mois de cette année a été le plus chaud mesuré depuis le début des relevés en 1880. Une telle séquence, mois après mois, n’avait jamais été enregistrée en 137 ans. Le phénomène El Niño, qui intervient une fois par décennie environ, en est naturellement en partie responsable, mais 2016 fait suite à deux années déjà marquées par les records de températures enregistrées. Or, malgré les engagements de la COP21 et l’optimisme qu’ils font naître, les derniers modèles climatiques laissent entrevoir des scénarios plus difficiles à gérer qu’escompté. Ces modèles de simulation situent en effet l’augmentation de la température moyenne dans une fourchette comprise entre 1,5 °C et 4,5 °C pour un doublement de la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Récemment, la captation du carbone par la biomasse végétale a notamment été au cœur des discussions, avec des calculs réajustés plus pessimistes sur la capacité réelle du sol à absorber nos excès d’émissions. Pour de nombreux experts, c’est sur cet objectif de captation du carbone que doit reposer une partie de la lutte contre le changement climatique, en particulier en Afrique, grâce à l’agriculture et la foresterie. Il s’agit de promouvoir un usage des sols capable de ralentir le changement climatique en favorisant l’accumulation du carbone, de garantir en même temps un emploi à des populations de plus en plus nombreuses et de lutter contre la faim grâce à cette production agricole plus écologique.