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L’électrification des véhicules, une opportunité pour l’automobile de prestige

Confrontée notamment au renforcement des normes, l’industrie automobile spécialisée dans les véhicules de prestige (sportifs ou luxueux) est contrainte à l’innovation. La plus évidente, et qui correspond à la voie actuellement empruntée, est celle de la transition vers la motorisation électrique.

La voiture tue davantage par sa pollution que par les accidents de la route. En 2010, et bien que la tendance soit à la baisse, les décès dus à la pollution de l’air étaient supérieurs à 478 000 au sein des pays de l’OCDE, dont 17 300 en France(1). Face à ce constat, le secteur des transports est pointé du doigt, produisant à lui seul près du tiers des émissions de gaz à effet serre et responsable d’une bonne part de celles de particules fines, mises en cause pour leur responsabilité dans le développement de cancers et de problèmes respiratoires graves. Or, en 2015, une étude de l’université de Toronto(2) portant sur 100 000 véhicules a démontré que 25 % d’entre eux étaient responsables de 90 % de la pollution de l’échantillon (particules fines et gaz à effet de serre notamment). Les vieux véhicules sont les premiers concernés dans la mesure où les normes environnementales qui ont entouré leur conception étaient moindres. L’étude montre que le comportement des utilisateurs au volant est aussi impactant. À ces deux catégories s’ajoute une dernière, non exclusive, celle des grosses cylindrées et des modèles sportifs, dont la part dans les 25 % de véhicules les plus polluants n’est pas négligeable. Dans ce contexte sanitaire grave, auquel s’ajoute le problème du réchauffement climatique, l’arrivée sur le marché depuis quelques années de modèles entrant dans cette gamme « prestige » et dotés de motorisations électriques est donc une bonne nouvelle, d’autant que leurs performances n’ont rien à envier aux véhicules thermiques. Les marques innovent donc de plus en plus, et certaines se créent même, pour proposer des modèles répondant à ces critères. À ce titre, le premier Salon international de l’automobile de Monaco, qui se tiendra du 16 au 19 février, en faisant la part belle à l’automobile de prestige, devrait offrir un très bon aperçu d’un marché en devenir et dont la portée n’est pas négligeable pour l’avenir de la planète et de ses habitants.

Un segment particulièrement concerné par les normes et les réglementations

Depuis 1993 et leur introduction dans la législation communautaire, les normes Euro ont progressivement été améliorées, poussant les constructeurs à devoir proposer des véhicules toujours plus écologiques, même si certaines fraudes ou optimisations lors des phases de tests, récemment révélées, ont pu limiter les gains réels par rapport aux attentes. Quoi qu’il en soit, cette situation favorise l’émergence de véhicules plus durables dans le secteur de l’automobile de prestige, tout particulièrement concernée au regard du poids des véhicules et/ou de leur caractère sportif les contraignant à recourir à des motorisations puissantes. L’introduction du système de bonus-malus est également impactant. Au-delà de 200 g de CO2/km, le malus s’élève à 8 000 euros, et ne redescend que progressivement selon les émissions. À l’inverse, la mise en place d’un bonus allant jusqu’à 10 000 euros favorise les véhicules vertueux, à commencer par les 100 % électriques, pour lesquels il est maximal. En définitive, entre un véhicule sportif classique et son équivalent électrique, l’écart de base imputable au système du bonus-malus avoisine les 18 000 euros.

Du côté des politiques, des initiatives se multiplient aussi, jusqu’à aller désormais beaucoup plus loin dans leurs objectifs. Exemple marquant, le Conseil fédéral allemand a voté cet été son soutien à une résolution bannissant la vente et la circulation des véhicules thermiques dès 2030. L’initiative, dans un pays où l’automobile pèse économiquement lourd, a malgré tout fait consensus parmi la classe politique puisqu’elle a été soutenue par la CDU, la CSU, le Parti social-démocrate et les Verts. La mesure serait directement liée à la ratification par l’Allemagne de l’accord de Paris sur le climat et de ses objectifs contraignants en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre. Dans l’hypothèse où cette mesure serait ratifiée, le Bundesrat aurait déjà demandé à la Commission européenne de l’étendre à l’ensemble de l’Union.

Un nouveau souffle pour les constructeurs

Traditionnellement, l’automobile sportive a généré de nombreux progrès technologiques, dont certains, dans l’optique d’améliorer le rendement énergétique, se sont montrés favorables à l’environnement. Ainsi, les seules 24 Heures du Mans sont à l’origine de nombreuses innovations, dont l’une des plus récentes est celle des nouveaux moteurs hybrides portés par Audi en 2012. Plus récemment, c’est dans ce segment de l’industrie automobile que sont apparues les prémices des tendances durables de demain. En 2008, Tesla commercialisait ainsi son Roadster, un petit cabriolet 100 % électrique dont le succès en Californie a permis à la marque de passer à l’étape suivante, autour de son emblématique Model S. Introduite en 2012, la voiture a propulsé le groupe sur le devant de la scène et démontré la viabilité des solutions électriques sur le segment du haut de gamme, rebattant les cartes et ouvrant l’horizon du segment des berlines de luxe. Porsche aussi, avec sa 918 Spyder, commercialisée de 2013 à 2015 à un nombre limité d’exemplaires, a permis de faire entrer les nouvelles technologies durables dans un véhicule sportif de très haut de gamme. Depuis, les véhicules 100 % électriques sur le segment sportif de luxe se multiplient. Dernièrement, Lucid Motors, jeune société californienne, a annoncé le développement en cours de son Air, une berline de 1 000 ch dont l’autonomie annoncée variera entre 480 et 640 km selon la batterie. Le constructeur italien Maserati a de son côté annoncé cet automne qu’il se lançait dans l’électrique. Un premier modèle est ainsi attendu pour 2019, sur le créneau de la Porsche 911. Porsche, justement, enclenche la même dynamique. Déjà présent dans l’hybride rechargeable, le constructeur a annoncé à la même période qu’il comptait commercialiser 20 000 unités par an de sa Mission E, son premier modèle 100 % électrique qui sera lui aussi disponible à compter de 2019. Sur le même segment que Tesla, avec ses Model S ou Model X, le japonais GLM va commercialiser en 2019 un véhicule tout électrique d’une puissance de 400 kW (soit 550 ch). D’une manière générale, les constructeurs premium ont engagé le virage vers l’électrique. Ainsi, après BMW, pionnier dans le secteur, Mercedes-Benz a dévoilé au Mondial de l’automobile de Paris les grandes lignes de sa gamme de véhicules électriques qu’il lancera d’ici à 2025. À cette date, Mercedes comptera 10 véhicules électriques dans une gamme baptisée EQ (pour Intelligence électrique). Le premier modèle commercialisé sera un SUV 100 % électrique qui devrait être mis sur le marché avant 2020. La marque du groupe Daimler estime que la part des ventes de sa gamme EQ atteindra 15 à 25 % de ses ventes totales d’ici 20 à 25 ans.

Cette multiplication des initiatives est le résultat de plusieurs paramètres. Un premier est lié à l’air du temps qui, compte tenu d’une sensibilisation croissante des consommateurs et de la réglementation plus contraignante, incite les constructeurs à se positionner sur le secteur de plus en plus porteur du tout électrique. Un deuxième répond à la facilité renforcée pour un constructeur nouveau venu de se lancer la production d’un véhicule sportif tout électrique dans la mesure où la technologie nécessaire est relativement facile à maîtriser, éprouvée, peu cloisonnée par des brevets, contrairement au thermique, et finalement plus accessible, d’autant qu’Elon Musk, l’emblématique PDG de Tesla Motors, a livré au domaine public les brevets de sa société, dans le but précis de favoriser le développement de véhicules électriques. Enfin, un troisième critère, et non des moindres, celui des performances, favorise l’apparition de véhicules haut de gamme électriques.

Des performances irréprochables

La percée de l’électrique dans le segment prestige devrait se réaliser plus facilement que dans les segments d’entrée de gamme. En effet, à l’exception du bruit du moteur, qui peut être un critère recherché par les acheteurs, la différence entre motorisation thermique et motorisation électrique donne l’avantage à cette dernière. En ce qui concerne les performances en effet, une Tesla Model S P100D, variante la plus haut de gamme du véhicule phare de Tesla, affiche une accélération de 0 à 100 km/h en 2,7 s. Un chiffre comparable à celui de la Bugatti Chiron (2,5 s), dotée d’un moteur thermique de 1 500 ch et près de quinze fois plus onéreuse. Le record du monde d’accélération de 0 à 100 km/h a d’ailleurs été battu en juillet 2016 par des étudiants de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) et de l’université de Lucerne avec une voiture de course électrique de seulement 168 kg, conçue spécialement pour l’occasion : 1,513 s. Un nouveau record qui bat le précédent, 1,779 s, déjà détenu par un véhicule électrique. Le créneau des supercars est aussi pris d’assaut par l’électrique. Le constructeur chinois NextEV, avec sa nouvelle marque Nio, va commercialiser l’EP9. Capable d’atteindre 200 km/h en 7,1 s, avec des pointes à 313 km/h, elle a déjà réalisé des performances remarquées par tour sur circuits compétitifs traditionnels. Le véhicule chinois développe un couple de 1 480 Nm, et une puissance de 1 000 kW (correspondant à 1 360 ch). Reste la question de l’autonomie. Sur le segment occupé par Tesla et sur lequel se positionnent en thermique Porsche, Maserati, Mercedes, BMW, Lexus ou encore Audi, l’autonomie reste favorable à ces derniers. Avec plus de 400 km d’autonomie en situation réelle, et jusqu’à 500 km (613 km en NEDC) pour la P100D, l’électrique version Tesla n’a toutefois pas à rougir, d’autant que les véhicules s’améliorent sans cesse au regard de leur densité énergétique, de quoi promettre un rattrapage sur le thermique d’ici à 2020. Sur le segment plus sportif, la Nio EP9 de NextEV dispose d’une autonomie annoncée supérieure à 400 km. Un chiffre suffisamment élevé pour concurrencer directement les « hypercars » thermiques équivalents.                              

Notes
(1) OCDE (2014), Le coût de la pollution de l’air : Impacts sanitaires du transport routier, Éditions OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/9789264220522-fr.
(2) J. M. Wang, C.-H. Jeong, N. Zimmerman, R. M. Healy, D. K. Wang, F. Ke, et G. J. Evans, Plume-based analysis of vehicle fleet air pollutant emissions and the contribution from high emitters, Atmos. Meas. Tech., 8, 3263–3275, doi :10.5194/amt‑8–3263-2015, 2015.

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